“Avec de la volonté et la passion, on peut tout faire”, Ninon Forget

Ninon Forget est devenue aveugle à la suite d’un coup de sabot reçu entre le nez et les yeux, le 14 juin 2020. Après de multiples opérations et trois mois d’arrêt, la cavalière de dix-huit ans s’est remise en selle. Aujourd’hui encore, elle apprivoise ses nouvelles sensations, déterminée à profiter pleinement de son sport.



© Pauline Chaloupy

Elle aurait pu tout laisser tomber, dire adieu aux chevaux, ou au moins y renoncer pour un temps. Mais renoncer ne fait pas partie du vocabulaire de Ninon Forget, victime d’un coup de sabot en plein visage qui lui a coûté la vue, le 14 juin dernier. De fait, trois mois plus tard, elle était de nouveau en selle. “C’est la période la plus longue durant laquelle je n’ai pas pu monter à cheval”, s’amuse-t-elle, un sourire constamment niché dans la voix. Cette cavalière de dix-huit ans, qui vit sa passion au haras des Bergeries, à Draveil dans l’Essonne, s’est forgé un mental de battante grâce à ses années de compétition. Une qualité dont elle s’est servie pour traverser cette épreuve. “Cela t’apprend à rebondir, à aller de l’avant. Je pense que cela m’a aidé à me remettre en question et continuer à me battre”, explique-t-elle.

À la voir enchaîner un parcours de cinq obstacles, difficile de s’imaginer que Ninon est toujours dans le noir. Pour l’orienter, une personne placée près de l’obstacle lui indique sa position par des sons répétitifs – il n’est d’ailleurs pas rare de voir son coach, Cyril Guillon, cavaler d’un obstacle à l’autre dans le manège. “Cela demande beaucoup de concentration parce que je dois être très à l’écoute des directives, et être réactive”, reprend Ninon. “Ce n’est déjà pas évident quand on est voyant alors c’est encore une autre gymnastique de l’esprit dans mon cas!

© Pauline Chaloupy



L’équitation comme pilier

“Depuis que je suis petite, l’équitation est un pilier dans ma vie.” Happée par ce monde depuis ses deux ans, elle a très vite plongé dans la compétition, concourant jusqu’en Amateur Élite. Armée de son expérience et de sa ténacité, elle travaille dur pour retrouver son niveau, soutenue par son entourage et par les internautes qui la suivent sur ses réseaux sociaux. Son optimisme et sa volonté attirent la sympathie des uns et forcent l’admiration des autres. Pour elle, le plus dur est d’accepter de régresser”. Tout ce qu’elle souhaite, c’est récupérer son autonomie le plus rapidement possible. Alors, au fil des mois, Ninon regagne de l’assurance grâce au calme et à la maniabilité de Dune, jument appartenant à l’une de ses amies. La confiance qu’elle place en Dune lui permet de se concentrer sur ses propres mouvements et ses nouvelles perceptions. En piste, Ninon oublie d’ailleurs ses vieux réflexes pour en acquérir d’autres. “Au début, c’était bizarre de ne pas voir mes foulées. Et puis, au fur et à mesure, j’ai appris à reconnaître les réactions du cheval à l’abord, la façon dont il anticipe le saut…” Pour ce qui est du travail sur le plat, l’Essonnienne peut désormais se passer d’aide: en guise de repère, elle dispose deux enceintes de part et d’autre d’une diagonale dans le manège.

Ninon progresse très vite, tout en mettant un point d’honneur à ne brûler aucune étape. Depuis peu, elle se permet enfin de retravailler avec Clé, sa jument alezane. “Nous commençons tout juste à sauter, mais nous évoluons surtout sur le plat. Clé a un gros caractère: elle est hyper volontaire, mais elle peut être assez explosive quand quelque chose ne lui convient pas.” Malgré ses envies et ses ambitions, Ninon préfère prendre le temps de s’affirmer un peu plus pendant cette “phase de réglage”. En parallèle, Ninon constate aussi que Clé attendrit son tempérament de feu. “Je pense qu’elle sent une différence parce qu’elle se canalise davantage. Elle fait plus attention à ce que je lui demande et à ce qu’elle fait. Elle s’est adoucie”, ajoute-t-elle en riant.



Son expérience au service des autres

“Avec de la volonté et la passion, on peut tout faire. Il ne faut pas s’arrêter à ce que disent les gens, ou à nos propres craintes.” Si beaucoup voient en Ninon un véritable exemple de courage, elle se montre plus humble et réservée à ce sujet. “Quand on veut, on peut”, tranche-t-elle simplement. Elle préfère parler de “partage d’expérience”. Rendre la sienne visible sur les réseaux sociaux a d’ailleurs attiré quelques personnes dans le même cas qu’elle, peut-être plus perdues, moins confiantes. Malgré elle, Ninon endosse un nouveau rôle: celui de porteuse d’espoir. “Si je peux remotiver certains ou certaines, c’est génial!” Un rôle attribué au célèbre cavalier non voyant Salim Ejnaïni, vers qui elle s’était tournée dès sa sortie de l’hôpital. Après de nombreux échanges, la jeune femme s’est mise à appliquer ses méthodes, se les appropriant et les adaptant au fil de sa progression. Depuis, ils se suivent de près et sont devenus amis. “Humainement parlant, je me suis identifiée à lui. Il ne veut pas qu’on le mette dans une case et ce n’est pas du tout ce que je veux non plus.”

Être privé de sa vue n’est pas une fin en soi. Aussi, Ninon compte bien poursuivre ses objectifs, tant dans sa vie équestre quand dans ses études. Après son bac, elle compte intégrer une licence de philosophie ou une classe préparatoire littéraire. Pour autant, l’un des objectifs qu’elle chérit le plus est retrouver la saveur des compétitions. Pour le moment, seul le para-dressage est spécifiquement configuré pour les cavaliers en situation de handicap, le circuit fédéral de para-jumping ayant été mis en sommeil par la Fédération française d’équitation. Mais, à l’instar de Salim Ejnaïni et de quelques pionniers, elle garde bon espoir en l’avenir.


Le quotidien régional Ouest France a réalisé un reportage sur l'histoire de Ninon Forget.