“Il faut bien rebondir après Cashpaid, et chaque changement offre de nouvelles opportunités”, Nathan Budd

Le week-end passé à Nancy, Nathan Budd a renoué avec la compétition internationale après plus de huit mois d’absence. Le talentueux Belge de vingt-huit ans a dû composer avec la vente de son crack Cashpaid J&F, qui poursuit désormais sa carrière outre-Atlantique avec Karl Cook, et vit une période de transition, s’attelant à la formation d’un nouveau piquet de chevaux. Le pensionnaire du haras des Rosiers, à Nivelles dans le Brabant Wallon, peut à nouveau compter sur sa fidèle Cadix des Rosiers, absente la majeure partie de la saison 2020. Il revient avec bonne humeur sur son retour en concours, ses montures et ses ambitions pour la suite de l’année, ainsi que le vide laissé par le départ de son ancien complice.



Nathan Budd et C’est Lui des Rosiers ont besoin de quelques concours “pour retrouver leurs repères”.

Nathan Budd et C’est Lui des Rosiers ont besoin de quelques concours “pour retrouver leurs repères”.

© Sportfot

Le week-end dernier à Nancy, vous avez relancé en CSI 1* Cadix des Rosiers (sBs, Kashmir van Schuttershof x Baloubet du Rouet), absente des terrains depuis janvier 2020. Êtes-vous satisfait de sa reprise?

Oui. Elle s’était un peu blessée début 2020, mais le hasard a bien fait les choses, car il n’y pas eu énormément de concours compte tenu de la pandémie de Covid-19. Nous avons donc décidé de prendre notre temps et d’avancer étape par étape. Pour la remettre en route, je l’ai engagée dans deux épreuves à 1,20m en Belgique, puis à Nancy, car nous savions que les sols seraient bons, ce qui a été le cas grâce au travail d’Equiplus. De plus, le concours était bien organisé. Cadix a plutôt bien sauté. Il va falloir que nous nous remettions un peu ensemble, donc je vais continuer à y aller doucement. De toute façon, je n’ai aucune échéance particulière avec elle. Nous ajusterons le programme en fonction de son évolution et de sa forme. Je la sens bien: elle a le moral et elle est contente de retrouver les terrains. 

Quid de C’est Lui des Rosiers (SF, Tinka’s Boy x Rivage du Poncel), absent depuis août 2020?

Aux championnats de Belgique, disputé après les CSI 3* de Longines Deauville Classic et 2* de Bornival, je n’ai pu prendre qu’un cheval. J’ai alors choisi Cashpaid J&F (Holst, Casall x Chicago Z), qui a ensuite été vendu (après sa sixième place dans le championnat national, ndlr). Pendant un temps, tous mes autres chevaux n’ont pas concouru. D’ailleurs, le départ de Cashpaid a créé un vide d’autant plus grand que Cadix était blessé, et que mes autres chevaux étaient encore un peu trop inexpérimentés. C’est Lui des Rosiers a donc subi les conséquences de tout cela. C’est un cheval qui a besoin d’enchaîner les parcours pour être au top. Après six mois sans vraie compétition, il lui faut un temps pour se remettre dans le bain. Il a montré de bonnes choses et concourir de nouveau à Nancy ce week-end va lui faire du bien et lui permettre de retrouver petit à petit ses sensations. Actuellement, je n’ai pas vraiment de chevaux pour sauter les Grands Prix et grosses épreuves. Nous avons besoin de deux ou trois concours pour retrouver nos repères ensemble. Je ne sais pas jusqu’où il est capable d’aller, mais je suis content de pouvoir compter sur lui dans mon piquet.

Vous avez pris part à votre premier CSI avec deux nouvelles montures: Conthasana PS (OS, Conthargos x Sanvaro), neuf ans, et Ottawa van de Padenborre (BWP, Clarimo x Diamant de Semilly), sept ans. Que pouvez-vous dire d’elles?

Nous avons acheté Conthasana en août dernier avec le propriétaire du haras des Rosiers (Herik Duran, ndlr) au mois. C’est une jument très particulière, assez difficile à monter et avec beaucoup de caractère. Je m’entends très bien avec elle, et si cette entente nous permet de révéler 100% de son potentiel, elle va énormément nous apporter. Nancy était notre premier concours. Comme Conthasana a très bien sauté le premier jour, je l’ai ensuite engagée dans des épreuves à 1,40m. Ce n’était pas parfait, nous devons encore prendre nos marques, mais mes sensations sont bonnes. Je crois beaucoup en elle et l’apprécie, même si elle nous demande beaucoup de management.

Ottawa, que nous avons acquise en début d’année, a très peu d’expérience. Elle était précédemment chez une très bonne amie qui vit près de chez moi. Je savais qu’elle avait cette jument depuis ses quatre ans, que celle-ci avait obtenu de bons résultats chez les Jeunes Chevaux, mais qu’elle n’avait pas concouru en 2020 à cause de la pandémie. J’ai pris le temps d’apprendre à la connaître. Nous avons juste pris part à une épreuve à 1,20m avant de venir à Nancy. Je suis assez content de son premier concours international. C’est une jument très généreuse, respectueuse et qui saute très bien. En piste, elle a une énergie dingue. L’objectif aujourd’hui est de réussir à canaliser cet influx, qui fera sans doute sa qualité plus tard. Les arrêts provoqués par les vagues de Covid et de rhinopneumonie équine m’ont permis de bien travailler à la maison, sans pression. Maintenant, j’essaie de poursuivre ce travail en compétition, comme ce fut le cas pour Cadix, Cashpaid ou Balder (van de Katelijnkouter, BWP, Baloubet du Rouet x Orlando, ndlr), avec lesquels je me suis toujours attaché à former un couple pour les emmener le plus loin possible.

Quels sont vos objectifs sportifs en 2021?

Cette saison est particulière vu la jeunesse et le manque d’expérience de mon piquet. Si Cadix revient rapidement à son meilleur niveau, on verra, mais je ne vais pas la pousser pour cela. Certains concours me tiennent à cœur, comme Longines Equita Lyon, ainsi que les championnats de Belgique, prévus en septembre pour lesquels j’aimerais retrouver un cheval compétitif. Je vais écouter mes chevaux au maximum, et établirai mon programme en fonction de leur état de forme. C’est une saison de transition qui doit me permettre de former tous mes chevaux, et en particulier les plus jeunes. Les résultats compteront peut-être moins qu’à l’accoutumée, mais cette étape est primordiale. Pour autant, les chevaux nous réservent parfois beaucoup de surprises et je ne serai pas étonné d’en voir un capable de sauter rapidement de belles épreuves.

Comment se dessine la suite de votre saison?

Après ce deuxième week-end à Nancy, je vais rester deux semaines à la maison pour m’occuper des plus jeunes. Je me rendrai ensuite à Courrières, pour prendre part au nouveau CSI qu’organise Grégory Wathelet. J’ai choisi d’y aller car je pense que ce sera bien. De plus, cela me tient à cœur, d’autant que je travaille avec Grégory depuis de nombreuses années.

 

Cadix des Rosiers, photographiée ici lors du Saut Hermès, a retrouvé les terrains le week-end passé à Nancy après plus d’un an d’absence.

Cadix des Rosiers, photographiée ici lors du Saut Hermès, a retrouvé les terrains le week-end passé à Nancy après plus d’un an d’absence.

© Scoopdyga



“J’aurais aimé pouvoir concourir en CSI 5* avec Cashpaid”

Karl Cook et Cashpaid J&F ont effectué leurs premiers parcours cet hiver en Floride.

Karl Cook et Cashpaid J&F ont effectué leurs premiers parcours cet hiver en Floride.

© Sportfot

Le départ de Cashpaid J&F chez Karl Cook, aux États-Unis, a été annoncé en novembre dernier. C’est le cheval qui a, pour l’heure, le plus marqué votre carrière. Vous évoquiez un vide. Cela n’a pas dû être simple de vous retrouver sans lui…

C’est un cheval assez extraordinaire. Je n’en avais encore jamais eu un de cette classe-là. On sait que cela fait partie de notre métier, mais je pense qu’il aurait laissé un vide dans le piquet de n’importe quel cavalier. Je suis fier et reconnaissant d’avoir pu le monter. De plus, il est très attachant. Nous avons pris le temps de bien réfléchir quand les offres se sont présentées, en privilégiant la meilleure option pour son bien-être. Karl prend soin de lui et leur couple est en train de se former. J’espère que nous les verrons prochainement au plus haut niveau. Je formais Cash depuis ses quatre ans. Même s’il avait réalisé d’autres performances, il a surtout fait parler de lui après ses résultats à Deauville (douzième du Grand Prix Longines de la région Normandie avec un point de temps dépassé, ndlr) et au championnat de Belgique, et n’a fait que confirmer ce que nous pensions de lui. Je garde un goût de ‘trop peu’ dans le sens où j’aurais aimé pouvoir concourir en CSI 5* avec lui en guise d’aboutissement final. En le comparant avec Usain Bolt, un copain m’a dit qu’il était bon et qu’il n’avait pas besoin de courir contre les meilleurs pour le prouver. Il n’a pas tort, mais il aurait été encore plus gratifiant de tenter notre chance en CSI 5*. Pour autant, son départ nous apporte de nouvelles opportunités. Avec mon propriétaire, nous allons continuer à faire ce que nous savons faire: élever et former des chevaux de qualité en espérant nous approcher rapidement du haut niveau.

Vous l’avez revu cet hiver aux États-Unis…

Tout à fait, j’étais en Californie pour conseiller Karl avec Cashpaid. Je lui ai notamment donné quelques rituels que j’avais avec lui, ma manière de le travailler. Quand il l’a acheté, nous avons beaucoup échangé et sommes devenus amis. Karl m’a dit qu’il voulait continuer de le faire évoluer dans le même sens et m’a proposé de venir. J’ai rencontré Karl et Kaley (Cuoco, la femme du cavalier américain, célèbre actrice, ndlr). J’ai passé une super semaine, ils sont vraiment chouettes. Cela m’a aussi conforté dans notre choix, et je suis content de savoir mon cheval là-bas. Je pense que j’y retournerai de temps en temps pour le voir et travailler avec Karl.

Nathan Budd et Cashpaid se sont fait remarquer à l’été 2020 après leurs belles performances au Longines Deauville Classic puis lors du championnat de Belgique.

Nathan Budd et Cashpaid se sont fait remarquer à l’été 2020 après leurs belles performances au Longines Deauville Classic puis lors du championnat de Belgique.

© Sportfot



“Herik Duran me laisse prendre le temps sans me mettre de pression, ni financière, ni sportive”

Le départ de Cashpaid retarde les objectifs du jeune Belge.

Le départ de Cashpaid retarde les objectifs du jeune Belge.

© Scoopdyga

L’une de vos motivations est d’intégrer l’équipe de Belgique. La vente de Cashpaid n’a-t-elle pas remis cela en cause?

Avec un cheval comme lui, je pouvais rêver de choses dont je ne peux plus rêver aujourd’hui. Cependant, l’équipe belge et les plus belles échéances restent des objectifs, et il est certain que je continue à travailler pour y arriver. Sans ce cheval, nous devons envisager les choses différemment et prendre le temps de former d’autres montures. Cashpaid était une porte d’entrée vers le haut niveau. Son départ ne modifie pas mes objectifs, mais les retarde seulement.  

Disposez-vous dans vos écuries d’un ou plusieurs chevaux avec la même qualité que Cashpaid et qui puissent vous emmener vers le haut niveau? 

D’une qualité similaire, c’est dur à dire, car Cashpaid est hors du commun. Si un jour je dispose à nouveau d’un cheval aussi bon, je serais content. Je pense en avoir de très bons, comme Ottawa, mais il est encore difficile de dire avec certitude ce qu’elle est capable d’accomplir. J’ai également Jango des Rosiers, six ans, un fils de Cadix et Cornet Obolensky, Coldplay des Rosiers, cinq ans, également par Cornet et une mère par Cardento, qui commence à montrer de belles choses sous la selle de mon cavalier et ami Paul-Émile Blaton. Il y a également deux bons étalons de quatre ans, dont H’Aubigny de Talma, un Selle Français pas Ogrion des Champs, et Ély des Rosiers, admis au Z, par Emerald et une mère par Thunder van de Zuuthoeve. J’ai aussi des chevaux de trois ans, ainsi que la première génération de produits de Cashpaid qui va arriver et qui semble intéressante. J’ai un bon réservoir de jeunes, donc c’est chouette de se dire que nous travaillons pour l’avenir. À moi de bien les former, c’est mon métier, avec l’objectif de les hisser le plus haut possible.

Votre collaboration avec le haras des Rosiers vous permet de former de nombreux chevaux. Comment décrirez-vous votre philosophie de travail?

Ce qui fait notre force est que Herik Duran et moi collaborons depuis plus de dix ans. Notre relation dépasse le cadre professionnel. Le mot est fort mais il s’agit presque d’une famille. Nous avons une confiance aveugle l’un envers l’autre. Nous avançons dans la même direction. La première raison pour laquelle nous faisons cela est que nous aimons les chevaux, le sport et que nous voulons atteindre le haut niveau. J’ai la chance qu’il soit compréhensif et me laisse prendre le temps sans me mettre de pression, ni financière, ni sportive. Les jeunes chevaux peuvent ainsi grandir sans brûler les étapes. Depuis quatre ou cinq ans, je travaille sur le plat avec Frédéric Pirmolin, qui est assez extraordinaire. Grâce à lui, ma façon de former les jeunes a évolué, tout en conservant une attitude correspondant à ma vision des choses, c’est-à-dire dans le respect et sans contrainte. Il faut qu’ils se sentent bien. Ce faisant, j’ai obtenu des résultats impressionnants, comme avec Cadix. Nous avons commencé à nous entraîner ensemble quand elle avait huit ou neuf ans et elle commençait à concourir à 1,45m. Un déclic s’est produit et la jument s’est relâchée.

Le haras des Rosiers fait naître des chevaux et pour atteindre notre objectif de haut niveau, nous avons toujours établi notre système et notre planning autour d’eux. Cela nous permet de les garder avec nous un long moment et de pouvoir nous rapprocher du haut niveau, ce qui était encore inimaginable il y a quelques années. 

Que regardez-vous en premier chez un cheval et quelles qualités recherchez-vous? 

Je n’achète pas énormément de chevaux. En revanche, j’en ai quelques-uns en copropriété avec des amis ou ma copine, car j’aime bien créer de belles histoires avec mes proches. Aujourd’hui (interview réalisée mardi matin, ndlr), je vais voir deux chevaux qui sont au travail chez Simon Lorrain depuis quelques mois et qui évoluent très bien. Pour une fois que je ne suis pas loin, je veux les monter pour juger par moi-même, donc je suis assez excité! Sinon, je fonctionne surtout au coup de cœur et aux sensations. J’ai tendance à acquérir des chevaux qui peuvent paraître compliqués, mais qui ont du potentiel. C’est vraiment au feeling. Parfois, j’en vois qui sautent très bien mais je réalise en m’asseyant dessus qu’ils ne sont pas faits pour moi. À l’inverse, certains peuvent être moins spectaculaires et me séduisent à l’essai. Peu à peu, j’achète plus de chevaux mais je n’ai pas forcément le temps de tous les voir. De ce côté-là, ma collaboration avec Simon est intéressante car il a un œil partout et offre de bons services. C’est ainsi que je fonctionne avec le peu de chevaux que j’acquiers. S’ils sont très bons, ils intègrent mes écuries. Sinon, nous évaluons la meilleure option pour eux.

Que peut-on vous souhaiter pour la suite? 

Retrouver le haut niveau et que tout fonctionne bien avec mon piquet actuel. En tant que cavalier, Conthasana est un peu un défi, car c’est une jument en laquelle peu de gens ont cru quand je l’ai acquise. Si je pouvais à nouveau performer au championnat de Belgique et avoir un cheval prêt pour aller à Lyon cette année, ce serait une belle réussite. Après le départ de Cash, il faut rebondir et chaque changement offre de nouvelles opportunités. J’espère que Cadix retrouvera le haut niveau, car elle est ma jument de cœur. Elle m’a permis de prendre part à mes premiers Grands Prix CSI 5* (dont celui du Saut Hermès en 2018, conclu avec une seule faute, ndlr), donc ce serait vraiment chouette de pouvoir à nouveau compter sur elle.

Cadix des Rosiers a permis à Nathan Budd de courir ses premiers CSI 5*.

Cadix des Rosiers a permis à Nathan Budd de courir ses premiers CSI 5*.

© Scoopdyga