“Du résultat, du résultat et encore du résultat”, Thierry Pomel

Quelques heures après l’officialisation de la sélection française pour le Jumping de La Baule, Thierry Pomel en a livré des éléments d’analyse et de compréhension. Le nouveau sélectionneur national a également dévoilé quelques lignes directrices de son plan de route en vue à la fois des championnats d’Europe Longines de Rotterdam, où l’équipe de France devra repartir à la conquête de sa qualification olympique, mais aussi du maintien en Division 1 européenne du circuit FEI Longines des Coupes des nations… dont la finale offrira elle aussi une place pour les Jeux de Tokyo 2020. Entretien.



 D’une manière générale, dans quel état d’esprit avez-vous effectué la sélection française pour le Jumping de La Baule?
Je me suis majoritairement fondé sur les résultats des cavaliers depuis le début de la saison extérieure. Dans cette sélection, on retrouve naturellement quelques anciens qui n’ont rien à prouver et qui continuent à avancer avec de bons chevaux. Et il y a aussi quelques nouveaux venus qui montrent de belles choses depuis le début de l’année et une volonté de se préparer justement pour ce premier rendez-vous majeur qu’est La Baule. J’en ai vu certains à Vejer de la Frontera, d’autres à Arezzo et ailleurs (notamment Oliva, Royan, Vilamoura, Cagnes-sur-Mer, Gorla Minore et tout récemment à Grimaud, ndlr). J’ai de bons échanges avec tous ces cavaliers, qui commencent à bien me connaître depuis le temps que je les côtoie. Mon leitmotiv est simple: du résultat, du résultat et encore du résultat. C’est mon exigence. Pour autant, je ne veux pas lancer trop vite certains chevaux – nous en avons notamment de très bons jeunes – à qui je veux laisser le temps de mûrir sans pression. Notre CSIO 5*, qui reste l’un des plus beaux rendez-vous de l’année, étant programmé en début de saison, je me dois de prendre des précautions vis-à-vis de certains chevaux, dont les cavaliers mériteraient évidemment de pouvoir concourir à ce niveau.

Le même week-end, une autre délégation française se rendra au CSIO 3* de Drammen, en Norvège.
En effet. Ces concours de Division 2 européenne sont importants, car ils nous permettent d’aguerrir de nouveaux couples à un niveau techniquement moindre, mais avec une bonne concurrence et la pression de représenter la France. Nous avions également reçu une invitation pour le CSIO 3* d’Uggerhalne, programmé la semaine suivante au Danemark. Malheureusement, on nous a annoncé il y a quelques jours que nous ne pouvions plus y participer, ce que je juge comme une sanction vis-à-vis des cavaliers que nous avions mobilisés autour de cet objectif… C’est un très bon CSIO. Ces deux dernières années, j’y avais officié en tant que chef d’équipe et je souhaitais vraiment y envoyer des couples…

Pour en revenir à La Baule, comment avez-vous composé le quintette de l’équipe de France?
Je me suis évidemment appuyé sur l’état de forme actuel des couples, ainsi que sur l’expérience. Je compte sur deux couples solides. Là, il s’agira d’Alexis Deroubaix et Nicolas Delmotte avec Timon d’Aure et Ilex VP (qui ont tous deux défendu la France aux Jeux équestres mondiaux de Tryon, ndlr). Ils sont en forme et montent en puissance. Pénélope Leprevost, elle, a très bien préparé Vancouver de Lanlore vers cet objectif, obtenant des résultats probants, particulièrement au Sunshine Tour. Thierry Rozier a lui aussi suivi une belle courbe de progression avec Venezia d’Écaussines, qui a très bien sauté à chaque fois que je l’ai vue. Aujourd’hui, je veux en voir plus de leur part. Et Simon Delestre a déjà réussi de bonnes performances à très haut niveau avec Uccello de Will. Je l’ai vu sauter sur herbe en vidéo au CSI 5* de Mexico (où le couple s’est classé sixième du Grand Prix, ndlr), ce qui m’a vraiment convaincu de miser sur lui dans ce quintette. 
 


“Ne pas trop puiser dans les ressources de chaque cheval”

Comment allez-vous concilier les objectifs de maintien en Division 1 européenne, de qualification pour la finale mondiale de Barcelone et de préparation des championnats d’Europe de Rotterdam?
Effectivement, dans la mesure où la qualification pour les Jeux olympiques de Tokyo 2020 peut se jouer sur les deux tableaux, on ne peut en laisser aucun de côté. Pour autant, il est hors de question de prendre le risque d’épuiser des chevaux avant les grandes échéances de l’année. Je veux évidemment obtenir notre qualification pour la finale de Barcelone, mais sans forcément viser le sommet du classement de la Division 1, ce qui ne rapporte rien. Je vais donc faire tourner mes effectifs. La semaine après La Baule, nous concourrons au CSIO 5* de Rome, en dehors du circuit FEI Longines donc sans impératifs de performances. D’autres couples y intègreront l’équipe (la sélection devrait être officialisée la semaine prochaine, ndlr). Ensuite, nous nous rendrons à Saint-Gall, Sopot, Falsterbo et Aix-la-Chapelle. L’idée est d’avoir systématiquement un mix entre des couples expérimentés et d’autres qui arrivent en forme, sans trop puiser dans les ressources de chaque cheval. Je vais aussi chercher à déterminer au fur et à mesure les bons ordres de passage en vue des grandes échéances. Le point de départ, c’est La Baule, parce que c’est chez nous et que nous sommes attendus. J’espère que nous y obtiendrons de bons résultats, mais je ne veux pas mettre trop de pression sur le dos des cavaliers. Il y a un très solide plateau, ce qui promet une belle compétitions et sûrement plein d’enseignements pour tout le staff de la Fédération française d’équitation.

Dans quelle mesure avez-vous prévu d’intégrer dans vos plans Olivier Robert, auteur d’une prometteuse finale de la Coupe du monde Longines avec Tempo de Paban?
Nous souhaitons faire avancer Olivier et Tempo, qui ont montré de très belles choses en indoor. C’est un cheval qui a des moyens et désormais du métier. Il avait une coquetterie sur les bidets et les rivières, mais ils semble que les choses avancent bien de ce point de vue. Nous avons proposé à Olivier un plan avec des concours sur sable afin que Tempo se prépare au mieux, sans prendre trop de risques, et de voir comment il évolue. Pour rester dans le rythme du très haut niveau, Olivier devrait normalement participer au CSIO 5* de Saint-Gall avec Eros. Je ne sais pas si je peux compter sur ce cheval pour les plus grands rendez-vous, mais il est très utile à l’équipe, ce qu’il a déjà prouvé. L’an passé à Saint-Gall, il n’avait pas eu besoin d’entrer en piste dans la Coupe (puisque les autres couples n’avaient pas renversé la moindre barre dans aucune des deux manches, ndlr). J’espère qu’il en sera de même cette année pour les mêmes raisons! En tout cas, nous comptons sur lui.
 


“Le minimum de risques pour Sangria, Rahotep, Aquila et For Joy”

 
Depuis le début de la saison extérieure, on a assisté au retour de grands absents de plus ou moins longue date tels que Sangria du Coty, Rahotep de Toscane, Aquila*HDC et tout récemment For Joy van’t Zorgvliet*HDC? Avez-vous déjà prévu la date de leur retour en équipe de France? Ne sauteront-ils pas plutôt sur sable que sur herbe?
Nous comptons évidemment sur ces chevaux, qui présentent une grande expérience et qui ont performé à un très haut niveau il y a plus ou moins longtemps. De toute façon, à ce stade de l’année, il n’est vraiment pas question d’exclure qui que ce soit. Pour obtenir notre qualification pour les Jeux olympiques, je compterai sur l’expérience des cavaliers, mais aussi sur celle des chevaux. Effectivement, pour prendre le minimum de risques, compte tenu de leur âge, nous avons l’intention de les faire évoluer surtout sur sable. Ce n’est un secret de polichinelle pour personne: nous n’avons qu’un seul CSIO sur sable, prévu à Sopot. Si tout va bien, c’est donc là qu’on devrait les retrouver en équipe de France.

Qu’en sera-t-il de Hermès Ryan des Hayettes, brillant vainqueur du Grand Prix du Saut Hermès au Grand Palais? Entre-t-il dans vos plans pour les championnats d’Europe de Rotterdam?
D’abord, je me réjouis vraiment du retour de Simon dans le groupe France, car nous avons besoin d’un compétiteur comme lui pour les défis qui nous attendent. On connaît le choix qui a été fait l’an passé pour Ryan. Simon participe aussi à la Global Champions League et organise son piquet en conséquence. Pour l’instant, disons que la priorité est donnée à Uccello, qui me semble être un potentiel cheval d’équipe. Après La Baule, il devrait sauter à Rome. Le terrain et les résultats nous diront si nous sommes bien partis dans la bonne direction.

Pour la première fois depuis 2006, Kevin Staut, indéboulonnable numéro un français, ne montera pas à La Baule, alors qu’il faisait partie de votre liste. Est-ce lié à la récente réorganisation de son piquet de chevaux? Et par qui sera-t-il remplacé?
Oui, la raison se situe là, la décision de se séparer d’une partie de ses chevaux datant de la semaine passée. Cela démunit un peu Kevin, qui a préféré ne pas participer à l’Officiel de France avec des chevaux qu’il ne juge pas encore assez compétitifs. Il a aussi pris des engagements vis-à-vis d’autres concours. Il sera notamment présent au CSIO 5* de Rome, qui est soutenu par Rolex (dont il est un cavalier partenaire, ndlr). Pour autant, Kevin demeure évidemment un élément très important pour l’équipe de France et j’espère le voir rapidement briller avec de nouveaux chevaux.
En attendant, cela fera le bonheur de Mathieu Billot, que j’avais désigné comme premier remplaçant. Quel Filou 13 présente un grand potentiel, mais je voulais laisser le temps à Mathieu de le construire. Les choses sont allées très vite pour eux la saison passée. Je crois beaucoup en eux, mais je voulais redonner de l’oxygène à ce couple. En tout cas, ils auront bien l’occasion de s’exprimer à La Baule.