Jacob Legros, la fibre enseignante

Il affirme ne pas avoir besoin d’étiquette pour s’investir dans une cause. Pour autant, le besoin d’agir se fait sentir chez Jacob Legros, actuel président du comité régional d’équitation d’Occitanie. Dirigeant, Cavalier, formateur, organisateur de concours, chef de piste et surtout enseignant, le jeune quinquagénaire a plus d’une corde à l’arc dont il souhaite bien se servir pour briguer la présidence de la Fédération française d’équitation. Portrait, sous forme d’abécédaire, d’un homme de terrain engagé.



A comme Alternative et Progrès

C’est sous la bannière du Collectif Alternative et Progrès (CAP) que Jacob Legros se présente à la présidence de la Fédération française d’équitation. C’est un homme de terrain. Quand il veut changer quelque chose, c’est parce qu’il vit lui-même les problèmes de la filière. Ses désirs ne sont pas vains. C’est un homme intègre et engagé. Quand il se bat pour une cause, il va au bout des choses. C’est aussi un fédérateur”, plaide Pascale Travada, directrice du haras du Bois Soleil, à Méounes-lès-Montrieux dans le Var, et soutien de la première heure du candidat. “Il est entier, franc, et n’a pas peur de prendre des décisions et de faire bouger les choses. Il aime que les choses avancent. J’ai pu le remarquer bien avant qu’il ne se lance à la présidence de la FFE”, corrobore un autre soutien, Amanti Muller, champion du Monde de TREC, dirigeant de l’Écurie du Sud, à Magalas dans l’Hérault. 

B comme Basse-école 

Cavalier, Jacob Legros est aussi et surtout un enseignant. Ce volet de son quotidien est un des piliers de son programme. Pour lui, l’équitation doit s’inscrire sur des bases fortes qui favoriseront de bonnes relations entre l’homme et le cheval. “Je veux faire de la basse-école le tronc commun du cavalier. Parce que c’est le langage du cheval monté. On a le droit de monter, mais on a le devoir de la bonne condition du cheval. Cela passe par un langage monté dans une utilisation très claire. Cela s’appelle la basse-école. Je ne suis pas un conservateur, juste un pragmatique. Aujourd’hui, on n’a pas trouvé mieux. Je veux pratiquer une équitation moderne. Je veux consolider la relation au cheval du cavalier par la basse-école.”

C comme Cheval

Depuis petit, le cheval me fascine. Cette façon dont les chevaux vous regardent, c’est toujours assez étonnant”, avance Jacob Legros. C’est en Corse qu’il rencontre l’animal. “Autour de la maison, il y avait des chevaux, que je passais des heures à regarder. J’étais vraiment fasciné. À tel point que je m’en rapprochais le plus possible, jusqu’à en monter un, un gris, qui me plaisait beaucoup, sans filet, ni selle! Il a été sympa: il est parti au galop et m’a amené sous un arbre! Aujourd’hui, je peux dire que ma première relation avec le cheval a généré de l’adrénaline.” S’il a monté et formé quantité de chevaux, deux d’entre eux ont particulièrement marqué l’Occitan. Le premier s’appelait Automne, monture de jeunesse à l’époque où le horse-ball était devenu sa discipline de prédilection. Il est cité dans certains livres de horse-ball… J’ai véritablement eu une relation fusionnelle avec lui. Sur le terrain, je pouvais lâcher les rênes, il m’amenait au but, je n’avais pas de souci. D’ailleurs, une saison, je crois avoir été l’un des meilleurs buteurs avec lui. Il était mes jambes. Nous communiquions par la pensée. C’est une période où nous avons gagné beaucoup de matchs.” Le second est Lord Saint Jean (SF, Indorado, x Laudanum, Ps), un cheval de saut d’obstacles avec lequel le cavalier s’est largement illustré en Pro 1. Il y avait là aussi une relation fusionnelle intense. Ce cheval n’avait qu’une envie: me faire plaisir. J’ai gagné quantité d’épreuves à 1,40m avec le sentiment qu’il était mes jambes. J’en ai encore des frissons.”



E comme Enseignant

“L’âme du club, c’est son enseignant”, clame le dirigeant de club, cavalier et actuel président du CRE d’Occitanie. “Un enseignant doit pouvoir emmener ses élèves vers toutes les disciplines. Je ne dis pas que je suis capable d’enseigner l’attelage, par exemple, mais il suffit que je m’y remette un peu. L’enseignant doit être capable d’amener ses pratiquants vers divers horizons. Plus on a de savoir, plus on a de contenu, plus on peut intéresser longtemps ses élèves et pérenniser son club.” Depuis près de vingt-cinq ans à la tête de sa propre structure, Jacob Legros a toujours endossé le rôle de moniteur. À partir de quinze ans, j’ai monté tous les jours, et j’ai fait monter les gens pour partager cette sensation avec eux”, explique-t-il. Cette notion de transmission est profondément ancrée dans ses gênes. “Certains de mes élèves se sont orientés vers les métiers du cheval. Je ne sais pas si c’est grâce à moi, mais je n’ai pas été un frein à leur carrière. Je suis attaché à la notion de solidarité dans ce que nous faisons ainsi qu’à la notion d’héritage. Non du point de vue matériel, mais dans la transmission, la place qu’on souhaite laisser ou avoir. Je suis encore là pour travailler un bon bout de temps dans l’équitation. Et je voudrais que la place soit belle quand on la prend et belle quand on la laisse.”

F comme Formation

Une chose est sûre, le jeune Jacob Legros n’aimait pas les bancs de l’école. De fait, sa scolarité s’est arrêtée en classe de troisième. Passionné par les chevaux, il s’est tout naturellement dirigé dans cette voie, notamment celle du tourisme équestre, la Corse y étant propice. Pour autant, il lui faut alors obtenir son « Premier degré ». Il part alors à Oletta (Haute-Corse) avec son père pour se remettre dans le bain de l’apprentissage. Lors d’un stage, alors qu’il saute pour la première fois, âgé tout juste de quinze ans, c’est la révélation! “J’ai eu le sentiment de voler! Je me trouvais en apesanteur, comme dans mes rêves d’enfant. Je me suis dis que je voulais faire ça toute ma vie.” Le BEES Premier degré en poche, le jeune diplômé commence à enseigner dans des clubs hippiques, multipliant les expériences. Puis il se consacre au tronc commun Deuxième degré, optimisation de la performance, ou instructorat, avant de s’installer à son compte dans une première structure, à Bessan, dans l’Hérault, en 1996, puis à Grabels, près de Montpellier, où il œuvre depuis 1998.

I comme Île de Beauté

Si Jacob Legros est né dans le Nord, ce sont bien ses racines maternelles, corses, qui vibrent le plus en lui. C’est quand même le plus beau pays du monde, il ne faut pas l’oublier. Écologiquement parlant, c’est fabuleux d’avoir ce paradis à portée de main.” De neuf ans et jusqu’à ses études, le petit garçon grandit dans une maison entourée de dizaines d’hectares, entre champs et vignes, au cœur du maquis. Je suis très influencé par le culture corse, car à partir de neuf ans, on est plus sensible à la notion de culture et de patrimoine.” La nature qu’il côtoie est aussi une source d’inspiration pour l’homme, très sensible à la biodiversité, notamment à celle des mers.

H comme Horse-ball

Alors qu’il se trouve à Marseille pour étudier et passer son tronc commun Premier degré, le saut d’obstacles est moins présent dans le club où il monte. Rapidement, le jeune homme se découvre une certaine attirance pour le horse-ball. C’était l’époque des frères Depons, de l’épopée bordelaise… J’étais en première division et je me suis consacré à cette discipline pendant trois ans. Le horse-ball m’a permis de combler le manque du saut d’obstacles.” Au-delà de cette expérience, Jacob Legros s’essaie un peu à toutes les disciplines. “Dans ce club, j’ai eu la chance d’apprendre la diversification des pratiques, ce qui m’a ouvert les yeux.”



L comme Languedoc-Roussillon

Face à la volonté européenne de voir le taux français de TVA appliqué aux activités équestres passer de 5,5% à 20%, Jacob Legros est monté en première ligne dès 2011. “J’avais participé à plusieurs réunions. Pour autant, je sentais qu’il fallait une étiquette institutionnelle.” Élu au printemps 2013 à la présidence du CRE du Languedoc-Roussillon, qui a fusionné plus tard avec celui de Midi-Pyrénées, il entre aussitôt dans la bataille de la TVA pour éviter l’effondrement économique des structures équestres. Si je n’avais pas été président de CRE, les clubs ne m’auraient peut-être pas suivi dans ces manifestations et cette mobilisation. Ce sont les événements qui m’ont poussé requérir leurs suffrages.” Un pied politique qui lui permet de faire entendre la voix des clubs et professionnels. Avec la fusion des régions, Jacob Legros est depuis devenu président du CRE d’Occitanie. “Le rôle institutionnel ne consiste pas à dire ce qui est bien ou non, mais de proposer des outils pour que tout le monde s’épanouisse à son niveau.”

P comme Président

Plusieurs éléments m’ont poussé à me présenter, notamment la crise sanitaire actuelle, qui a mis en lumière la fragilité économique des clubs”, introduit le candidat à la présidence de la FFE. “Nous devons être utiles, structurants, performants, rassembleurs, bienveillants et prendre en compte tous les publics”, assène-t-il. ”L’équitation va bien, le constat est globalement positif, mais l’économie des clubs va mal. Il faut un nouveau cap. La FFE est une mécanique bien huilée, ce que je reconnais à Serge Lecomte (en poste depuis 2004, ndlr). Son successeur devra faire au moins aussi bien que lui. Je trouve que l’argent de la FFE, fédéré par le terrain, est mal réparti. Cette économie se fait aux dépens de la qualité de l’équitation. La stratégie actuelle consiste faire de la quantité en opposition à une équitation élitiste qui s’adresse aux gens aisés. Or je suis persuadé, car je le vois sur le terrain, qu’il est possible de garder de la qualité tout en faisant de la quantité. Je veux être pragmatique. Quel héritage va-t-on laisser à l’équitation demain?” Si son discours est bien rôdé et que les arguments de sa candidature sont nombreux, Jacob Legros le répète: “Je ne vise pas le titre, mais la fonction. Personnellement, économiquement, tout va bien. Je ne veux donc pas défendre ma cause. Je veux défendre la cause collective. C’est un besoin viscéral. Je crois à l’entraide et aux valeurs humaines.”

S comme Saut d’obstacles

“Je n’étais pas parti pour faire du sport. Petit, quand je montais à poney, j’étais plus attaché à la relation avec l’animal qu’au sport. La notion de compétition ne me plaisait pas.” Pourtant, celle-ci a bel et bien rattrapé Jacob Legros, d’abord en horse-ball puis en saut d’obstacles, tant comme cavalier qu’organisateur. J’ai fait partie des ténors des concours régionaux, et je suis aussi chef de piste dans des épreuves allant jusqu’à 1,40m, co-initiateur du Languedoc Tour Sud France et j’ai créé le circuit Occitanie Tour Club.” Il était donc tout naturel qu’il ouvre lui-même une écurie de sport. Je suis attaché au côté sportif. Les gens viennent chez moi pour un service, du coaching et une philosophie sportive. Il s’agit de pousser le plus loin possible le potentiel de chacun tout en gardant les pieds sur terre. C’est-à-dire que doivent primer la relation au cheval et la notion de complicité.” Pour Jacob Legros, cette structure légitimise ses combats politiques. Je ne pouvais pas parler de développement et de promotion de l’équitation sans moi-même être dans cette dynamique. Il appartient aux professionnels et dirigeants de prendre en main l’équitation.”

T comme TVA

S’il est un combat qui résume à lui seul la ténacité et la force de persuasion de Jacob Legros, c’est bien celui contre la hausse des taux de TVA appliqués aux activités équestres. Dès novembre, quelques mois après son élection à la tête du CRE du Languedoc-Roussillon, il organise la plus grande manifestation jamais menée à Montpellier avec les clubs. Pendant des mois, il se démène pour rencontrer le ministre de l’Agriculture – Stéphane Le Foll –, bloque l’avion du Premier ministre Jean-Marc Ayrault avec des clubs, et participe activement à sauvetage in extremis du taux réduit sur une grande partie des activités. Avec Laurent Sarzana, nous avons rencontré Stéphane Le Foll la veille de son allocution sur BFM TV où il a annoncé que la fiscalité des centres équestres allait finalement être sauvée. Bien sûr, une part est passée à 20%, mais une large partie est restée à 5,5%. Nous le devons à tout le monde. Si les licenciés n’étaient pas descendus dans la rue, s’il n’y avait pas eu les dirigeants, le Groupement hippique national ou la FFE, toutes nos activités seraient taxées à 20%. Chacun a sa part de responsabilité dans le fait d’avoir limité la casse. Et cela me laisse tout espoir que la TVA revienne à 5,5% parce que nous sommes capables de mobiliser du monde.”