Jeans Glove Varnel, une histoire de hasards et de belles rencontres

Jeans Glove Varnel a su marquer les esprits en Bretagne, mais aussi outre-Atlantique grâce à son talent révélé par l’Américaine Leslie Burr Howard. Son papier (Hand in Glove PS x Count Ivor PS x Surioso) peut sembler modeste pour l’élevage, mais on retrouve néanmoins régulièrement de très bons chevaux dans la famille, sa troisième mère Hurganelle (Tanael) ayant engendré la souche du Moulinet, avec plusieurs chevaux indicés jusqu’à 140, alors que sa quatrième mère, Urgande (Mikado), a fait le bonheur de l’élevage de Meautis. À son retour presque inespéré sur le Vieux Continent, Jeans Glove Varnel a aussi fait parler d’elle comme mère en donnant notamment Rubis du Rustick et Quovadis du Rustick.



Une anti-gravure au potentiel de Formule 1

Marié à Savane du Moulinet, Hand In Glove a été choisi pour ramener du sang et de l'élégance.

Marié à Savane du Moulinet, Hand In Glove a été choisi pour ramener du sang et de l'élégance.

© Collection privée

Urgande, la quatrième mère de Jeans Glove Varnel, a notamment produit Cadence I (Surioso et ISO 144), Eponine (Surioso), la mère d’Amour de Meautis (ISO 134) et grand-mère de Karl de Lusse (Apache d’Adriers et ISO 154), ainsi que Salomon de Lusse (Apache d’Adriers et ISO 147). Sa troisième mère Hurganelle (Tanaël, 1973) a produit quatorze chevaux dont cinq indicés au-dessus de 120, parmi lesquels Déesse de Meautis (ISO 130). L’une de ses filles, Taganelle (Kayack, 1985) a produit les excellents Fusée de Meautis (Tu Viens d’Orval) et Luganelle du Moulinet, toutes deux ISO 141, ainsi que Grace de Meautis, mise directement à la reproduction et ayant engendré Queen Graedb (For Pleasure et ISO 139) ainsi que Narquois du Ry (ICC 133). Sa deuxième mère Murianelle (Surioso, 1978) a donné cinq chevaux indicés au-dessus de 120, parmi lesquels Val du Moulinet (IDR 124) et Azur du Moulinet (ISO 127).

Dans cette souche, on retrouve également d’autres très bons performers, comme Op (Tanael et ISO 159), Ionesco (Rolnitz PS et IDR 159), Kaki du Moulinet (Arpège Pierreville) international à l’étranger, Toupie de Cantraie (Corrado et ISO 144), Vifdeva (Toulon et ISO 140), Jasmine du Cil (Sable Rose et ISO 140), Éclat du Bourbecq (Baloubet du Rouet), concourant dans des épreuves à 1,50 m avec l’Italien Alberto Zorzi, ou encore le très bon étalon des Haras nationaux Socrate de Chivre.

Jeans Glove voit le jour en 1997 aux écuries de Varnel, chez la famille Nicolas, dans le Morbihan. Une histoire de hasards et de rencontres puisque Gildas Nicolas avait récupéré sa mère, Savane du Moulinet (Count Ivor PS), en l’échangeant à un ami contre un trois ans né chez lui. 

Qualifiée pour la finale de Fontainebleau à quatre ans, Savane du Moulinet a ensuite concouru quelques années sur le circuit amateur (ISO 126) avant d’être mise à la reproduction. Elle arrive aux écuries de Varnel en 1995. L’année suivante, Evelyne, l’épouse de Gildas Nicolas, alors fleuriste, effectue plusieurs livraisons tout près de Brullemail. Ils se décident alors à visiter le haras : Bernard Le Courtois leur présente le Pur-Sang Hand in Glove et le coup de foudre est immédiat : ils lui amènent Savane quelques semaines plus tard ! 

“Hand in Glove était un cheval magnifique avec une présence incroyable. Savane était une grande jument un peu carrossière, nous comptions sur Hand in Glove pour ramener du sang !”, raconte Gildas Nicolas. Ainsi naît donc Jeans Glove. “Ce n’était pas une gravure ! Elle ne ressemblait pas à son père. Nous l’avons présentée en modèle et allures à Hennebont à trois ans et, sans surprise, elle n’a pas plu ! Pourtant, ce jour-là, un vieil éleveur est venu nous dire que la jument dégageait vraiment quelque chose et promettait de devenir une véritable Formule 1...”, se rappelle l’éleveur. Le débourrage se révèle long et compliqué, Jeans Glove affichant déjà un caractère bien trempé. Elle ne réalise que quelques parcours à quatre ans. “On n’a jamais bousculé nos jeunes chevaux, on les attend. Celle-ci a nécessité un peu plus de temps...”, explique Gildas Nicolas. Même scénario à cinq ans : elle effectue quelques parcours, non sans montrer des qualités. 

Jeans Glove Varnel évolue ici avec l'Américaine Leslie Burr Howard à Palm Beach.

Jeans Glove Varnel évolue ici avec l'Américaine Leslie Burr Howard à Palm Beach.

© Sportfot



Un coup de foudre à retardement

Ici au CSI 4* de Bourg-en-Bresse en 2014, Rubis du Rustick est sous la selle de son éleveur et propriétaire Marc Le Berre.

Ici au CSI 4* de Bourg-en-Bresse en 2014, Rubis du Rustick est sous la selle de son éleveur et propriétaire Marc Le Berre.

© Sportfot

En fin d’année 2002, la famille Nicolas propose un lot de chevaux, dont Jeans Glove, à Marc Le Berre. “Je l’avais vue en concours à quatre ans et... je ne l’avais pas du tout aimée ! Mais le jour de l’essai, elle s’est très bien comportée et nous avons sauté quelques belles barres. Je l’ai prise au travail un mois... Et j’ai aussitôt fait un crédit pour l’acheter ! Ma licence professionnelle, je l’ai prise pour elle. Nous avons fait le circuit des six ans, elle était gagnante au CIR du Lion d’Angers, qualifiée pour Fontainebleau, et nous sommes allés à Lanaken. C’était une première saison formidable ! Alors, dès les premiers gains, j’ai mis de côté pour faire des transferts d’embryons. J’avais peu de moyens, je devais me fabriquer mes propres chevaux !”, se souvient-il Marc Le Berre utilise d’abord Calvaro et, en 2003, naît Quovadis du Rustick. “J’avais choisi cet étalon pour ramener de la force. Ça n’a pas fonctionné ! Mais la pouliche était belle. Un peu raide dans le dos, mais très concours, comme sa mère. Elle a très bien fait sur 1,35m-1,40m (ISO 142), ajoute-t-il. 

En 2004, Jeans Glove et Marc Le Berre participent à leurs premiers CSI Jeunes Chevaux et enchainent les classements dans des épreuves à 1,40m. Lors de la finale des sept ans à Fontainebleau, la baie est quatrième le premier jour, en tête avant la finale, et termine à une honorable treizième place. Le duo retourne alors à Lanaken : deuxièmes le deuxième jour, une malheureuse faute sur le dernier obstacle de la finale les relègue à la douzième place. La jument atteint cette saison-là un ISO record de 167. “J’adorais sa qualité. Elle était légère, très atypique dans sa façon de sauter, avec beaucoup d’amplitude, mais faite pour le concours et volontaire : elle n’avait pas tous les moyens du monde mais elle avait envie de bien faire”, se rappelle son cavalier de l’époque. Le jour de la finale à Lanaken, Marc le Berre est abordé par un couple américain, Peter et Leslie Howard. Ils lui font alors une offre que le jeune cavalier ne peut refuser. Jeans Glove Varnel s’envole pour le Kentucky quelques semaines plus tard. 

Leslie Howard, championne olympique par équipes en 1984 à Los Angeles, est également bien connue pour avoir monté Gem Twist, avec qui elle a notamment remporté le Grand Prix de la Coupe du monde de Palm Beach. Habituée aux CSI 5*, elle forme rapidement un couple très compétitif avec Jeans Glove, s’illustrant dans de nombreuses épreuves de vitesse et Grands Prix à 1,50-1,55m, terminant notamment troisièmes d’une épreuve à 1,50m au CSI 5* Calgary en 2010. 2011 signe la dernière année de compétition de Jeans Glove. Leslie évoque une incroyable petite jument, classée tous les week-ends, qui lui a apporté beaucoup de bonheur en sept années communes de compétition. La jument rejoint alors le petit élevage des Howard mais enchaîne deux coliques, la deuxième nécessitant une lourde opération. Elle donne uniquement deux poulains par Amaretto d’Arco, en transfert d’embryons. 



Back to France !

Petite-fille de Jeans Glove Varnel, Alkoumi de Solma a évolué avec Pénélope Leprevost et Flore Giraud avant de se consacrer à l'élevage.

Petite-fille de Jeans Glove Varnel, Alkoumi de Solma a évolué avec Pénélope Leprevost et Flore Giraud avant de se consacrer à l'élevage.

© Sportfot

Pendant ce temps, aux écuries de Marc Le Berre, le petit élevage de Solma progresse, largement porté par la souche de Jeans Glove. En 2005, du dernier transfert d’embryon sur Jeans Glove réalisé en France naît Rubis du Rustick, par Dollar du Mûrier. Façonné par son cavalier et propriétaire Marc Le Berre, l’étalon remporte notamment le Grand Prix CSI 2* de Blaye en 2014, se classe deuxième du Grand Prix CSI 3* du Touquet et quatrième du Grand Prix CSI 3* de Canteleu l’année suivane. Il participe aussi à la victoire en Coupe des nations de seconde ligue à Bratislava pour sa première apparition en équipe de France, atteignant le bel ISO de 162. “Rubis est un crack, avec beaucoup de sang. Je me souviens que Philippe Guerdat l’aimait énormément. Pour faire tourner l’écurie, je l’ai vendu un très bon prix aux États-Unis. Malheureusement, une fracture survenue juste avant son départ a annulé la vente. Peut-être un signe, finalement ! Après deux ans d’arrêt, nous avons pu reprendre les épreuves à 1,50, où il gagnait encore. Il a seize ans cette année et nous levons le pied : c’est mon épouse qui le monte en concours et qui se fait plaisir avec lui. Il a une trentaine de produits actuellement, mais très jeunes. Nous en avons six à la maison : l’avenir nous dira si la qualité s’est transmise au fil des générations !”, résume Marc Le Berre. 

 

La première fille de Jeans Glove, Quovadis, est également mise à la reproduction en parallèle de sa carrière sportive. Elle donne tout d’abord Uppsala de Solma (par Toulon, ISO 143), excellente à quatre et six ans à Fontainebleau. Elle donne aussi Alkoumi de Solma (par Diamant de Semilly, ISO 146), vendue à Pénélope Leprevost en 2016, puis à Flore Giraud. Une tendinite et une saison 2020 écourtée décident sa nouvelle cavalière à la mettre prématurément à l’élevage. Avec un BSO +28 (0,62), elle est cette année troisième meilleure jument Selle Français par le BLUP. Son fils Esprit de Solma (Priam d’Isigny), né en 2014 chez Marc le Berre, finaliste à Fontainebleau à cinq ans et classé “très bon” à six ans, atteint le bel ISO de 146 en 2020. Le dernier fils de Quovadis en âge de concourir est Feng Shui de Solma (Action Breaker, ISO 121 à cinq ans en 2020), prometteur également. “Jeans Glove a toujours produit des chevaux assez tardifs, pas tellement plaisants au départ. Mais en les attendant un peu, ils évoluent très bien ! Elle était réellement une jument de cœur, je crois même que c’est la seule que j’aurais pu racheter pour sa retraite ! Je regrette de ne pas avoir eu cette opportunité, car je n’ai pas pu terminer cette histoire avec elle”, évoque Marc Le Berre, nostalgique. 

Jusqu’en 2019, Jeans Glove profite d’une retraite bien méritée dans le Kentucky, mais l’histoire connaît un nouveau revirement en fin d’année : Gildas et Evelyne Nicolas retrouvent un couple d’amis qui s’avère bien connaître la famille Howard. Ils tentent alors le tout pour le tout et, contactant les Howard, proposent de racheter Jeans Glove. Leur offre est acceptée. Début 2020, après un long trajet jusqu’à Chicago puis Paris, la petite jument pose à nouveau le pied sur le sol français. Son arrivée tard dans la nuit aux écuries de Varnel occasionne d’ailleurs une jolie fête improvisée. “Nous avons eu de beaux échanges avec la famille Howard. Nous ne les remercierons jamais assez d’avoir accepté de nous la renvoyer !”, poursuit Gildas Nicolas avant de conclure : “Elle est actuellement au parc avec tous nos retraités, et elle restera jusqu’au bout, comme Déesse des Cresles, comme Volnia du Defey que nous avons gardé jusqu’à trente-quatre ans ! Elle est encore en très bel état (vingt-quatre ans cette année, ndlr). Nous avons réussi un transfert d’embryon avec Dollar du Rouet pour 2021. Nous espérons une pouliche, car nous avions perdu sa mère après un poulinage difficile et la souche nous semblait perdue. Nous sommes un petit élevage avec cinq poulinières, nous fonctionnons en famille, et ma fille Elodie reprend le flambeau petit à petit. C’est une grande fierté de voir ses enfants prendre la suite. Nous comptons sur les poulains de Jeans Glove pour continuer à nous faire vibrer !”


Ci-dessous, Rubis du Rustick et Marc Le Berre, victorieux dans une épreuve à 1,50m au CSI 3* du Touquet en 2015.