La sensible Alouette d’Éole donne des ailes à Mélie Gosa

Lauréates de trois épreuves au CSI 2* de Nancy ces deux dernières semaines, Mélie Gosa et Alouette d’Éole effectuent un excellent début de saison. La compétitive fille de Mylord Carthago, dont elle a hérité de la robe grise, a rejoint en 2016 la jeune amazone, quand elle n’avait alors que six ans. La Sudiste et Stéphane Dufour, premier formateur de l’énergique jument, ont raconté cette caractérielle et redoutable compétitrice, à la fois singulière et attachante.



Le couple a concouru à Oliva, en Espagne, début 2021.

Le couple a concouru à Oliva, en Espagne, début 2021.

© Collection privée

Lors des deux semaines du CSI 2* de Nancy, en Meurthe-et-Moselle, Mélie Gosa et Alouette d’Éole se sont adjugées trois épreuves à 1,40m et 1,45m, devant un beau plateau de cavaliers composé notamment des expérimentés Pius Schwizer et Philippe Rozier. Le duo avait déjà fait parler de lui après son début de saison réussi à Oliva, où il avait pris le deuxième rang d’un Grand Prix CSI 3* à 1,50m derrière un certain Julien Épaillard. “Je suis vraiment contente car cela faisait quelques fois que nous terminions deuxièmes sur 1,45m, notamment à Oliva, donc j’attendais un peu cette victoire!”, exprime l’amazone de vingt-deux ans au sujet de ses premières places à Nancy. “La toute première était à l’occasion de notre reprise internationale, après l’épisode de rhinopneumonie équine. Comme elle est naturellement rapide, j’ai juste pris un bon galop et cela s’est fait tout seul. Avant cela, j’avais participé à un concours national à Sisteron pour remettre Alouette en route, et elle y avait d’ailleurs gagné le Grand Prix Pro 1 à 1,40m.”

La grise, représentante du stud-book Selle Français, montre une belle régularité. “À chaque fin de saison, je me dis que l’année suivante ne pourra pas être aussi bien. J’étais déjà très contente de ce que nous avions réussi à faire en 2020 (une saison récompensée par un ISO 153, ndlr). En fait, à chaque fois je me dis ‘Finalement, cette saison est encore mieux que la précédente’. Elle me surprend continuellement!”

Toutes deux se connaissent sur le bout des doigts, puisqu’Alouette d’Éole a été acquise en 2016 par Mélie Gosa. Née en 2010 chez Patrick Bizot, qui élevait sous l’affixe d’Éole, dans le Calvados, jusqu’à sa mort en 2017, Alouette a pour mère Osée des Prés (SF, par Hélios de la Cour II). Cette dernière a également produit l’excellente Virtuose d’Éole (SF, par Panama Tame), qui a été formé par Stéphane Dufour puis Eugénie et Cédric Angot. La jument, d’un an l’aînée d’Alouette, est ensuite passée sous les couleurs américaines, sud-africaines, brésiliennes et mexicaines, et s’est notamment mise en avant grâce à sa troisième place dans le Grand Prix CSI 4* de Stockholm avec Marlon Módolo Zanotelli en 2019. Le père de la complice de Mélie Gosa n’est autre que le crack Mylord Carthago, vice-champion du monde par équipes avec Pénélope Leprevost à Lexington en 2010, et dont la descendance perce au plus haut niveau depuis quelques années.



Un coup de cœur et beaucoup de travail

La fille de Mylord Carthago se révèle être une redoutable compétitrice.

La fille de Mylord Carthago se révèle être une redoutable compétitrice.

© Collection privée

La Sudiste Mélie Gosa se souvient avoir repéré sur SHF Market une jument, Angela d’Orchies, chez Stéphane Dufour, également connu pour avoir formé Viking et Ratina d’la Rousserie, Quismy des Vaux*HDC, ou encore Talent des Moitiers. “Il a également indiqué à mon père qu’il avait Alouette à vendre. J’ai donc essayé les deux. Angela m’aurait certainement mieux convenue dans un premier temps, car elle était moins sensible et plus guerrière sur les barres. Avec Alouette, il fallait vraiment que je sois précise.” Malgré tout, c’est le coup de foudre. “Je crois qu’elle est tombée immédiatement amoureuse de la jument!”, confie le Normand. “C’était un petit défi et je suis ravie d’avoir pris le risque! Angela sautait toujours, même quand la distance était mauvaise, contrairement à Alouette. Mais elle m’épatait, c’est elle que je voulais, et j’étais déterminée à travailler pour que cela fonctionne”, ajoute l’heureuse propriétaire.

Dès son plus jeune âge, Alouette d’Éole démontre un fort caractère et beaucoup d’énergie. Présente tout d’abord chez Denis Brohier, c’est le cavalier de ce dernier qui l’a débourrée. La fille de Mylord Carthago est déjà électrique et sensible. “Il a fallu prendre le temps et lui donner confiance. Cela a été bien fait, donc en piste, tout s’est immédiatement bien passé”, reconnait Stéphane Dufour, formateur de la grise à quatre et cinq ans. “Elle montrait beaucoup de sang, du respect et déjà du caractère. Ce n’était pas méchant, elle avait vraiment besoin d’évacuer tout ce jus. Au début, à la maison, elle a été délicate car elle était très active”, se souvient-il. Le cavalier lui donne “gentiment de l’expérience”, et à cinq ans, Alouette réalise une finale nationale encourageante à Fontainebleau, repartant avec le label “Très bon”. “En piste, elle essayait toujours de bien faire et se donnait pour son cavalier. Elle avait compris son travail et s’est prise au jeu dès ses cinq ans. C’est une vraie jument de concours avec toutes les qualités que l’on attend, même si cela était difficile de dire jusqu’où elle pourrait aller”, détaille le Normand, avouant apprécier les jeunes chevaux qui laissent transparaître ces qualités. “Son énergie débordante pouvait être un petit souci à cet âge-là. Il fallait réussir à la canaliser et faire attention à ne pas mettre trop de jambes, ou de main, car elle était plus sensible que d’autres. Ensuite, quand ce genre de chevaux sont plus âgés, avec du métier, c’est un vrai plaisir car ils répondent rapidement aux demandes.”

Les débuts ne sont pas les plus simples pour Mélie et Alouette. Estimant ne pas avoir le niveau pour concourir sur 1,30m, l’amazone décide qu’il est préférable pour sa complice d’alors six ans d’évoluer d’abord sur 1,20m, en Cycle Classique Formation 3. “Cette année-là, je n’avais pas tout le contrôle. L’hiver, je suis donc partie chez Romain Dreyfus, qui la montait deux fois par semaine et me donnait des cours.” Une expérience plus que bénéfique pour le couple et son entente.

Une première consécration est arrivée en 2019, année où le duo est sacré champion de France des Cavalières. “Ce titre a été pour moi une vraie récompense pour tout le travail effectué avec Alouette, notre couple s’est beaucoup développé et nous avons aujourd’hui une relation magique, fusionnelle”, confie la cavalière, licenciée à Istres, dans les Bouches-du-Rhône. Cette année-là, toutes deux ont également pris la quatrième place du championnat de France Jeunes Cavaliers à Mâcon.

Ce même sentiment de satisfaction domine aujourd’hui après leur victoire dans une épreuve à 1,45m comptant pour le classement mondial. “Cela décuple mon envie de travailler”, confirme la jeune femme avec ténacité. 



“Elle ne me semble pas avoir atteint ses limites”, Mélie Gosa

Attachante, Alouette d’Éole montre depuis ses plus jeunes années beaucoup d’énergie et de caractère.

Attachante, Alouette d’Éole montre depuis ses plus jeunes années beaucoup d’énergie et de caractère.

© Collection privée

Alouette d’Éole se distingue par sa façon d’être singulière, obligeant sa pilote à trouver la meilleure façon de la faire évoluer au quotidien. “Il est vrai qu’elle n’est pas très motivée pour le travail à la maison, et je la sors donc beaucoup en extérieur. Nous avons la chance d’avoir un terrain de cross où je peux l’amener se défouler tout en travaillant son cardio. Je n’arrive d’ailleurs pas à enchaîner des cavalettis! Avant le CSI 2* de Nancy, j’ai voulu m’entraîner sur deux petits soubassements, mais elle avait tellement d’énergie qu’elle était incontrôlable!”

Un trop plein de sang qu’elle arrive désormais à canaliser en piste, où la Selle Français “se transforme en véritable lionne. Elle est extrêmement déterminée et n’a qu’une envie, c’est de gagner! Elle peut être sensible en piste, mais je la connais par cœur. C’est une guerrière, mais elle se donne énormément. Il ne faut donc pas trop se tromper non plus, car elle fera l’effort une fois mais pas deux.” Le duo comptabilise pour l’heure neuf victoires internationales, dont quatre engrangées cette saison, et pléthore de classements.

Celle que Mélie Gosa appelle “son poney”, notamment car Alouette fait preuve d’adaptabilité et ne serait pas perturbée si ses habitudes venaient à être modifiées, aime être au centre de l’attention. “Elle est très jalouse, et elle râle dès que je m’occupe d’un autre cheval. À la maison, elle a bien compris qu’elle est la princesse. Je l’ai un peu éduqué comme cela aussi!”, rigole l’amazone. Si elle vit en box, son programme comprend des moments au paddock. “Certains jours, elle y reste quatre heures, alors que parfois, au bout de dix minutes, elle va gratter pour rentrer”, précise cependant la Sudiste, qui prouve une fois encore le caractère affirmé de sa jument.  

Les bons résultats obtenus ces dernières semaines ont donné envie à la cavalière de concourir à nouveau en CSI 3*. “Je vais appeler Thierry Pomel pour savoir où je pourrais aller. Chez nous, dans le Sud, il fait très chaud l’été, donc je vais essayer de faire une tournée dans le Nord ou en Belgique. D’ailleurs, Alouette ne supporte pas la chaleur! Je ne la couvre pratiquement jamais. À Nancy, où le temps était humide et il faisait parfois 4°C la nuit, tous les chevaux avaient de grosses couvertures, alors qu’elle était juste en chemise et avait déjà chaud. Elle était tondue en plus. Mes voisins hallucinaient!”, s’amuse-t-elle.

La suite de la carrière sportive d’Alouette s’effectuera aux côtés de Mélie. “L’objectif est d’aller le plus loin possible en préservant son moral et en respectant ses capacités. Aujourd’hui, je ne sais pas jusqu’où elle pourra aller, mais elle ne me semble pas avoir atteint ses limites. J’aimerais ensuite avoir quelques poulains pour perpétuer l’aventure.” La talentueuse grise a attiré à plusieurs reprises les convoitises, mais personne n’a réussi à convaincre sa pilote de la laisser partir. “Je pense qu’aujourd’hui, beaucoup de gens savent qu’elle n’est pas à vendre. J’ai refusé pas mal de propositions ; j’ai arrêté de les compter il y a un moment! J’ai encore reçu un message à Nancy, mais non, je la garde”, assène-t-elle.

Associées depuis plusieurs années, Mélie Gosa et Alouette d’Éole ont progressivement gravi tous les échelons, et le couple devrait continuer à faire parler de lui. “Quand on me dit que j’ai du mérite de l’avoir formée, je réponds que ce n’est pas que moi, car Stéphane Dufour lui a donné toutes les bases. Pour moi, c’est le plus important. Nous partageons ce mérite”, témoigne l’Istréenne, rendant hommage “au très bon travail” effectué par l’illustre formateur.

“Je suis leurs résultats, notamment via Facebook. Cela nous arrive aussi de temps en temps de nous appeler”, détaille le Normand. “Cela fait un moment que le couple fonctionne bien, ce qui est plaisant. Voir performer cette jument, qui a rejoint sa propriétaire à six ans et qu’elle a fini de former, c’est une belle histoire.”

Ci-dessous le barrage victorieux de Mélie Gosa et Alouette d’Éole le 7 mai dernier au CSI 2* de Nancy