“J’ai eu le sentiment que c’était le moment, que cette épreuve était pour moi”, Olivier Robert

Samedi, une semaine avant de souffler sa quarante-cinquième bougie, Olivier Robert a remporté pour la première fois de sa carrière un Grand Prix CSI 5*. Au terme d’une épreuve particulièrement relevée, il a vaincu son seul adversaire au barrage, l’Écossais Scott Brash sur Hello Jefferson. À l’occasion du Longines Global Champions Tour de Madrid, le Girondin a connu la grâce juché sur Vivaldi des Meneaux, qu’il avait déjà encensé après sa deuxième place dans le Grand Prix CHI de Doha, début mars. Le hongre de douze ans, propriété de sa naisseuse Valérie Cougouille, a permis à Olivier Robert d’écrire la plus belle ligne de son palmarès, qu’il espère prochainement compléter avec des succès en Coupes des nations. L’enthousiaste quadragénaire a profité de ce débriefing pour annoncer à GRANDPRIX la retraite sportive de l’impressionnant et bondissant Tempo de Paban. Âgé de quatorze ans, l’Anglo-Arabe qui s’était très gravement blessé fin 2019 coule désormais des jours heureux auprès d’une jument qu’il connaît bien.  



Vivaldi des Meneaux a offert au Girondin le plus beau résultat de sa carrière de cavalier.

Vivaldi des Meneaux a offert au Girondin le plus beau résultat de sa carrière de cavalier.

© LGCT

Certains retours de concours sont plus difficiles que d’autres. Le trajet Madrid-Pompignac a dû être plutôt heureux… 

Je dois dire que ce week-end était pas mal… (rires) Cette fois, le retour de concours n’est en effet pas le même que d’habitude ! Je suis finalement rentré en camion avec Valérie (Cougouille, la naisseuse et propriétaire de Vivaldi des Meneaux, ndlr), et bien que nous soyons arrivés à trois heures du matin, le trajet nous a paru très court. Nous avions plein de choses à nous dire. Je me sens tellement soulagé. Je n’avais jusqu’alors jamais gagné un Grand Prix CSI 5*, mais ça y est, c’est fait. Je vais avoir quarante-cinq ans cette semaine et j’ai réussi à remporter une épreuve de ce niveau. C’est vraiment chouette ! 

Comment s’est déroulée l’épreuve, du parcours initial jusqu’au franchissement de la ligne d’arrivée ?

L’après-midi a été longue, car dans ce profil d’épreuve, il y a d’abord un premier parcours qualificatif composé de quatorze obstacles. Il s’agissait d’une épreuve très haute à 1,55m, qui a fait des dégâts, mais Vivaldi a bien répondu présent. J’avais à cœur de me qualifier pour le Grand Prix, car vingt cavaliers passaient à la trappe, ce qui est beaucoup. Vivaldi a bien répondu présent et était en très grande forme. Depuis début mars, il n’avait couru que deux parcours dans un national à côté de chez moi, à Barbaste. Il a eu deux mois d’arrêt après sa deuxième place à Doha, afin qu’il puisse se reposer comme cela était initialement prévu. Trois semaines après le national, il a très bien entamé le concours vendredi à Madrid, avant de me donner un sentiment formidable dans l’épreuve qualificative le lendemain. Déjà au paddock, il était respectueux et bien en équilibre. Lorsque nous avons fait la reconnaissance du Grand Prix, nous nous sommes dits que cela était peut-être exagéré. Le triple était placé en numéro treize et il y avait au total dix-huit sauts. Cela était assez long et violent. La dernière ligne a fait beaucoup de dégâts, comme cela était prévisible avec ce triple. Au fur et à mesure du parcours, Vivaldi a été de mieux en mieux. Il a été magique, à l’image de ce qu’il a déjà fait à Doha. Lors du barrage, j’ai pu voir juste avant moi le barrage de Scott, qui semblait rapide. Le résultat de Doha m’a mis en confiance, et cette fois, j’avais vraiment l’impression que la victoire était possible. Savoir que je peux gagner un barrage lorsque j’entre en piste est un sentiment que je n’avais plus connu depuis Inca de l’Oasis (disparu en 2007, il avait évolué sous la selle de l’Aquitain avant de rejoindre l’Américain McLain Ward, puis le Brésilien Rodrigo Pessoa, ndlr). J’ai eu le sentiment que c’était le moment, que cette épreuve était pour moi. J’ai bien ressenti ce sixième sens. Le barrage s’est passé comme je le voulais. J’ai pris un risque important sur le demi-tour pour aborder l’avant-dernier obstacle. C’est là que Scott pense avoir perdu du temps. Cela fait tellement plaisir de gagner dans ce stade équestre, particulièrement devant du public. C’était vraiment une belle après-midi pour moi, un sommet !

Que s’est-il passé dans votre esprit lorsque vous avez franchi la ligne d’arrivée ? 

Cette fois, je ne me suis pas relevé avant de franchir la ligne d’arrivée, car si j’ai perdu à Doha, c’est de ma faute. Lorsque j’ai vu sur le tableau d’affichage que j’avais un peu plus de deux secondes d’avance, j’ai ressenti un grand soulagement. J’ai eu énormément d’opportunités et de sélections depuis que j’ai croisé Quenelle (du Py, retraitée depuis février 2019, ndlr). Je n’ai vraiment pas à me plaindre lorsque je regarde le nombre de CSI 5* auxquels j’ai pu participer. C’est une chance d’avoir pu en faire autant. Le fait d’intégrer une équipe de la Global Champions League m’a aussi permis d’aller à Doha et Madrid, ainsi que d’avoir le choix de faire certains concours. Cela est fantastique. J’avais déjà obtenu de belles deuxièmes places, mais gagner, ce n’est pas pareil. 



“Tempo coule désormais des jours heureux avec Quenelle”

Ici au premier plan, Tempo de Paban coule désormais des jours heureux avec son ancienne voisine d'écurie, Quenelle du Py.

Ici au premier plan, Tempo de Paban coule désormais des jours heureux avec son ancienne voisine d'écurie, Quenelle du Py.

© Collection privée

Sur quels objectifs vous focalisez-vous désormais ? 

Je vais certainement avoir un peu plus d’opportunités vis-à-vis de l’équipe de France car le premier projet est toujours de prendre part à des Coupes des nations. Je devais être sélectionné pour enfin prendre part à une Coupe des nations à Saint-Gall, mais la France n’y présente finalement plus d’équipe. C’est malheureusement encore raté. Dommage, mais ce n’est que partie remise car il est inenvisageable que Vivaldi n’en fasse pas une Coupe des nations un jour. Comme je disais à Thierry (Pomel, le sélectionneur de l’équipe de France, ndlr) hier, même si financièrement cela est moins intéressant, j’échangerais bien une victoire à Madrid contre une victoire dans une belle Coupe des nations de première ligue ou à Aix-la-Chapelle. Ces épreuves par équipes, c’est le graal ! 

Comment se porte Tempo de Paban, qui n’a plus concouru depuis janvier ? 

Je vous annonce que Tempo est officiellement retraité, la décision est prise. Il coule désormais des jours heureux avec Quenelle. Jusqu’à cet hiver, il a concouru avec mon cavalier, Théo Guyonnet, et moi. Nous faisions régulièrement des contrôles vétérinaires, mais en étant réalistes, nous sommes proches d’un deuxième tracas (victime d’une rupture d’un tendon à la réception d’un saut lors de l’échauffement du CSI 5* de Prague, en décembre 2019, l’alezan avait miraculeusement pu retrouver la compétition un an plus tard, ndlr). Nous avons donc décidé de ne pas aller plus loin afin que l’épisode de Prague ne se reproduise pas. Pour rappel, le cheval avait dû être sorti de piste en ambulance. C’était assez égoïste de ma part de tenter de le faire revenir, mais il était tellement hors du commun… Aujourd’hui il va bien et vit en prairie avec Quenelle. C’est très bien ainsi. Le fait que je dispose de supers chevaux en parallèle nous a peut-être permis de prendre cette décision plus rapidement. Cela m’aurait tellement fait plaisir de concourir encore avec lui, mais sa place n’était pas dans des épreuves à 1,45m ou 1,50m. Je préfère donc aller plus loin avec les autres chevaux que j’ai et ne pas prendre de risque inconsidéré. Nous avions une épée de Damoclès trop présente au-dessus de la tête, une nouvelle rupture aurait été une catastrophe.

Vous l’aviez dit par le passé, il n’était pas question qu’il reprenne le sport sans avoir pour objectif qu’il retrouve son niveau d’antan… 

Exactement. Je le dis souvent en riant, mais il est trop casse-pied à travailler au quotidien pour qu’il ne prenne part qu’à des épreuves à 1,50m ! (rires) Soit il était de nouveau capable de prendre part à des Coupes du monde, ce qui était son sport favori, soit cela ne valait pas la peine. Nous nous sommes posé la question pour Théo, que je considère comme mon fils, mais cela aurait été une catastrophe qu’il vive la même chose que moi à Prague. 

Quels moments gardez-vous en mémoire avec ce cheval d’exception ?  

J’ai obtenu des classements dans des Grands Prix de rêve et je garde des souvenirs formidables. Je croyais vraiment avoir une chance pour les championnats d’Europe il y a deux ans (à Rotterdam, où la France a décroché sa qualification olympique, ndlr). Il avait signé un double zéro dans la Coupe des nations de Sopot. J’ai connu des bonheurs immenses, comme des périodes très difficiles avec Tempo. Je ne retiens que les grands souvenirs, car il s’agit d’un cheval hors du commun. Dès que je faisais une reconnaissance, aucun parcours ne me paraissait trop gros pour lui. Je ne m’inquiétais jamais de la largeur des oxers. J’avais davantage de difficultés à le verticaliser. Je n’ai d’ailleurs jamais gagné d’épreuve avec lui car il était trop difficile d’aller en avant. Mais que c’était bon d’avoir l’impression que les parcours de Coupe du monde étaient simples grâce à ce cheval !