L’écurie active peut-elle se conjuguer avec la compétition?
Le concept d’écurie active séduit de plus en plus de propriétaires d’équidés. Cavaliers de loisir ou détenteurs de chevaux à la retraite, ils sont nombreux à privilégier la vie en troupeau pour leurs compagnons. Mais qu’en est-il des compétiteurs? Ces structures sont-elles adaptées à des athlètes? À en croire les quelques adeptes interrogés, tous mordus de compétition, il semblerait que cette forme de retour au naturel soit parfaitement conciliable avec le sport. Mieux encore, tous évoquent un réel gain en termes de bien-être, qui se traduit dans leurs performances.
“À leur arrivée, les chevaux se montrent rapidement moins stressés et bien plus disponibles au travail”
Les écuries actives constituent un mode d’hébergement d’équidés en groupe, au sein d’une vaste structure délimitée en différentes zones, chacune étant destinée à une activité particulière. Les chevaux se déplacent ainsi au gré de leurs envies mais surtout de leurs besoins entre zones de repos, de fourrage, de grains, d’eau, ou encore de roulage et de jeu. Ils retrouvent par ce biais une réelle autonomie, tout en renouant avec la vie en troupeau. Depuis quelques années maintenant, ce type d’hébergement se développe en Allemagne, mais également en France, où les structures de ce type se créent petit à petit.
Cavalière de dressage établie dans le pays d’Auge, Magali Senaux monte des chevaux stationnés dans différentes écuries. Elle concourt notamment avec un cheval Selle Français hébergé dans une écurie active. Un mode de vie qui la séduit. “Selon moi, c’est un excellent compromis entre le box et le pré. En effet, tous les besoins des chevaux sont satisfaits par cette formule: locomotion, alimentation, liberté, etc. J’ai pu le constater. À leur arrivée dans une écurie active, les chevaux se montrent rapidement moins stressés et bien plus disponibles au travail. En revanche, je suis bien consciente que tous les chevaux ne peuvent pas nécessairement vivre ainsi. Je pense notamment à ceux destinés au commerce, qu’on peut difficilement intégrer à un troupeau de façon ponctuelle, celui-ci nécessitant une certaine stabilité. Il peut aussi être difficile pour des chevaux habitués à vivre dans un box de se réapproprier les codes sociaux nécessaires à la vie en communauté, mais ce n’est pas une fatalité! De façon générale, je pense que ce système est adapté et profitable à tous les chevaux, y compris les compétiteurs.”
“L’écurie active a été une vraie révélation pour la cavalière de compétition que je suis”
Fanny Bihr, cavalière amateure de la région deauvillaise, et propriétaire de plusieurs chevaux vivant dans une écurie active, partage le même avis. “J’ai fait ce choix depuis une dizaine d’années. Cela concerne mes chevaux à la retraite, mais j’y héberge également celui avec lequel je concours, ainsi que celui de ma fille. Auparavant, tous étaient logés dans des écuries classiques, un mode de vie au sujet duquel j’ai commencé à m’interroger en raison des problèmes que je rencontrais avec une jument. Elle manifestait des tics et soucis comportementaux que je ne parvenais pas à expliquer, malgré des recherches poussées. J’ai donc essayé l’écurie active, et ce changement a sonné comme une vraie révélation. Depuis qu’elle vit ainsi, ma jument ne tique absolument plus, et ses réactions ont totalement disparu. Elle est devenue bien plus sereine. J’avais quelques réserves quant à ce mode d’hébergement, surtout du fait de mon goût pour la compétition. Je voulais que mes chevaux puissent vivre dehors, mais pas dans une écurie de balade. Je souhaitais impérativement rester dans un contexte de compétition, et pouvoir profiter d’un bon enseignement. Finalement, non seulement les deux se sont avérés conciliables, mais je suis aussi convaincue que ce mode de vie améliore mes performances en concours. Mes chevaux étant bien mieux dans leur corps et dans leur tête, ils réussissent de meilleurs parcours. En extérieur, ce sont souvent les seuls à ne pas bouger lorsque quelque chose effraie les autres! En plus d’être cavalière depuis de nombreuses années, je travaille dans le domaine des assurances spécialisées pour les acteurs de la filière équine. Je suis donc très au fait de la gestion des risques. Aussi, je peux dire que, bien gérées, les écuries actives n’en présentent pas davantage que les conventionnelles! Il y a bien sûr des risques relatifs à la vie en troupeau, mais on ne parle pas assez des désagréments liés l’hébergement en écurie, notamment du point de vue de la santé des chevaux. Je reste néanmoins consciente des limites de ce système, et suis convaincue de l’importance du travail à accomplir en amont et d’une gestion rigoureuse de ces infrastructures. Il faut aussi garder à l’esprit que tous les chevaux sont interdépendants, d’où un réel besoin d’harmonie entre eux, mais aussi entre les propriétaires, qui doivent jouer le jeu et de se conformer aux règles du groupe.”
“J’ai soudainement remis en cause ce que j’avais intégré depuis toute petite”
Cavalière professionnelle et instructrice de dressage installée elle aussi dans le pays d’Auge, Perrine Carlier dirige également une écurie de propriétaires, dont une partie se destine à la compétition. Pour elle, l’heure de la transition a sonné. “Jusqu’à l’an dernier, mes chevaux étaient hébergés de façon très classique, dans des boxes, et sortaient quotidiennement dans des paddocks individuels. L’intervention du label EquuRes m’a fait repenser tout cela. J’ai obtenu d’excellents résultats pour les différents éléments pris en compte, mais j’ai été extrêmement déçue et surprise par la note qui m’a été attribuée concernant le bien-être de mes chevaux. Celle-ci avait été abaissée par manque d’interactions. Cela m’a véritablement troublée et beaucoup fait réfléchir, me conduisant à échanger avec des promoteurs du concept d’écurie active, lesquels ont fini de me convaincre quant à la nécessité de changer les choses. C’est alors devenu une évidence. Même si le bien-être de mes chevaux a toujours été fondamental pour moi, je n’avais jamais vraiment songé à les rassembler à l’extérieur, et encore moins à les laisser vivre jour et nuit en troupeau. De fait, j’ai soudainement remis en cause tout ce que j’avais intégré depuis toute petite. Auparavant, je n’avais vu que des chevaux vivant dans des boxes, donc c’était presque évident, surtout pour des équidés de sport. Passée cette prise de conscience, je dois admettre que le chemin à parcourir m’a semblé quelque peu vertigineux. Il fallait d’abord déferrer les chevaux, puis les placer dans des paddocks en petits groupes, avant que les installations ne soient prêtes pour accueillir le troupeau entier. Sans compter que rien ne pouvait changer sans l’accord des propriétaires. Finalement, tout est allé très vite, et tout le monde s’est montré extrêmement enthousiaste. Déferrer mon cheval de Grand Prix et le mettre au pré avec d’autres a été quelque peu déroutant, mais tous en ont très vite bénéficié. J’ai poursuivi mon cheminement, et plus j’en apprenais sur ce concept, plus j’étais séduite. Tout cela a commencé l’an passé, et les travaux débutent aujourd’hui! Je suis impatiente de voir le projet se concrétiser. J’ai eu peur au départ, mais je suis désormais confiante. En tant que cavaliers de concours, nous redoutons surtout les blessures, mais lorsqu’on rassemble des chevaux, une hiérarchie se crée très vite, et les vrais problèmes sont rares. Idem pour leur santé: être constamment en mouvement prévient de nombreux problèmes chez les équidés, notamment respiratoires. Mes chevaux se portent encore mieux aujourd’hui: ce sont des athlètes bien dans leur corps et leur tête! Le secret, que je compte continuer à appliquer, est de prendre le temps de bien les observer, l’enjeu étant bien sûr d’éviter de créer problèmes et tensions. Il faut savoir que les chevaux ayant longtemps vécu en écurie mettent un peu de temps à se réapproprier les codes de la vie en communauté. C’est donc un vrai cheminement, mais cela en vaut la peine!”