Un deuxième débat présidentiel marqué par quelques escarmouches sur l’économie, la formation et l’emploi

Hier soir, les trois candidats à la présidence de la FFE, Anne de Sainte Marie, Jacob Legros et Serge Lecomte, se sont retrouvés à l’hippodrome de Paris Longchamp pour débattre sur le thème du développement des clubs, de l’économie et de la relance puis sur la formation professionnelle et l’emploi. Sauf quelques points précis de désaccord, les deux challengers ont montré un certain consensus face à un président sortant défendant le fonctionnement de son système.



Mené de main de maître par le journaliste Emmanuel Ostian, le deuxième des trois débats organisés dans le cadre de la campagne en vue des élections à la Fédération française d’équitation (FFE), pour lesquelles les votes sont ouverts depuis hier et jusqu’à l’assemblée générale 18 mars, s’est déroulé, comme celui de lundi, en près de soixante-dix minutes, chaque candidat répondant suivant un ordre établi par des tirages au sort effectués devant huissier. Les votes étant ouverts depuis hier aux 5.500 électeurs ayant voix au chapitre, les candidats ont eu à cœur de défendre leurs idées. Tous ont tenu leur temps de parole de vingt minutes, sans s’interrompre, même si Serge Lecomte et Anne de Sainte Marie ont eu tendance à s’envoyer quelques pics, la seconde n’ayant pas hésiter à remettre plusieurs fois en cause le bilan et la vision du président sortant, en poste depuis 2004. Pour autant, tous ont suivi les consignes du modérateur, jouant le jeu de “débattre sans se battre”. Deux thèmes fondamentaux ont été appréhendés: le développement des clubs, l’économie et la relance, puis la formation professionnelle et l’emploi.



Quelle modèle économique pour les clubs demain?

Premier orateur tiré au sort, Serge Lecomte a longuement insisté sur l’importance de la valeur économique de la FFE, “d’environ 1,2 milliard d’euros”. Cette “réalité comptable”, atout incontestable, permet d’avoir du poids face aux pouvoirs publics. Cela nous permet d’aller discuter à l’Elysée, à Matignon, à Bercy et au ministère de l’Agriculture. C’est là que se joue notre avenir, les décisions pour améliorer les activités équestres, les centres équestres.” Il rappelle alors que c’est là aussi qu’a été débloqué le Fonds équitation de 48 millions d’euros, et que s’est discuté l’application d’un taux réduit de TVA sur les installations équestres. Après, bien sûr, il nous faut aller chercher de nouveaux publics, fidéliser nos publics, établir des partenariats avec les collectivités locales, développer l’équitation tout azimut. Mais la bonne économie c’est de savoir s’adapter aux situations.”

Deuxième à s’élancer dans l’arène, Anne de Sainte Marie a directement attaqué le bilan de son rival, pointant du doigt la baisse de près de 100.000 licenciés en huit ans, impactant directement sur la qualité de vie des professionnels. Aujourd’hui, il y a une situation d’urgence: c’est la rentrée de 2021. Une fois élus, nous mettrons en place un plan de communication digitale dès juin parce que c’est en juin que se fait notre été, dans nos centres équestres comme dans nos centres de tourisme équestre, et que notre rentrée commence à se construire. Ce sera un plan de communication sur tous les publics: l’enfant, bien sûr, mais également les adultes, femmes et hommes, tous les publics qui peuvent aimer l’équitation.” Outre ce plan d’urgence, Anne de Sainte Marie a exposé les trois axes majeurs de son programme économique: la TVA, pour laquelle la candidate compte mobiliser tout son réseau pour poursuivre le combat, l’investissement et l’innovation. Sur la question de l’investissement, elle promet de mobiliser “tous les interlocuteurs des pouvoirs publics, au niveau régional et national, pour obtenir un Fonds Cheval évalué entre 140 et 180 millions d’euros sur l’initiative que j’avais portée en Île-de-France en tant que vice-présidente du comité régional d’équitation, où j’avais dégagé 2,5 millions d’euros de la région pour financer l’investissement dans trente clubs, majoritairement privés.”

Quant à l’innovation, la candidate souhaite aider les clubs à vendre des produits aux 75% de cavaliers non compétiteurs. Elle a alors rappelé l’importance de l’acteur économique du développement sur le territoire, à savoir son référent terrain, “qui sera un accès pour une boîte à outils, pour avoir une aide individualisée pour votre projet de club”. La Francilienne a terminé son exposé par une nouvelle attaque envers la politique du président sortant: “Aujourd’hui, vous avez deux choix: soit vous continuez à faire face, seuls au milieu de vos carrières, à des difficultés croissantes, soit vous choisissez une nouvelle organisation de fédération à vos côtés, sur le terrain, au quotidien.”

“L’économie des clubs est un moteur d’idées”, a introduit Jacob Legros, également désireux de changer le modèle actuel. Même si “l’équitation va bien avec plus de 600.000 licenciés”, le candidat juge que sa démocratisation “est confondue avec une équitation au rabais, pas chère, où les prix sont tirés vers le bas”. D’où l’importance de changer de modèle. Pour cela, le Languedocien a pris le temps de lister les orientations de sa politique, scandant les axes “d’économie raisonnée/raisonnable, économie partagée, économie mutualisée, économie négociée et économie développée”, assortis d’exemples concrets: création du premier label commercial à destination des centres équestres pour l’économie raisonnée/raisonnable; redistribution d’une prime de 10 euros par licences enregistrée – “par exemple, une structure avec deux cents licenciés dont quatre-vingts compétiteurs se verrait remettre en début d’année 2800€ pour lui permettre de réinvestir soit sur du matériel ou sur des assurances sociales” pour l’économie partagée; l’économie mutualisée concernerait le regroupement d’achats au service des clubs, “mais aussi nos délégués territoriaux et fédéraux iraient chercher toutes les finances pouvant remonter des territoires pour la promotion de l’équitation, soit directement pour les structures”; combat pour une TVA à 5,5% concernant l’économie négociée et relance de la promotion de l’équitation et des compétitions à la sortie de la crise sanitaire pour l’économie développée.

Trois questions sur cette thématique ont alors été présentées aux débatteurs: “Pourrait-on se rassembler pour les achats de base (barres, chandeliers, fourches à foin, etc.) et surtout pour les assurances?”, “Quel intérêt économique pour un club de faire prendre une licence ses clients?”, et “Comment comptez-vous mener le combat de la TVA?”. La première a généré un total consensus de la part des candidats, tous favorables au principe de mutualisation. Concernant les licences, les deux challengers ont confirmé leur intérêt économique, même si leur conception et leurs propositions diffèrent sur le terrain. Ainsi, Anne de Sainte Marie souhaite créer une nouvelle licence intéressante tant pour l’équitant que les dirigeants de structures, tout en conservant celles existantes. De son côté, Jacob Legros a confirmé l’intéressement des structures à l’achat de licences dans son programme. “Non, la licence n’a pas un intérêt économique, elle a un intérêt militant parce qu’on veut une structure unie qui à la fois nous protège et nous représente correctement!”, a alors conclu Serge Lecomte. 

Enfin, si MM. Legros et Lecomte souhaitent mener le combat de la TVA dans un rapport de force sur le terrain, brandissant le spectre de chevaux bloquant le périphérique parisien, Anne de Sainte Marie s’est détournée de cette solution. “Je m’inscris une fois de plus en faux. Il est temps d’avoir un nouveau regard sur le sujet et une nouvelle méthode, celle des partenariats, notamment avec le Groupement hippique national, dont c’est le rôle puisque c’est notre syndicat.” La candidate et Jacob Legros se rejoignent quant à ce rapprochement avec le GHN.



Quelles actions pour la formation professionnelle et l’emploi dans la filière?

La seconde thématique de la soirée semble avoir dessiné une scission entre le sortant et ses challengers. Premier à prendre la parole, Serge Lecomte a ainsi défendu le système actuel de formation. “Chaque année, nous délivrons environ deux mille diplômes. Nous avons un panorama d’activités pour former nos jeunes encadrants, moniteurs, instructeurs, qui est parfait! Il a été maintes et maintes fois remanié et il est aujourd’hui tout à fait opérationnel.” Il a alors défendu le diplôme d’État, garant d’une certaine protection, insistant ensuite sur la possibilité de former des encadrants sur la durée. “Nous avons les outils”, a-t-il affirmé. “Chaque année, 1.200 nouveaux jeunes arrivent sur le marché du travail. On doit les accompagner davantage, prendre la formation plus bas pour les emmener jusqu’en haut, de façon à mieux les accueillir dans nos centres. Ensuite, c’est à nous, employeurs, d’exiger le travail qu’on veut faire, de les accompagner et leur apprendre à travailler.” Il compte ainsi sur la pertinence du Guide du dirigeantmis en place à cet effet. 

Posant un regard plus critique, Anne de Sainte Marie affirme de son côté qu’il y a “urgence à valoriser nos métiers. La valeur de nos entreprises, ce sont nos enseignants, nos dirigeants. Ma conviction est que formation et économie sont intimement liées. Il y a urgence à reconnaître les qualités des professionnels en place et à préparer l’avenir en formant nos jeunes à la réalité de nos métiers.” Elle souhaite mettre en place des plans départementaux de formation continue sur des formats courts pour que tous – enseignants et dirigeants – puissent continuer de se former au cours de leur carrière, et ce, dans tous les domaines utiles: techniques équestres, gestion, médiation équine, sport santé, lutte contre les violences, etc. Aujourd’hui, moins de 6% des professionnels diplômés continuent de se former. La candidate entend atteindre 40%. Enfin, elle souhaite la création d’un diplôme spécifique à l’équitation, propre, reconnu, de niveau IV, et d’un Salon des métiers et formations organisé dans le cadre de l’Open de France de Lamotte-Beuvron. 

“Aujourd’hui, c’est surtout le contenu qu’il faut faire évoluer”, a introduit Jacob Legros. “Pour entrer en formation, il faut revoir le cursus du cavalier et le cursus de l’apprentissage.” Son credo: un tronc commun autour de la Basse École, qu’il définit comme le langage du cavalier avec son cheval, revoir le bagage technique, avec davantage de culture équestre et d’homogénéité à l’entrée des formations. “Rester technique, rester pédagogue et élargir le champ des compétences.” Sur la même ligne qu’Anne de Sainte Marie, il a également insisté sur la nécessité de la formation continue, car “les compétences se font dans le temps”, rappelle le candidat.

Les questions de cette thématique ont reçu des réponses plus succinctes, les candidats y ayant répondu en grande partie lors de leur propos introductif. Ainsi, la question sur la formation continue des moniteurs et animateurs a été validée et confirmée par les trois candidats, Serge Lecomte affirmant: “La formation continue, ce sont les experts fédéraux qui viennent dans les régions pour des sessions. La formation continue individualisée pour chaque personne en fonction de ses besoins, bien sûr, je suis pour à 200%.” À la deuxième question au sujet de l’évolution de la formation au BP JEPS pour faire face aux disparités entre offre et demande, la candidate a répondu par le “savoir-être”, soit par la création d’un nouveau diplôme avec la branche professionnelle permettant à chaque enseignant de prendre en compte le projet de son cavalier et d’avoir les armes pour y répondre. Jacob Legros, lui, a prôné l’écoute et la concertation. “Il faut être capable de répondre aux spécificités des entreprises, faire un bilan, un appel d’offres même pour savoir quels sont leurs besoins et le transformer en formations.” Désireux de défendre son bilan, Serge Lecomte a affirmé que “les moniteurs d’aujourd’hui sont bien meilleurs qu’autrefois, donc ne disons pas qu’ils ne conviennent pas. Il faut qu’ils s’améliorent, prennent de la conscience professionnelle et apprennent à travailler auprès de modèles que doivent être les dirigeants d’entreprises, mais nos moniteurs d’aujourd’hui sont un vrai socle pour pouvoir améliorer les choses.”

Enfin, sur la volonté de l’Union européenne de mettre fin aux diplômes d’enseignement, Jacob Legros et Serge Lecomte ont affirmé qu’ils n’y étaient pas favorables et se battraient contre cette décision. Pour Jacob Legros, “ouvrir la porte à l’enseignement sans diplôme, c’est ouvrir la porte aux gens non compétents”. Serge Lecomte, lui, a toujours combattu l’éventuelle disparition des diplômes et continuera ce combat. Anne de Sainte Marie, qui restera vigilante sur la question, s’est voulue rassurante, affirmant que cette demande, émanant du Royaume-Uni, aujourd’hui sorti de l’Union européenne, n’était plus à l’ordre du jour.

“L’économie et la formation se complètent. Quand on apporte de la croissance, tout va bien. Le rôle de la FFE n’est pas de vous apporter de la croissance en vous apportant de l’argent ou des subventions. Elle ne pourra pas le faire parce que ses budgets sont serrés au maximum pour pouvoir faire face à toutes ses missions. Mais elle doit pouvoir vous aider à faire des pas en avant. Le travail de la FFE est de pousser pour que vous ayez davantage de croissance”, a conclu Serge Lecomte. De son côté, Anne de Sainte Marie a souhaité ouvrir une parenthèse sur la mise en place de labels de consommateurs, critiquant par la même occasion les labels fédéraux, jugés peu compréhensibles par les équitants, avant de conclure par une nouvelle attaque: “Je crois que l’équitation sort grandie de ces débats parce que vous voyez très clairement les choix qui s’offrent à vous. Vous en avez deux: soit continuer avec des solutions poussiéreuses face à des situations nouvelles, soit avancer avec une vision nouvelle de l’équitation et surtout une conviction que chaque club et chaque projet de club est unique et que c’est avant tout un projet de vie.” Dernier à conclure, Jacob Legros a rappelé l’importance du pilier économique dans son programme, la nécessité de viser une excellence équestre et d’exploiter le haut niveau comme vitrine de notre sport. “Il faut que nos professionnels et nos centres équestres vivent bien de l’équitation. Il faut faire une vitrine de nos sportifs et vendre de l’équitation à partir de l’image de nos cavaliers de haut niveau.”

En moins de vingt minutes chacun, les trois candidats sont restés fair play, ne se coupant pas la parole et exposant dans le calme leurs divergences. Le dernier débat est prévu mardi prochain à 20h. Les candidats aborderont cette fois les thèmes de la compétition et du tourisme équestre.