“Il ne faut pas faire n’importe quoi, mais l’épidémie de rhino est sous contrôle”, Jérôme Thévenot

Comme l’indiquait hier le Réseau d’épidémiosurveillance des pathologies équines, Jérôme Thévenot confirme que l’épizootie de rhinopneumonie équine de type HVE-1, qui a frappé l’Europe de l’Ouest depuis deux mois, est désormais sous contrôle. Vétérinaire attitré de l’équipe de France de saut d’obstacles, le Toulousain revient sur l’épisode de Valence, qu’il a pu observer de près, mais aussi sur les orientations de la Fédération équestre internationale (FEI), à court terme, avec un protocole sanitaire de reprise dont certaines mesures sont difficilement applicables, et à moyen terme avec le choix très contesté de ne pas rendre obligatoire la vaccination.



Que retenez-vous de cette épizootie de HVE-1 qui a flambé dans les écuries du CES Valencia?

Au plus fort de l’épidémie, je suis allé plusieurs fois à Valence, afin de négocier avec les autorités espagnoles la mise en place d’un protocole sanitaire visant à rapatrier les chevaux français à Lamotte-Beuvron. Je dois dire, comme d’autres l’ont déjà évoqué, que la Fédération équestre internationale a mis du temps à prendre la mesure de ce qui se passait là-bas. De notre côté, nous avons fait remonter à Lausanne un maximum d’informations provenant du terrain. Si la FEI avait réagi plus tôt, on aurait peut-être pu éviter les quelques contaminations survenues à Doha, dont une concernant un cheval français, qui n’a heureusement pas présenté de symptômes par la suite. Il y a un problème de gouvernance sur les questions vétérinaires.

Il faudra tirer des conclusions de ce qui s’est passé à Valence. Il y a évidemment eu des erreurs humaines. En matière d’épidémiologie, le problème de ces séries de concours réside justement dans le fait que ce sont des séries de concours, avec des écuries où les chevaux restent stationnés plusieurs semaines en grand nombre au même endroit, serrés dans de grandes tentes, avec un grand brassage d’équidés jeunes et âgés, aux statuts sanitaires différents et évoluant à tout niveau d’épreuves. Dans un concours classique durant trois ou quatre jours, quel qu’en soit le niveau, les risques sont bien moins importants. Il est possible que la souche de virus qui a frappé à Valence ait été plus agressive que les autres, mais il faut encore attendre les analyses pour le savoir.

Quel regard portez-vous sur le protocole sanitaire de retour à la compétition entériné par la FEI?

D’un point de vue vétérinaire, les mesures prises seraient efficaces… si elles pouvaient être mises en œuvre. Malheureusement, ce n’est pas le cas dans bien des concours, d’où les annulations et reports auxquels on assiste depuis une bonne semaine. Les examens vétérinaires à l’arrivée des chevaux en concours et les prises de température me semblent essentielles, et il est très juste de la part de la FEI d’avoir rappelé leur importance. Je dis rappeler, car ces dispositions figurent déjà dans ses règlements, en tout cas les examens à l’arrivée, mais ne sont pas ou alors pas toujours très bien appliquées. En outre, la prise de température à l’arrivée, c’est bien, mais difficile à appliquer pour les organisateurs. Selon les types de concours, cela requiert davantage de vétérinaires, de personnel et de commissaires capables de se faire respecter, mais aussi de réguler les arrivées de camions, ce qui n’est pas simple. Pour autant, c’est une bonne mesure en soi. À mon sens, la FEI aurait mieux fait d’insister là-dessus plutôt que de perdre son monde dans une forêt de détails. Tout cela refroidit sinon affole les organisateurs, et n’appelle pas assez à la responsabilité des personnes entourant les chevaux, ce qui est pourtant primordial à mes yeux.

Pour sa part, la Fédération française d’équitation a adopté une batterie de mesures pouvant paraître simplistes, mais efficaces et applicables sur le terrain. On insiste avec pédagogie sur les prises de température et la responsabilité de chacun au sujet des gestes barrières. Après tout, personne ne va en concours pour que son cheval ou celui d’autrui ne tombe malade. Le protocole national me semble juste compte tenu du fait que la période d’isolement des chevaux décrétée par les fédérations a porté ses fruits. Cela ne veut dire qu’il ne faut pas faire n’importe quoi, mais la situation épidémique est aujourd’hui sous contrôle.



“Je ne comprends pas pourquoi la FEI ne rend pas cette vaccination obligatoire”

Au niveau du protocole international, le principal point d’achoppement concerne le délai de quatre jours imposé par la FEI pour les tests PCR (allongé ce soir à cinq jours, ndlr). N’aurait-il pas été plus judicieux de relever ce délai à sept ou dix jours ?

Pour moi, ces tests PCR, dont nous parlons sans cesse depuis un an dans le contexte de la pandémie de Covid-19, ne peuvent pas être considérés comme un élément primordial. Cela reste une examen complémentaire, qui n’est pas fiable à 100%. Les possibilités d’erreurs sont multiples. Je n’incrimine pas les laboratoires, qui sont plus ou moins compétents selon les cas. En Espagne, on a atteint un niveau de 80% d’erreurs sur les tests que nous avons répétés. Aussi, il me semble compliqué de faire reposer une politique adéquate au niveau international sur un réseau de laboratoires n’appliquant pas nécessairement les mêmes normes. Il existe tout un tas de certifications pour ces tests, mais personne ne peut affirmer avec certitude ce qui est bien ou pas, faute de consensus entre les experts.

Le délai de quatre jours pose effectivement de gros problèmes. Imaginons un concours pour lequel les chevaux seraient attendus le mardi pour la visite vétérinaire. Le prélèvement devrait donc être effectué quatre-vingt-seize heures avant leur arrivée sur le site, soit le vendredi matin. S’il s’agit d’un concours nécessitant un déplacement de deux jours, compte tenu du délai d’expédition du prélèvement au laboratoire et du temps nécessaire à l’analyse, les résultats ont de grandes chances de tomber une fois que les chevaux seront déjà en route… De plus, en France (pays qu’on imagine parmi les mieux lotis en la matière, ndlr), LABÉO Frank Duncombe a une capacité de traitement de cinq cents prélèvements par jour. Or, certains week-ends, deux à quatre mille chevaux concourent au niveau international, toutes disciplines confondues… alors on court au-devant de gros problèmes, notamment au mois de mai, où il y aura de nombreux événements. Ce délai est tout simplement impossible à respecter sereinement, même pour les écuries et organisateurs les plus motivés.

C’est pourquoi, avec la FFE, nous avons demandé à la FEI que ce délai soit allongé à sept jours (il a donc été allongé ce soir à cinq jours, ndlr). Et encore une fois, les meilleures armes pour protéger les chevaux restent les gestes barrières et la surveillance clinique, à commencer par la température et les symptômes, surtout respiratoires. En effet, les symptômes neurologiques ne se déclarent qu’à un stade avancé de la maladie.

La FEI ne devrait-elle pas, comme les autorités de courses hippiques, rendre obligatoire la vaccination des chevaux concourant sur la scène internationale?

Comme bien d’autres confrères, je suis très déçu à ce sujet. Je ne comprends pas pourquoi la FEI ne rend pas cette vaccination obligatoire. J’ai entendu les prétextes liés à l’approvisionnement en vaccins, mais la pénurie n’a duré que quelques semaines. Actuellement, il n’y a plus aucun problème pour se procurer des doses. J’entends aussi que la vaccination n’est pas efficace dans tous les cas, et que certains chevaux vaccinés sont tombés malades. Cependant, elle réduit incontestablement la pression virale. Or, moins la pression est forte, moins il y a de risque de contagion. Les chevaux vaccinés ont moins de risques de développer la forme grave et de contaminer d’autres sujets. D’une manière générale, je ne suis pas un fou furieux des vaccins, mais je crois qu’il y a un consensus sur le terrain en faveur de celui-là. Anne Couroucé (professeur de médecine interne des équidés à Oniris, l’école vétérinaire de Nantes, ndlr), missionnée par la FFE, est sur la même longueur d’onde. Donc je trouve incompréhensible l’orientation de la FEI en la matière.