“Former des jeunes chevaux me permet de m'épanouir”, Claire Fontanel

Championne de France Pro 1 en 2019 aux rênes de Vol de Nuit Batilly, Claire Fontanel a disputé à Bourg-en-Bresse son premier CSI 4*. Passée durant trois ans et demi par l’École nationale d’équitation (ENE) de Saumur, la cavalière âgée de vingt-sept ans revient pour GRANDPRIX sur sa rencontre avec les chevaux, mais aussi sur ses années de formation dans le Maine-et-Loire. Elle évoque également l’avenir du haras KRF, la structure construite par ses parents et dans laquelle elle est installée.



Votre famille n’est pas issue du monde du cheval. Comment avez-vous commencé à pratiquer l’équitation et qu’est-ce qui vous a attiré dans ce sport ?

J’ai une grande sœur qui a quatre ans de plus que moi et qui a commencé l’équitation à dix ans. J’en avais alors six et j’ai fait des pieds et des mains pour commencer moi aussi. J’ai donc d’abord débuté au poney-club de la Manade, à Chasselay, puis nous avions envie de faire un petit peu de compétition donc nous sommes parties à Dardilly, au centre équestre du Tournebride, quand j’avais à peu près dix ans. Là, j’ai concouru un peu en Poneys, mais pas à haut niveau. Je pense que c’est d’abord l’animal qui m’a attirée, car j’ai toujours eu un bon feeling avec les chevaux. Je me rappelle que j’avais souvent des poneys préférés et on me donnait régulièrement ceux qui étaient un peu sensibles, un peu délicats, car j’ai un caractère assez affirmé. Je passais tout mon temps libre au centre équestre, d’abord les mercredis et les samedis, et puis après j’ai eu la chance que l’on me confie un petit poney donc j’allais m’en occuper cinq jours sur sept.

Avez-vous toujours souhaité devenir cavalière professionnelle ?

Je pense que je le souhaitais peut-être au fond de moi, mais je n’en avais pas le droit, car mes parents pensaient comme beaucoup de personnes que ce n’était pas un vrai métier. J’ai toujours été bonne à l’école et ai obtenu mon Bac S, avec mention Bien (rires). Ensuite, je voulais faire du droit parce qu’étant assez autonome dans mon travail, cela m’aurait permis de faire des études tout en continuant à monter à cheval en parallèle. Et puis finalement, l’année de ma Terminale, ma mère a trouvé un fascicule sur l’École nationale d’équitation (ENE) de Saumur, qui proposait une sorte de sport-études post-bac. J’ai donc envoyé mon dossier et ai été retenue pour les tests pratiques en mai ou juin, que j’ai également réussis alors que je ne pensais pas du tout avoir le niveau nécessaire. J’ai donc changé tous mes plans pour partir à Saumur à dix-huit ans pendant trois ans et demi, juste après mon année de Terminale. C’est à ce moment-là que je me suis dit que je pourrais peut-être faire de l’équitation mon métier, mais dans ma tête, je savais que je devais d’abord faire mes études. C’est aussi à cette période que mes parents ont construit la structure où je suis installée aujourd’hui, le haras KRF à Dommartin.

En quoi consistent les études que vous avez suivies à Saumur ?

Ce cursus porte le nom de formation initiale. Nous sommes à l’Université d’Angers, mais sur le site de Saumur, pour faire une licence de gestion et de management. En parallèle, nous sommes à l’ENE pour monter à cheval dans les trois disciplines olympiques ainsi que passer le BPJEPS, le dipôme d’entraîneur qui est le DEJEPS et celui d’instructeur nommé DESJEPS. Pendant ma formation à Saumur, j’ai pu faire beaucoup de stages, ce qui était très chouette. Je suis notamment partie chez le dresseur allemand Hubertus Schmidt (qui fait à l’heure actuelle partie du cadre olympique de la fédération allemande avec Escolar, ndlr) et en Suisse chez la famille Sottas. Je suis également un peu allée chez Guillaume Blin-Lebreton, en Normandie, ainsi que dans les écuries de Maikel van der Vleuten durant trois semaines. Après mes études, je suis assez rapidement rentrée chez moi. Même si j’ai adoré ma formation, je trouve qu’elle ne prépare pas tout à fait à la réalité du terrain. La finalité du cursus est de faire de nous des techniciens et des pédagogues capables de transmettre leur savoir. Nous avons également pu perfectionner nos connaissances dans le domaine des soins aux chevaux, par exemple, et apprendre d’autres choses qui m’ont permis de savoir réagir vite en cas de problème, mais ce qui m’a un peu manqué en sortant de Saumur, c’était le feeling en compétition. J’ai mis quelques années à reprendre le rythme et la niaque nécessaires en concours !



“J’essaye de faire un mix en dressant beaucoup mes chevaux tout en leur laissant quand même de la liberté”

Durant vos différents stages à l’étranger, avez-vous pu observer de réelles différences entre le système français et ceux des pays situés plus au Nord de l’Europe ?

Oui, dans les pays un peu plus nordiques, une attention plus importante est portée au dressage des jeunes chevaux. Certains disent que les cavaliers de ces pays sont peut-être trop durs avec leurs montures inexpérimentées, d’autre que cela leur permet d’apprendre à bien faire dès le début de leur formation. Il y a des avantages et des inconvénients à tous les systèmes. J’essaye personnellement de faire un mix en dressant beaucoup mes chevaux tout en leur laissant quand même de la liberté car j’aime bien qu’ils puissent s’exprimer et je suis donc un peu moins stricte sur leur dressage que les cavaliers allemands, par exemple. Je pense que le type de chevaux qui est élevé en Allemagne influe aussi sur leur façon de les monter. Dans notre élevage, nous essayons toujours de remettre un peu de sang français dans nos croisements lorsque l’on a des chevaux cent pour cent allemands, parce qu’ils ont vraiment besoin d’être extrêmement cadrés.

Dès l’âge de seize ans, vous avez commencé à monter des jeunes chevaux dans les compétitions qui leur sont dédiées. Leur formation vous a-t-elle toujours passionnée ?

Je pense que c’était assez évident pour moi car nous avons toujours acheté des jeunes chevaux. Nous avons acquis notre première jument, Waldfee von Watzmann (HAN, Wessex x Whisky I), en Allemagne quand elle avait quatre ou cinq ans. Cela a donc toujours été logique pour nous, surtout d’un point de vue financier, d’acquérir de jeunes montures et de les former nous-mêmes. J’ai acheté la première jument avec laquelle j’ai concouru sur le circuit jeunes chevaux, Ryale de Farjonnière (SF, Damiro B x Highlanders xx), à l’âge de trois ans. Elle a participé au  Cycle Libre de la SHF à quatre, cinq et six ans, âge auquel elle a remporté la petite finale du circuit à Fontainebleau. Je l’ai emmenée à Saumur et elle a disputé des épreuves jusqu’à 1,40m avec moi, donc c’est vraiment une belle histoire. Au final, je n’ai pas eu d’autre choix que de former moi-même des chevaux au début de ma carrière, mais j’aime tellement pouvoir tout faire à ma manière que je continue à fonctionner de cette façon. Je sais aussi m’adapter, et monter un cheval au pied levé, mais les former est ce qui me permet de m’épanouir dans mon travail.

Ce week-end (entretien réalisé samedi 22 mai), vous avez justement amené Elektra des Prémices (SF, Kannan x Carthago) au Jumping International de Bourg-en-Bresse. Êtes-vous contente de l’évolution de cette jument de sept ans, que vous montez depuis ses débuts en compétition ?

Cette jument appartient à un des premiers propriétaires qui m’a fait confiance quand j’ai commencé à m’installer. Elektra est une très bonne jument, dont la mère est la propre sœur de Mylord Carthago. Elle est arrivée dans mes écuries à quatre ans, et j’ai pris le temps de la former. À cinq ans, elle était un peu tardive et n’avait pas un très bon style mais elle a commencé à faire de bonnes choses l’année suivante. Et maintenant à sept ans, elle a obtenu trois classements dans le Top cinq en trois Grands Prix Top 7 disputés avant ce week-end. Son parcours à huit points aujourd’hui (dans le Grand Prix des chevaux de sept ans du CSIYH de Bourg-en-Bresse, ndlr) n’enlève rien à sa qualité ! Je suis donc assez contente de son évolution, d’autant que beaucoup de gens viennent me dire qu’elle est vraiment super !

Dans les trois Grands Prix Top 7 qu'elle a disputés, Elektra des Prémices s'est classée dans le Top cinq.

Dans les trois Grands Prix Top 7 qu'elle a disputés, Elektra des Prémices s'est classée dans le Top cinq.

© PSV



“Cette année n'a vraiment pas été chouette”

Pouvez-vous nous parler de Vol de Nuit Batilly (SF, L’Arc de Triomphe x Cabdula du Tillard), qui vous a offert le titre de championne de France Pro 1 en 2019 et a pris part ce week-end aux trois premières épreuves majeures du CSI 4* ?

Ma mère a acheté Vol de Nuit Batilly à l’âge de trois ans. Elle est allée à l’élevage de Batilly cette année-là pour acheter une jument, je crois, et pas du tout un étalon. Finalement, elle est repartie avec Vol de Nuit car elle a eu un véritable coup de foudre pour lui ! À l’époque, je faisais mes études, donc c’est David Astorgely qui l’a monté à cinq et six ans (Mathieu Cassier a quant à lui formé le Selle Français lors qu’il avait quatre ans, ndlr). Ils ont obtenu de bons résultats ensemble puisqu’ils sont allés aux championnats du monde des jeunes chevaux à Lanaken lorsque Vol de Nuit avait cinq ans. Après, il a fait un petit tour chez Simon Delestre, car on pensait qu’il pourrait le présenter sur la scène internationale à sept ans, mais finalement, cela ne s’est pas fait donc on l’a récupéré en avril ou mai de son année de sept ans, époque à laquelle j’ai commencé à le monter. Il a eu quelques résultats cette année-là, mais il me promenait sur les parcours, ce n’était pas très cadré. À huit ans, quand il sautait des épreuves à1,40m, je me rappelle avoir dit à plusieurs reprises à ma maman que je ne pourrais jamais sauter plus haut avec lui, car il ne m’écoutait pas ! Il a cependant ensuite vraiment passé un cap, ce qui nous a permis de terminer troisième du championnat de France des cavalières en 2018, puis de remporter le championnat de France Pro 1 l’année suivante, alors qu’il avait dix ans. Maintenant, nous sommes très à l’aise dans les épreuves à 1,50m et j’espère pouvoir commencer à disputer quelques compétitions à 1,55m avec lui. Ce week-end, nous participions à notre premier CSI 4* et je pense que nous n’avons pas été ridicules (le couple a signé des parcours à quatre et huit points dans les deux épreuves qualificatives pour le Grand Prix CSI 4*, ndlr).

Vous dirigez désormais le haras KRF avec votre maman. Quelles sont les différentes activités que vous pratiquez au sein de cette structure ?

Tout est parti à la base d’un élevage. À partir de cela, nous avons créé une écurie de valorisation des jeunes chevaux, que nous commençons à commercialiser. Nous ne sommes au départ pas une écurie de commerce, mais j’essaye de vendre les chevaux une fois qu’ils ont pris de la valeur. J’ai également des personnes qui mettent leurs chevaux en pension au haras et prennent des cours avec moi ou mes employés, et j’ai aussi de plus en plus de propriétaires qui me confient des montures pour les valoriser. J’aimerais d’ailleurs développer cela et diminuer un peu l’élevage, qui prend beaucoup de temps, pour pouvoir sélectionner un peu plus mes chevaux, en les achetant à trois ou quatre ans et en comptant sur des propriétaires qui m’en confient pour la valorisation ou pour viser le haut niveau. Mon conjoint, Adrien Berne, est également installé au haras mais il pratique le dressage. C’est un point positif car cela permet de résoudre pas mal de problème en travaillant avec lui. Les clients peuvent également profiter de son expertise et puis cela permet de ne pas être toute seule dans cette grande structure. 

La pandémie de Covid-19 vous a-t-elle fortement impactée ?

Franchement, oui, 2020 n'a vraiment pas été chouette. Nous avons la chance que les revenus liés aux pensions soient restés les mêmes, mais nous avons par contre eu plus de travail car les propriétaires ne pouvaient pas venir durant le premier confinement. Cela a été dur pour le moral, car dans notre fonctionnement habituel, nous ne nous occupons pas des chevaux de propriétaires le week-end, et puis leur programme varie en fonction de leurs sorties en concours, par exemple. Là, sans concours ni propriétaires, c’était tous les jours la même chose, ce qui n’était pas évident. De plus, après le deuxième confinement, le commerce était vraiment très limité. Autant les professionnels ont continué à acheter des chevaux durant le premier confinement, sans doute car ils ne savaient pas combien de temps cela allait durer, autant durant la deuxième partie de l’année 2020, nous n’avons pas eu de ventes. Les gens étaient également moins nombreux à financer des cours d’équitation, que cela soit pour eux ou pour leurs enfants.