Walloon de Muze, la belle au fort caractère

Issue de la prestigieuse souche de Qerly Chin, Walloon de Muze n’en fut peut-être pas la plus prodigieuse représentante sur la piste mais elle a su s’illustrer et dans le sport et à l’élevage. Classée jusqu’à 1,60m sous la selle de Cédric Bellanger et créditée d’un ISO 160 en 2011, la bai foncé, née chez le génial Joris de Brabander, a donné au haras de la Roque trois produits de Kannan indicés au-dessus de 140: Toupie de la Roque (ISO 167), VIP de la Roque (ISO 146) et Badiane de la Roque (ISO 140). Portrait.



Qerly Chin, la souche qui fait tourner toutes les têtes

Walloon de Muze, ici avec Cédric Bellanger à l'Atlantic Tour de 2010, est une des héritières de la légendaire souche de Qerly Chin

Walloon de Muze, ici avec Cédric Bellanger à l'Atlantic Tour de 2010, est une des héritières de la légendaire souche de Qerly Chin

© Sportfot

Notre série de portraits baptisée “Trésors de championnes” s’intéresse aujourd’hui à Walloon de Muze. Pour rappel, GRANDPRIX ?s’est appuyé sur une sélection de juments nées après 1995, ayant obtenu d’excellents résultats sportifs, matérialisés par l’obtention d’un indice de performances supérieur à 160, et ayant engendré au moins deux produits eux-mêmes indicés à 140 et plus. Wallon de Muze est née le 2 mars 1999 chez Joris de Brabander, éleveur et étalonnier considéré comme l’un des – sinon le – tout meilleurs du monde du cheval de sport. Ce vétérinaire belge est à la tête du très prolifique haras de Muze, à Saint-Nicolas, petite ville de Flandre-Orientale située à vingt kilomètres d’Anvers. Selon Hippomundo, il aurait fait naître plus de cinquantes de chevaux ayant concouru à 1,60m, avec plus ou moins de succès bien sûr, ce qui est absolument prodigieux compte tenu de la taille plutôt humaine de son cheptel.

 Parmi ces cracks, citons bien sûr l’étalon Carembar de Muze (BWP, Nabab de Rêve x Chin Chin), plus connu sous le nom de London, double médaillé d’argent des Jeux olympiques de Londres, ou encore Gancia de Muze (BWP, Nabab de Rêve x Nimmerdor), l’une des meilleures performeuses du monde en Grands Prix CSI 5* depuis quelques années déjà, sous la selle du Belge Niels Bruynseels. Sans oublier les champions que Joris de Brabander a conçu pour d’autres, à l’instar du prolifique étalon Mylord Carthago (SF, Carthago x Jalisco B), vice-champion du monde et d’Europe par équipes avec Pénélope Leprevost, et ceux dont il a très tôt su repérer le talent, à commencer par le puissant, vaillant et sensible Vigo d’Arsouilles, partenaire du sacre mondial du Belge Philippe Le Jeune en 2010 à Lexington.

 Fille de Nabab de Rêve (BWP, Quidam de Revel x Artichaut), étalon aux origines 100% françaises que l’éleveur flamand, qui a toujours cru en lui, a énormément utilisé, Walloon de Muze a pour mère la célèbre Qerly Chin (BWP, Chin Chin x Pachat II). Grande gagnante internationale avec le Suisse Christophe Barbeau, elle a engendré une incroyable lignée de champions. Qerly Chin est la mère de plusieurs gagnants au plus haut niveau, dont Narcotique de Muze II (BWP, Darco), ancienne monture du Canadien Éric Lamaze, Narcotique de Muze IV (BWP, Quidam de Revel), qui a performé avec Ludo et Johan Philippaerts, ainsi que les propres frères et sœurs de Walloon de Muze, Merveille de Muze et Werly Chin de Muze, qui ont respectivement évolué avec l’Italien Davide Kainich, le Britannique Richard Davenport et la Suédoise Angelie van Essen, ou encore Walnut de Muze, qui a notamment disputé les Jeux équestres mondiaux de Lexington en 2010 avec le Néerlandais Harrie Smolders.

 La souche de Qerly Chin compte parmi les meilleures de la planète. Parmi ses plus illustres représentants, citons Filou de Muze (BWP, Stakkato x Rubens du Ri d’Asse), monté par Philippe Le?Jeune et son épouse Lucia Vizzini, ainsi que Boyante de Muze (BWP, Kashmir van Schuttershof) et Querlybet Hero (sBs, Baloubet du Rouet x Darco), qui ont également évolué sous la selle du champion du monde belge, ou encore Sea Coast Ferly (BWP, Calato Z x Darco), complice de la Belge Gudrun Patteet, Farfelu de la Pomme (BWP, Vigo d’Arsouilles x Darco), performante avec le Belge Jos Verlooy, Giovani de la Pomme (BWP, Shindler de Muze x Darco), qui a obtenu ses meilleurs résultats avec Maelle Martin, Derly Chin de Muze (BWP, For Pleasure x Nabab de Rêve), partenaire olympique du Canadien Éric Lamaze en 2012 à Londres, la regrettée Estoy Aqui de Muze*HDC (BWP, Malito de Rêve), qui a évolué au plus haut niveau avec Kevin Staut, Diablesse de Muze (BWP, Baloubet du Rouet x Nabab de Rêve), excellente avec les Britanniques Joe Clee et William Whitaker, Everlychin de la Pomme (BWP, Malito de Rêve x Nabab de Rêve), montée par l’Irlandais Shane Sweetnam, ou encore Fêtard de la Pomme (BWP, Querlybet Hero x Nabab de Rêve), performante avec le Belge Koen Vereecke, Ensor de Litrange LXIII (BWP, Nabab de Rêve x Mr Blue), ancien complice du Belge Jos Lansink et de l’Italien Lorenzo de Luca, Antidote de Mars (SF, Diamant de Semilly x Jarnac), exporté outre-Atlantique chez l’Américaine Bliss Heers, Jenson van’t Meulenhof (BWP, Vagabond de la Pomme x Quidam de Revel), souvent classé avec Niels Bruynseels, Go Easy de Muze (BWP, Vigo d’Arsouilles x For Pleasure), ancien complice de l’Irlandais Darragh Kenny, Iceman de Muze (BWP, Erco van’t Roosakker x For Pleasure), qui a concouru avec l’Américaine Schuyler Riley, Sterrehof’s Ushi (sBs, Vigo d’Arsouilles x Goethe), auteur d’une belle carrière avec le Néerlandais Marc Houtzager puis l’Autrichienne Julia Houtzager-Kayser, Hocus Pocus de Muze (BWP, Tinka’s Boy x For Pleasure), performant avec Harrie Smolders et l’Américaine Jennifer Gates, ou encore Vagabond de la Pomme (sBs, Vigo d’Arsouilles x For Pleasure), l’ancien crack de Pénélope Leprevost, qui brille aujourd’hui en tant que reproducteur.



Une carrière sportive tout à fait honorable

Badiane de la Roque (Walloon de Muze x Kannan) et Michel Hécart.

Badiane de la Roque (Walloon de Muze x Kannan) et Michel Hécart.

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Walloon de Muze débute très tôt à l’élevage, comme son naisseur a l’habitude de procéder. À trois puis quatre ans, elle engendre deux filles de Cento: la poulinière Centa de Muze, mère de dix-neuf produits selon HorseTelex, dont Freestyle de Muze (BWP, Lord Z) et Horizon de Regor (BWP, Obourg), classés à 1,60m respectivement avec l’Irlandais Richie Moloney et le Belge Pieter Clemens; puis Daytona de Muze, également classée à la hauteur olympique associée au Belge Jody Bosteels, avant de s’illustrer à la reproduction, de façon certes un peu moins brillante. Walloon entame sa formation à cinq ans avec Lelie Walter, puis la poursuit sous la houlette de l’excellent Kurt?de Clercq, chez qui sont passés un très grand nombre de cracks élevés outre-Quiévrain, et avec Stephan Vandewalle, se classant huitième du championnat belge des chevaux de six ans, en 2005 à Gesves. 

Souhaitant mettre la main sur cette souche d’exception pour continuer à développer l’élevage du haras de la Roque, fondé avec son épouse Alexandrine, Michel Hécart jette son dévolu sur Walloon. “Au départ, ce n’était absolument pas la jument en elle-même que je cherchais. J’étais intéressé par la souche de Qerly Chin dont les embryons étaient très difficiles à obtenir. Il y en avait très peu sur le marché et ils se vendaient à des prix astronomiques. J’ai alors appris par Eric Lamaze qu’il y avait deux juments de cette lignée aux écuries Stephex. Il s’agissait de deux juments: Walloon et l’une de ses sœurs. J’ai essayé les deux et j’ai finalement choisi Walloon”, raconte le cavalier, qui brille alors en selle sur l’irrésistible Itot du Château (SF, Le Tot de Semilly x Galoubet A). “Walloon était impossible à monter et très difficile à manœuvrer car elle avait une bouche épouvantable. Elle avait d’énormes moyens mais était très difficile à gérer. Cependant, c’était une jument magnifique, proche du sang, très typée sport. Son modèle me semblait bien convenir à l’élevage. Pour la reproduction, je trouvais que c’était un choix intelligent donc je l’ai achetée.

 À son arrivée en France, Walloon produit trois embryons de Kannan, qui donneront Tendance de la Roque, Toupie de la Roque (ISO?167, SF), dont nous reparlerons, et Tenessee de la Roque, elle-même mère de six jeunes produits de la Roque. En 2006 et 2007, la belle bai foncé poursuit sa formation alternativement avec François-Xavier Boudant et Michel Hécart, qui tentent de canaliser son énergie. En 2008, elle passe sous la selle d’André Roquet, avec lequel elle se classe jusqu’à 1,40m. En 2009, elle retrouve les rênes de son propriétaire, qui la lance à 1,50m, avec à la clé une huitième place dans le prestigieux Grand Prix CSI 3* de Royan. 

En 2010, le cavalier de Kannan passe progressivement la main à un autre de ses cavaliers, Cédric Bellanger. Relativement irrégulière dans ses résultats, comme elle fut tout au long de sa carrière, Walloon n’en obtient pas moins de bons classements à 1,40m et 1,45m. L’année 2011 s’avère la meilleure, avec une dixième place dans le Grand Prix à 1,60m du CSI 3* de Canteleu, puis de deux victoires à 1,45m au CSI 3* de Megève et au CSI 2* d’Auvers. Ces performances lui permettent d’obtenir un ISO 160. Walloon concourt encore deux saisons de plus avec Ronan Lerat, avec à la clé quelques accessits à 1,45m et 1,50m. “Elle avait beaucoup de moyens mais elle a toujours été très compliquée à gérer, car elle ne prenait pas assez de recul à l’abord des obstacles. Après l’avoir confiée à deux cavaliers de la maison, nous l’avons consacrée à l’élevage, via des transferts d’embryons”, explique Michel Hécart.



Walloon, muse de la reproduction

VIP de la Roque avec Adeline Hécart à l'Hubside Jumping de Grimaud

VIP de la Roque avec Adeline Hécart à l'Hubside Jumping de Grimaud

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À La Roque-Baignard, à quinze kilomètres au nord-ouest de Lisieux, Wallon de Muze prouve amplement ses qualités de reproductrice. Petite par le nombre mais grande par le talent, sa production a même de quoi faire des envieux. “Ce sont des chevaux respectueux, courageux et qui ont des moyens” analyse Michel Hécart. On citera en premier lieu Toupie de la Roque (ISO 167, SF par Kannan), créditée d’une mention Très Bonne en finale du Cycle classique des chevaux de cinq ans avec Thomas Rousseau et surtout lauréate du Grand Prix Coupe du monde Longines de Londres et du Grand Prix secondaire du CSI?5*-W d’Amsterdam avec Julien Épaillard. “C’est incontestablement la meilleure dans le sport. Elle est un peu difficile dans la bouche et atypique mais c’est une vraie jument de concours, une vraie guerrière”, apprécie son naisseur. Avec Kannan, Walloon a également produit VIP de la Roque (ISO 146), très bien valorisé jusqu’à 1,45m par Michael Hécart, puis Badiane de la Roque (ISO 140), qui semble suivre le même chemin, tout en menant de front une jeune carrière de reproductrice.

 Après avoir laissé une dernière poulinière, Charade de la Roque (Z , Coltaire Z), à la famille Hécart, Walloon est vendue à l’élevage du Val Henry, propriété de Daniel et Hélène Amar située à Tortisambert, à trente-cinq kilomètres au sud de La Roque-Baignard, toujours dans le Calvados. Là, elle donne trois nouveaux produits: Fedora, une prometteuse fille Selle Français de Jarnac âgée de six ans, Jolly Girl (SF, Carinjo), vouée à l’élevage après une carrière écourtée par une malheureuse blessure, et Im The Boss Val Henry (SF, Malito de Rêve), septième de la qualificative des mâles de Saint-Lô et en lice pour une approbation du Stud-book Selle Français lors de la finale nationale qui aura lieu la semaine prochaine à Saint-Lô. A priori, l’élevage français n’ont donc pas encore fini de faire fructifier l’héritage de cette superbe jument belge.

La talentueuse Toupie de la Roque (ISO 167) sous la selle de Julien Épaillard, ici aux Longines Masters de Paris en 2019.

La talentueuse Toupie de la Roque (ISO 167) sous la selle de Julien Épaillard, ici aux Longines Masters de Paris en 2019.

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Michel Hécart et Walloon de Muze, septièmes lors d'une épreuve de niveau CSI 3* à Royan en 2009.

En 2019, Toupie de la Roque remportait le Grand Prix Coupe du monde Longines de Londres sous la selle de Julien Épaillard.

Sous la selle de Michel Hécart en 2018, Badiane de la Roque terminait troisième d'une épreuve à 1,40m dans un CSI 1* à Mâcon-Chaintré.

En 2015, à Cagnes-sur-Mer, VIP de la Roque terminait sans faute avec Alexis Deroubaix.