“Je ne m’imaginais pas devenir professionnelle mais je commence à me poser la question”, Vera Desutter

Alors que le sport reprend ses droits un peu partout en France et en Europe depuis lundi, Vera Desutter est présente ce week-end à Opglabbeek, en Belgique, pour le CSIO Juniors. À quinze ans, la jeune amazone, qui s’entraîne au Touquet, a vécu sa première sélection en Coupe des nations en août dernier à Fontainebleau. Déterminée à prendre de l’expérience et progresser aux côtés notamment de Burdey of Mic et Vandor de Mazure, qui sont du voyage au “plat pays”, elle se fait peu à peu une place au sein des espoirs tricolores à force de travail. Tout juste arrivée sur le site du concours où elle avait couru son premier Grand Prix CSI 2* il y a quelques semaines, elle a accepté de revenir sur sa préparation pour cette reprise des compétitions, son piquet de chevaux, ses objectifs ou encore ses débuts à poneys.



Vandor de Mazure a pris la direction de la Belgique avec Vera Desutter, pour un week-end de compétition.

Vandor de Mazure a pris la direction de la Belgique avec Vera Desutter, pour un week-end de compétition.

© Sportfot

Vous avez été sélectionnée pour le CSIOJ d’Opglabbeek et êtes actuellement en Belgique avec deux montures. Quelles sont vos attentes et vos objectifs pour ce concours de reprise? 

J’aimerais prendre de l’expérience dans le CSIO, où Burdey of Mic (SF, Diamant de Semilly x Heartbreaker) est engagée, tandis que Vandor de Mazure (SF, Landor S x Idéal de la Loge) participera au CSI Juniors. Ainsi, tous deux pourront participer aux grosses épreuves sans être déclassés. Depuis l’année dernière, entre la Covid-19 et l’épizootie de rhinopneumonie, nous n’avons pas pu concourir énormément ni participer à beaucoup d’épreuves par équipes. Je suis donc très contente de pouvoir retrouver les terrains et remettre mes chevaux en route. Contrairement à certains, je n’ai pas eu la chance de sortir en compétition durant le deuxième confinement, en novembre et décembre. En début d’année, j’ai pu obtenir un statut professionnel en aidant mon père dans son élevage.

Comment avez-vous préparé ce concours? 

Je me suis préparée normalement et je ne me suis pas mis plus de pression que d’habitude. Nous avons fait travailler intensément les chevaux en début de semaine dernière, pour qu’ils puissent se reposer ensuite et arriver frais en Belgique. J’ai également eu la chance de pouvoir faire un stage avec Pierre Durand, qui est venu le week-end dernier dans mon centre équestre, au Touquet. Cela m’a permis de peaufiner les derniers détails. C’était super de pouvoir bénéficier de ses conseils juste avant le CSIO d’Opglabbeek, car il reste le dernier Français champion olympique de saut d’obstacles en individuel.

Retenez-vous un conseil de Pierre Durand en particulier?

Il nous a beaucoup parlé de l’importance de la confiance entre le cavalier et son cheval avant d’enter en piste. Certains cavaliers auraient tendance à vouloir mettre leurs chevaux plus en difficulté pour pouvoir ensuite éviter les fautes sur le parcours. Au contraire, il a insisté sur la nécessité d’établir une relation de confiance avec son cheval, qui est vraiment l’une des meilleures manières pour réussir son épreuve, à condition que cette confiance soit réciproque.

Avec qui vous entraînez-vous au quotidien?

Je m’entraîne généralement avec mon père (Olivier Desutter, ndlr), à la maison et en concours. Ponctuellement, je reçois l’aide d’autres cavaliers, comme Nicolas Delmotte, ou je participe à des stages.

Pouvez-vous nous parler de votre histoire avec Burdey of Mic?

Burdey est issue de l’élevage familial et elle devait concourir avec mon père. J’ai débuté à cheval avec Vandor, et comme tout a commencé à bien se passer, j’ai peu à peu pu monter certains chevaux de l’élevage, comme Brenda of Mic (SF, Tinka’s Boy x Heartbreaker). Je n’avais pas beaucoup d’expérience quand j’ai commencé avec Burdey, donc nous avons débuté sur des épreuves à 1,15m et 1,20m. Nous nous sommes tout de suite bien entendues. Petit à petit, nous avons participé à nos premiers Grands Prix à 1,40m, notre premier Grand Prix CSI 2* à 1,45m, puis avons été sélectionnées pour le CSIOJ d’Opglabbeek… C’est une jument avec énormément de qualités mais assez sensible. Elle a beaucoup de moyens et pourra m’emmener plus tard sur de belles épreuves. Nous croyons beaucoup en elle, même si elle n’a pas encore autant d’expérience que les autres chevaux.



“Ma participation à la Coupe des nations de Fontainebleau s’est décidée la veille”

Vera Desutter se fait petit à petit une place dans l'équipe de France Juniors.

Vera Desutter se fait petit à petit une place dans l'équipe de France Juniors.

© Sportfot

Quid de Vandor de Mazure?

Il est un peu mon cheval de cœur. Il y a deux ans, alors que je concourais en Grand Prix Poneys, je n’avais plus de monture pour ces épreuves. Mon père m’a alors proposé Vandor, qu’il avait échangé quand il avait trois ans, et j’ai donc commencé à le travailler. C’est comme cela que je me suis mise à cheval, pour me faire plaisir pendant l’été. Nous avons débuté sur des petites épreuves, puis je l’ai finalement gardé et nous sommes rapidement arrivés sur des épreuves à 1,30m. Pendant le premier confinement l’année dernière, nous avons énormément progressé, ce qui nous a permis pendant l’été de concourir jusqu’à 1,45m. Tout cela n’était pas forcément prévu au départ. Nous nous sommes bien entendus et formons un bon couple, et il m’a d’ailleurs permis de courir ma première Coupe des nations (en août 2020 lors du CSIOJ de Fontainebleau, ndlr).

Justement, avec le recul, qu’avez-vous retiré de cette première expérience, qui n’a pas été des plus simples avec un premier tour à onze points et une élimination lors du second? 

Le début n’a pas été des plus faciles. Ma participation à cette Coupe des nations s’est décidée la veille. Olivier Bost (sélectionneur de l’équipe de France Juniors, ndlr) a dû composer un second groupe, car à la suite de la pandémie de coronavirus, toutes les nations n’ont pu être présentes. À la base, il m’avait déjà proposé de prendre part à la première équipe constituée, mais mon père avait souhaité que l’on prenne notre temps. Le jeudi, tout s’était bien passé et j’avais réalisé un parcours sans faute, donc il a été décidé de m’intégrer à cette seconde équipe de France. Il y a eu un peu de pression et dans la dernière ligne, je n’avais pas la bonne distance en tête, ce qui a déréglé mon premier parcours puis le second. Mon tour dans le Grand Prix s’est mieux passé (deux fautes, ndlr). Entre les CSIO de Fontainebleau et Opglabbeek, nous avons pu bien travailler.

Sur quels autres chevaux pouvez-vous compter pour progresser cette saison?

J’ai quatre chevaux, dont trois avec pas mal d’expérience et qui me permettent de progresser : Burdey, Vandor et Brenda of Mic. Cette dernière a notamment concouru avec Dylan Ringot (tout comme Burdey of Mic, ndlr). J’ai ensuite une jument plus jeune, également issue de l’élevage familial, Damoisel of Aranka (SF, Diamant de Semilly x Cruising), que je forme pour l’avenir.

Quels sont vos objectifs pour cette saison? Vous avez participé à votre premier Grand Prix CSI 2* en février à Opglabbeek avec succès, puisque vous avez terminé avec une seule faute…

J’aimerais bien continuer sur cette voie-là, pour prendre de l’expérience dans des CSI 2*, les Grands Prix du Grand National et si possible lors des CSIO Juniors. Comme tout le monde, j’espère retourner rapidement en concours dans des conditions plus normales, avec plus de facilité. Ces derniers mois, il y a eu beaucoup de changements, avec de grosses échéances qui ont été annulées l’année dernière, comme les championnats de France ou les championnats d’Europe. À voir s’ils seront maintenus cette année ou pas.

Pensez-vous aux championnats d’Europe Juniors?

Comme tout cavalier sélectionné en CSIO, ils sont dans un coin de ma tête. Mais j’ai le temps, je ne suis que Cadette deuxième année et j’ai devant moi encore deux ou trois ans chez les Juniors. 

Est-ce important pour vous de porter la veste bleue? 

Oui, car la France fait partie des grandes nations des sports équestres, et a notamment été sacrée championne olympique à Rio de Janeiro.  C’est important pour moi de représenter mon pays, et ce n’est pas donné à tout le monde d’être sélectionné pour un CSIO ou un championnat d’Europe. C’est une grande chance pour tous les cavaliers.



“J’adorais suivre mon père en concours”

Vous avez fait vos débuts internationaux en 2019 à poneys, avec Barbie de Blonde (PFS, Machno Carwyn x Ultra de Rouhet). En 2020, vous avez participé à un CSIP avec Bracken du Kyo (Con, Dexter Leam Pondi x Kid de Garenne). Êtes-vous définitivement passée à cheval?

La situation actuelle est compliquée et le nombre de concours Poneys très restreint. J’avais trois poneys en début de saison pour aller faire des CSIP et de belles échéances, mais comme tout est annulé en ce moment, c’est délicat de voir un avenir à poneys. C’était cependant prévu que je continue d’évoluer le plus possible sur ces épreuves-là cette année. Pour le moment, c’est plus simple de concourir à cheval.

En cinq ans, vous avez évolué à poneys des épreuves à soixante centimètres aux Grands Prix. Que pensez-vous du circuit Poneys en France et que vous a-t-il apporté? 

J’ai eu la chance d’intégrer les écuries de mon père, ce qui m’a permis de passer des petites épreuves Poneys au Grand Prix. J’ai pu prendre de l’expérience avec mes différentes montures. En France, nous avons la chance d’avoir un très bon circuit avec les TDA (tournées des As, ndlr), qui m’ont permis, en parallèle des CSIP, de progresser. C’est par exemple une vraie chance de pouvoir concourir sur le Grand Parquet de Fontainebleau dans ces épreuves. Tout cela a été un avantage quand je suis passée à cheval. 

Votre père a été sacré champion de France Pro Élite en 2009 avec Aranka (BWP, Cruising x Cantus). Était-ce naturel pour vous de devenir cavalière? 

Pas du tout, et au début je n’aimais pas vraiment l’équitation. Ma mère m’a poussée à prendre des cours. J’adorais surtout suivre mon père en concours, quand il voyageait dans toute la France ou au Portugal. Je m’y suis mise petit à petit, puis j’ai intégré ses écuries, monté ses chevaux, etc. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus impliquée dans le milieu du cheval, car mes deux parents sont dans le métier, mais c’était moins le cas dans ma jeunesse. En tout cas, s’ils n’avaient pas été cavaliers, je ne le serais pas devenue à mon tour. Plus jeune, j’ai aussi fait de la danse. Ensuite, quand je suis rentrée au collège, cela a été compliqué de tout cumuler. J’ai dû faire un choix et j’ai décidé de continuer l’équitation.

Comment se déroule votre quotidien, entre sports équestres et lycée? 

J’ai un emploi du temps chargé. La plupart des cavaliers de mon âge sont au CNED (Centre national d’enseignement à distance, ndlr). Pour ma première année au lycée, j’ai la chance de bien m’en sortir car j’alterne une semaine en présentiel et une en distanciel. De plus, je suis dans une classe où l’on finit à 15h30 tous les jours, ce qui me permet de sortir mes chevaux ensuite. J’arrive pour l’instant à tout gérer. Cela risque d’être plus compliqué l’année prochaine avec le bac et les déplacements en concours, donc je pense également à prendre des cours par correspondance. De plus, j’ai la chance d’avoir un cavalier aux écuries qui m’aide à sortir mes chevaux, et ma mère a beaucoup d’expérience à cheval donc elle peut aussi me seconder.

Pensez-vous aujourd’hui à une carrière de cavalière professionnelle? 

Aujourd’hui, c’est encore flou car je n’ai que quinze ans. Je ne m’imaginais pas devenir professionnelle mais je commence à me poser la question. Je vais attendre de passer mon bac pour faire un choix.

Vandor de Mazure est le premier cheval, et le cheval de cœur, de Vera Desutter.

Vandor de Mazure est le premier cheval, et le cheval de cœur, de Vera Desutter.

© Sportfot