“Au-delà de l’action individuelle, le plus important est l’action collective contre la rhinopneumonie”, Christophe Schlotterer

Lundi, l’équipe organisatrice du CES Valencia Tour a annoncé l’annulation de sa cinquième semaine de son Spring Tour, la Fédération royale espagnole d’équitation (RFHE) ayant confirmé la présence d’une “épidémie virale infectieuse”. Depuis, la Fédération équestre internationale (FEI) a interdit provisoirement la compétition à tous les chevaux ayant concouru à Valence (Espagne) depuis le 1er février 2021. Vétérinaire équin en Seine-et-Marne et délégué vétérinaire de la FEI lors de compétitions internationales, Christophe Schlotterer, qui est lui-même confronté au virus depuis plusieurs jours, fait le point sur la situation et communique ses recommandations. 



D’après vos informations, quelle est la situation actuelle concernant l’épidémie de rhinopneumonie ? 

L’herpèsvirus de type 1 de la rhinopneumonie a bien été isolé. Par ailleurs, certains chevaux sont asymptomatiques. Dans la série de chevaux que j’ai traité ces derniers jours, un cheval qui n’avait aucun symptôme mais que nous avons tout de même testé s’est avéré positif à l’herpèsvirus de type 1. En dehors de la contamination qui provient de Valence, le virus circule ailleurs et le Réseau d’épidémio-surveillance en pathologie équine (RESPE) est informé. Il devrait communiquer prochainement. Nous rencontrons couramment ce virus sur le territoire national.

Concernant les chevaux ayant concouru à Valence (en Espagne, ndlr), un certain nombre a été transporté vers d’autres concours, ce qui est déplorable. Pour certains, aucune forme d’épidémie n’avait encore été révélée à Valence, tandis que d’autres ont voyagé après le début avéré d’une épidémie. Ce n’est pas très rassurant quant à l’avenir de l’épidémie. Le dernier épisode important que nous avons connu en France et dans le milieu du sport date de 2018 (fin décembre, dans le milieu des courses, des cas de rhinopneumonie ont été détectés à l’hippodrome de Pau, menant à la mise en place d’un dispositif de surveillance levé le 5 février, ndlr). Cela avait été étendu à toute la France et avait entrainé l’annulation de certains concours ainsi que la mise en place de mesures sanitaires strictes pour les CSI et les concours nationaux. Il ne serait pas impossible que nous nous redirigions vers un même scénario compte tenu de la situation. Nous verrons dans les dix prochains jours si d’autres chevaux s’avèrent positifs.

Quelles sont les recommandations concernant la vaccination ?  

Il ne faut pas vacciner les chevaux lorsqu’ils se trouvent dans une écurie contaminée par la   rhinopneumonie. Ce n’est ni utile, ni opportun, car cela entraîne une diminution temporaire de l’immunité du cheval, ce qui l’expose davantage s’il est dans une écurie contaminée. En revanche, s’il n’y a aucun cheval contaminé dans l’écurie, il est opportun de vacciner à nouveau contre la rhinopneumonie et ses formes EHV-1 et EHV 4 (les types 1 et 4 d’herpèsvirus, ndlr) si le vaccin a été fait il y a plus de six mois. Cela restimule l’immunité et participe à la protection générale.

Au-delà de l’action individuelle, le plus important est l’action collective et il faudrait que tout le monde vaccine à nouveau en même temps. L’efficacité est nettement augmentée lorsque l’ensemble de l’effectif est vacciné. Un seul cheval vacciné au milieu de chevaux qui ne le sont pas aura plus de chances d’être contaminé. Chacun doit se rapprocher de son vétérinaire pour obtenir des conseils. Il faut évidemment réfléchir et reconsidérer les déplacements et transports de chevaux. Évidemment, il est indispensable d’éviter les écuries ou des chevaux ont été contaminés. En théorie, lorsqu’un effectif a été contaminé, il est recommandé d’attendre vingt et un jours après les derniers symptômes pour envisager un déplacement.



“Le monde équestre doit rester soudé face à une telle crise”

Comment faire en sorte que ces épidémies soient évitées ? Les contrôles de température réguliers lors de concours pourraient-ils être une partie de la solution ? 

Le souci avec ce virus est qu’il s’agit d’un herpès, chaque cheval en est donc porteur. Il se réactive à l’issue d’une baisse d’immunités. Bien sûr, les transports – plus particulièrement lorsqu’ils sont longs – sont très favorables car ils impliquent une baisse d’immunités. Pour autant, certains chevaux peuvent présenter une température normale à l’arrivée au concours. À cause du stress du transport, ils peuvent déclencher une phase active de maladie et excréter. La solution est donc de contrôler le plus possible à l’entrée. Celle-ci est même nécessaire, mais pas suffisante. À partir du moment où des chevaux font des voyages parfois lointains et qu’ils sont mélangés avec d’autres sujets venant des quatre coins de l’Europe et présentant leur propre micromise, cela créée un véritable bouillon de culture. Après le voyage, tous sont immunodéprimés. Ils se croisent énormément, ce qui mène à une multitude de conditions très favorables au déclenchement de n’importe quelle épidémie virale.

Par ailleurs, les chevaux ont parfois une fièvre des transports, ce qui n’est rien d’autre qu’une perturbation physiologique à la suite de la diminution de l’abreuvement. Rien ne peut distinguer la fièvre des transports de celle liée à un début de maladie virale. Beaucoup présentent juste une fièvre au début d’une rhinopneumonie. Dans les premiers jours de contraction de la maladie, il n’y a aucun moyen symptomatique de distinguer la rhinopneumonie d’une simple fièvre. Au bout de quelques jours, lorsque le nombre de chevaux présentant de la fièvre se multiplie, il est possible de se rendre compte qu’il ne s’agit pas que d’une fièvre des transports mais d’une épidémie.

Le vaccin contre la rhinopneumonie est-il fiable ? 

Comme tout vaccin, celui pour la rhinopneumonie stimule l’immunité et permet aux chevaux de développer des anticorps. Lorsqu’ils croisent le virus, ils sont supposés l’inactiver plus ou moins rapidement. Si les chevaux sont vaccinés correctement, dans la très grande majorité des cas, lorsqu’ils rencontrent le virus, ils développent un peu de fièvre montrant une lutte entre le virus et le système immunitaire. Celui-ci prend à terme le dessus et tue le virus. Le cheval n’est ensuite plus malade et a simplement connu une hyperthermie. De temps en temps, sans que nous ne sachions vraiment pourquoi, cela ne se déroule pas ainsi. Pour illustrer cela avec mon expérience, parmi les douze chevaux revenus d’Espagne que je traite, tous étaient correctement vaccinés. Je leur avais fait un rappel trois semaines avant le concours, ce qui les mettait dans un état immunitaire optimal. Cela a probablement sauvé la peau d’un certain nombre, et un seul parmi les douze a développé une forme grave de rhinopneumonie. Bien que vacciné et pour une raison que nous ignorons, son système immunitaire n’a pas réussi à combattre le virus. Il a été atteint neurologiquement, mais il se remet peu à peu. Bien qu’il soit dans un harnais depuis plusieurs jours, son état s’améliore de jour en jour et il ne risque plus de mourir.

Quelles sont donc les préconisations concrètes pour le quotidien ?  

En concours, il faut éviter les contacts entre les chevaux, bannir les abreuvoirs en commun, préférer l’individualisation du matériel. Évidemment, il est nécessaire de surveiller l’état général, de prendre la température et de prévenir rapidement son vétérinaire en cas d’hyperthermie (lorsque la température corporelle du cheval est supérieure à 38°C). Au retour d’une compétition, il faut continuer la surveillance du cheval pendant huit jours. Il faut que les compétiteurs soient solidaires et responsables, seuls les chevaux en bonne santé doivent être amenés en compétition. Il ne faut pas emmener en concours les chevaux qui présentent des signes de toux, de jetage, en d’hyperthermie, qui auraient une baisse d’appétit, ou qui viendraient d’une écurie dans laquelle des chevaux ont montré des symptômes suspects. En somme, je crois que le monde équestre doit rester soudé face à une telle crise et que chacun doit agir avec responsabilité, ce qui servira son propre intérêt comme l’intérêt collectif.