Des cavaliers internationaux qui s’engagent dans la politique fédérale

Suivant le mouvement impulsé par le Comité international olympique, et relayé à la fois par la Fédération équestre internationale et le Comité national olympique et sportif français, la Fédération française d’équitation comptera bientôt des cavaliers de haut niveau dans les rangs de son comité fédéral. Ses statuts réservaient déjà trois places sur trente à des cavaliers de compétition, “de disciplines différentes”, mais celles-ci étaient jusqu’à présent surtout occupées par des cavaliers expérimentés et peu présents au plus haut niveau. Dans une élection qu’on annonce volontiers serrée, voilà donc les athlètes, qui ne s’estiment pas toujours suffisamment écoutés, invités à s’impliquer dans la gouvernance du sport, et de l’équitation tout entière. GRANDPRIX a sondé les motivations de Gwendolen Fer, Juliette Faligot et Camille Jaguelin, engagés respectivement avec Serge Lecomte, Anne de Sainte Marie et Jacob Legros.



“On ne change pas une équipe qui gagne”, Gwendolen Fer

Gwendolen Fer, membre de l’équipe de France de concours complet et lauréate du CCI 5*-L de Pau en 2017, a choisi d’intégrer la liste de Serge Lecomte.

Engagement et objectifs: “Contactée par Serge Lecomte, j’ai été flattée qu’on pense à moi. Je pense l’avoir été parce que je suis une femme, cavalière de haut niveau, coach, mais aussi dirigeante d’une importante écurie de propriétaires de la région toulousaine (l’écurie des Houarn, située à Saint-Léon, en Haute-Garonne, ndlr). Pour autant, j’ai pris le temps de bien y réfléchir, de peser le pour et le contre, parce que je n’ai pas l’habitude de m’engager sur la scène politique. Je me suis lancée pour représenter le sport, et tout particulièrement ma discipline, le concours complet, qui me tient très à cœur. De fait, j’aurais refusé tout autre proposition que celle de représenter les cavaliers. Être à l’intérieur du système me permettra de faire avancer des choses, ou au moins d’essayer. Je pense notamment à la problématique des dotations, qui demeurent trop faibles en complet, même si je ne souhaite surtout pas jeter la pierre sur les organisateurs de concours. Nous devons tous nous mettre autour de la table pour trouver de nouvelles idées et repartir de l’avant.”

Pourquoi la liste de Serge Lecomte: “En tant que cavalière de haut niveau, je me suis remémoré tout ce que la FFE a fait pour moi. Et franchement, il faut se rendre compte qu’elle fait beaucoup. Certains crachent un peu dans la soupe, mais ils devraient ouvrir les yeux. Pour ma part, j’ai été aidée en cela par mon compagnon, Maxime Châtaigner (ancien patineur olympique de vitesse sur piste courte, reconverti avec succès dans la préparation mentale, collaborant à ce titre régulièrement avec la FFE, ndlr), qui n’a pas eu la chance d’être aussi encadré et aidé que nous le sommes, nous, cavaliers de haut de niveau. À l’étranger, y compris dans les autres grandes nations du complet, nos confrères ne sont pas aussi soutenus que nous. Il faut s’en réjouir et remercier Serge Lecomte pour cela. C’est pourquoi j’ai accepté de le suivre. Il est peut-être rare sur les terrains de concours, mais c’est moins essentiel à mes yeux que la qualité de l’encadrement dont nous bénéficions, lequel permet à la France de gagner très régulièrement des médailles, à commencer par le titre olympique de Rio. Enfin, il ne faut pas oublier que la FFE est un gros navire et que les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 approchent à grands pas. Dans ces conditions, mieux vaut ne pas changer tout l’équipage, surtout lorsqu’il fait du bon travail. Serge Lecomte a choisi de renouveler assez largement le comité fédéral, pour faire entrer du sang neuf et des idées nouvelles, mais continuera à s’appuyer sur un socle solide. On ne change pas une équipe qui gagne.”

Sur la liste de Serge Lecomte, on retrouve aussi Morgan Barbançon-Mestre, meilleure cavalière tricolore au classement mondial des couples de dressage, qui a défendu les couleurs de l’Espagne jusqu’en 2018, Marie Pellegrin, cavalière internationale de saut d’obstacles qui avait concouru sous les couleurs de la Suisse de 2014 à 2018, mais aussi Pierre-Alain Mortier, médaillé d’argent par équipes en jumping aux Jeux méditerranéens de 2018, engagé en tant qu’enseignant d’équitation.



“Le programme d’Anne de Sainte Marie est assez complet, notamment vis-à-vis du haut niveau”, Juliette Faligot

Juliette Faligot, membre de l’équipe de France de saut d’obstacles et récente deuxième du Grand Prix CSI 4* de Saint-Lô, a choisi d’intégrer la liste d’Anne de Sainte Marie.

Engagement et objectifs: “Je pense qu’il est important que les cavaliers en activité s’engagent dans les instances dirigeantes de leur fédération, comme on le voit dans d’autres sports. Pour ma part, j’ai été sollicitée par Anne de Sainte Marie, ce que j’ai trouvé valorisant, d’autant que nos discussions ont été très intéressantes. Les anciens cavaliers doivent aussi avoir leur mot à dire, car ils peuvent faire profiter de leur expérience, mais je trouve positif que des athlètes plus jeunes et concernés par les problématiques du haut niveau puissent s’exprimer et participer aux processus de décision. Naturellement, si je suis élue, je représenterai les cavaliers de saut d’obstacles et m’efforcerai de porter leur voix au sein du comité fédéral.”

Pourquoi la liste d’Anne de Sainte Marie: “Je trouve son programme assez complet, notamment vis-à-vis du sport de haut niveau. Anne essaie de ne léser aucune discipline, ce qui me semble juste. Par ailleurs, je suis assez sensible aux problématiques d’insertion par le cheval des personnes fragiles ou en situation de handicap, pour lesquelles ma mère (Véronique Sulfourt, ndlr) est engagée de longue date au sein de la structure (les écuries de la Blanche, situées à Bailleul, dans le Nord, ndlr) que nous partageons. Chez nous se croisent d’anciens délinquants et des propriétaires de chevaux de haut niveau sans aucun souci. Et je trouve que le programme d’Anne est très juste en la matière, et fondé sur la diversité des pratiques et des publics. J’aime aussi sa manière de réunir les compétences pour faire avancer l’équitation, et j’ai confiance en sa capacité à présider la FFE. Le renouveau peut faire peur à certains mais il peut aussi avoir du bon. Je ne critique surtout pas tout ce que Serge Lecomte et son équipe ont mis en place pour accompagner les cavaliers de haut niveau, et Anne non plus d’ailleurs. À ce propos, j’entends dire qu’Anne, une fois élue, renouvèlera toute la direction technique nationale ainsi que les sélectionneurs et entraîneurs, ce qui est absolument faux. Dans le cas contraire, je ne me serais jamais engagée à ses côtés.”

Sur la liste d’Anne de Sainte Marie, on retrouve aussi Jessica Michel-Botton, cavalière olympique de dressage aux Jeux de Londres en 2012, et Cloé Mislin, membre de l’équipe de France de para-dressage, ayant notamment pris part aux Jeux équestres mondiaux de 2018, à Tryon.



“Jacob Legros est un homme de terrain”, Camille Jaguelin

Camille Jaguelin, cavalier de l’équipe de France de para-dressage et champion de France en grade IV en 2018, a choisi d’intégrer la liste de Jacob Legros.

Engagement et objectifs: “Tout d’abord, il me paraît important, en tant que sportif de haut niveau rattaché à la Fédération, d’être acteur de la vie de cette fédération. L’idée pour moi, et l’objectif, c’est de pouvoir donner ou apporter un point de vue, une vision d’un cavalier de para-dressage sur sa discipline, sur la médiatisation ou bien encore des sujets tels que les partenariats financiers: comment l’aborder et comment être aidé sans que cela ait un coût exorbitant? Même si je suis jeune, puisque je n’ai que vingt et un ans, cela ne m’empêche pas de vouloir devenir un acteur de la vie de ma fédération.”

Pourquoi la liste de Jacob Legros: “En premier lieu, Jacob Legros, au-delà d’être le président du comité régional d’équitation d’Occitanie, et donc très proche géographiquement de la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur (Camille vit à Six-Fours-les-Plages, dans le Var, ndlr), il est avant tout un acteur de notre filière, un chef d’entreprise, propriétaire d’une écurie, donc un homme de terrain. Ayant pour ambition de créer un jour mes propres écuries, pouvoir bénéficier de l’expertise et de l’analyse d’un chef d’entreprise sera important pour moi. Ensuite, en tant qu’acteur, il connaît les difficultés des entreprises et donc sera à l’écoute pour faire face et aider les structures équestres qui en ont besoin. En outre, il symbolise la diversité parce qu’il intègre dans son environnement de programme les personnes en situation de handicap. Enfin, il est jeune, certes un peu moins que moi, mais cela ne peut faire que du bien à la FFE.”

Sur la liste de Jacob Legros, on retrouve aussi Gilles Bertrán de Balanda, champion du monde par équipes de saut d’obstacles à Dublin en 1982 puis à Jerez de la Frontera en 2002, et sélectionneur de l’équipe de France de 2007 et 2008, ainsi qu’Émilie Lambert, cavalière d’endurance de niveau CEI3* et championne d’Europe par équipes en 2003.