“Berlux correspond parfaitement à ce que l’on attend d’un cheval de championnats”, Simon Delestre

Le 2 juillet, la liste des couples sélectionnés pour aller disputer les épreuves de Jumping aux Jeux olympiques de Tokyo a été révélée. Si les noms de Pénélope Leprévost, Nicolas Delmotte et Matthieu Billot semblaient revenir régulièrement dans les pronostics, le suspens a duré jusqu’à la dernière minute quant au cavalier qui viendrait compléter l’équipe de Thierry Pomel. C’est finalement Simon Delestre, absent de l’équipe de France dans les grand championnats depuis 2016, qui a été choisi. Il s’agit de la troisième sélection olympique consécutive pour le Lorrain qui, après avoir défendu les couleurs de la France à Londres en 2012 avec Napoli du Ry, avait été contraint de déclarer forfait à Rio de Janeiro quatre ans plus tard à cause d’une blessure d’Hermès Ryan des Hayettes. Cette année, c’est aux côtés de Berlux Z, un hongre de dix ans, que le cavalier a été appelé pour tenter de défendre la médaille d’or décrochée par ses coéquipiers au Brésil.



Quel a été votre sentiment à l’annonce de votre sélection pour les Jeux olympiques de Tokyo? 

Je suis évidemment ravi d'être sélectionné pour les Jeux olympiques pour la troisième fois consécutive. Berlux a très bien sauté dans toutes les dernières épreuves auxquelles il a participé. Disons que l’année passée a été compliquée, car il n’a pas réellement pu suivre une saison classique pour un cheval de neuf ans en raison des perturbations liées à la pandémie de Covid-19. Nous avons repris sérieusement la compétition à Doha en février dernier, puis nous avons à nouveau été freinés par l'épizootie de rhinopneumonie quelques semaines plus tard. Cela a perturbé nos plans alors que nous essayions de suivre un programme adapté, mais ces derniers mois nous ont permis de faire les réglages nécessaires et au cheval de s'aguerrir. 

Votre saison avec Berlux Z était-elle construite autour de cette échéance ou avez-vous dû aménager votre programme au fur et à mesure ? 

Elle a été organisée autour de cet objectif, mais nous avons malheureusement dû nous adapter aux événements. J’ai avant tout veillé à respecter le programme que je pensais le plus adapté pour le cheval et j’ai tenté de construire sa progression en vue de cette échéance en attendant la décision de l’équipe fédérale.

Après la rêne cassée avec Napoli du Ry à Londres et la blessure d’Hermès Ryan des Hayettes à Rio de Janeiro, cette troisième sélection sera-t-elle celle de la revanche ? 

Je l’espère ! (Rires) Ce sont des chevaux et des contextes différents, mais il est vrai que j’ai manqué de chance lors de mes deux premières participations aux Jeux. Désormais, il faut laisser cela de côté et passer à autre chose.

Regrettez-vous le nouveau format qui impose trois cavaliers par équipe ? 

Oui, je pense que cet avis est unanime et que de manière générale, les cavaliers n’y étaient pas favorables. Le fait de ne plus pouvoir compter sur l’annulation du score le plus élevé s’annonce vraiment compliqué… Nous verrons bien ce que cela donnera, mais il y aura forcément des surprises pour certaines équipes.

Quid du fait que la compétition s’ouvrira par le championnat individuel avant de couronner les équipes ? 

C’est un format inédit, que nous n’avons jamais expérimenté. Cette édition nous permettra de le découvrir et nous aurons l’occasion de voir si cela fonctionne bien ou non. Peut-être sommes-nous simplement attachés à des habitudes et que nous n’aimons pas les voir changer...



“Ces derniers mois, j'ai eu le sentiment que Berlux avait acquis ce qui lui manquait en début de saison.”

© Sportfot

Dans une interview accordée à GRANDPRIX au mois de mars, vous vous disiez inquiet quant au manque de concours et à la difficulté de préparer les chevaux pour les grands rendez-vous à venir. Avez-vous aujourd'hui le sentiment que Berlux a acquis l’expérience et la forme physique nécessaire pour aller disputer des Jeux olympiques ? 

Pour un cheval comme Berlux, qui a aujourd’hui dix ans, les bouleversements dont cette saison a fait l’objet ne sont pas anodins. Pour d’autres, qui étaient déjà prêts avant que la crise du Covid-19 ne se déclare, je pense que les conséquences se font moins ressentir. Cela a davantage entravé la progression de chevaux plus jeunes et moins expérimentés, mais par chance, le fait que les concours aient pu reprendre dans de bonnes conditions nous a permis de nous préparer malgré tout. Ces derniers mois, j'ai eu le sentiment que Berlux avait acquis ce qui lui manquait en début de saison. J’ai également eu quelques réglages matériels à faire, et maintenant que nous avons trouvé ce qui lui convient, je pense qu’on ne touchera plus à rien. J’ai d’ailleurs eu de très bonnes sensations dans tous les derniers Grand Prix auxquels il a participé. Il a une très bonne tête, d’énormes moyens et correspond parfaitement à ce que l’on attend d’un cheval de championnats. Il est physiquement en forme et en pleine force de l’âge.

Berlux n’a pas participé à une Coupe des nations cette saison. Pourquoi ne pas l’avoir testé sur un tel format ? 

Honnêtement, tout est venu très vite. On ne peut pas concourir toutes les semaines sans interruption, nous sommes obligés de faire au mieux, tout en nous efforçant de préserver les chevaux. Je pense toutefois que cela n’aura pas d’incidence sur les performances qu’il est capable de fournir. J’ai personnellement participé à plusieurs Coupes des nations et championnats, ce sera donc à moi de faire la différence à ce niveau là.

Quelles sont vos ambitions pour ce championnat ? 

C’est toujours difficile à dire tant que l’on a pas pris connaissance des conditions, de la piste, ou même du tracé. L’objectif est toujours de sortir de piste sans-faute et je vais faire le maximum pour, c’est évident. L'envie de gagner reste forcément dans un coin de nos tête, mais il faut avant tout s'appliquer à monter du mieux que l’on peut, faire les meilleurs choix techniques le moment venu et quoi qu’il arrive, la loi du sport primera toujours.

Comment vous préparez-vous physiquement et mentalement ? 

Comme d’habitude, je suis régulièrement en concours, mais à côté de cela, je fais surtout du gainage et du renforcement musculaire pour me maintenir en forme. Je ne suis pas spécialement un adepte de la préparation mentale avec un coach. J’essaye simplement d’aborder cette échéance sans me mettre plus de pression qu’à l'approche de tout autre grand évènement. L’important est de rester concentré à cent pour cent et de ne pas se laisser déborder par le stress. Comme pour tous les autres championnats auxquels j’ai participé, je vais tenter de jouer ma partition et donner le meilleur de moi-même.



“J'ai trois chevaux de huit ans assez rares”

Simon Delestre fonde notamment de grands espoirs en Amelusina R 51, ici à l'Hubside Jumping de Grimaud.

Simon Delestre fonde notamment de grands espoirs en Amelusina R 51, ici à l'Hubside Jumping de Grimaud.

© Sportfot

Comment appréhendez-vous les conditions d’accueil assez strictes qui vous attendent au Japon ? Et la chaleur ? 

Je ne sais pas exactement à quoi nous devons nous attendre. J'espère que tout se déroulera bien, à commencer par le voyage des chevaux. Pour ce qui est de la chaleur, les chevaux y sont en général plus résistants que nous et ils souffriront certainement moins, même s’il est certain qu’ils auront un petit coup de mou en fin de championnat. En ce qui concerne les cavaliers, nous ne sommes pas non plus des coureurs de marathon et les efforts que nous auront à fournir seront brefs et donc supportables.

Comment se porte Hermès Ryan des Hayettes ? 

Très bien ! Il rentre tout juste de Monaco où il a signé une très belle performance dans l’épreuve qualificative pour le Grand Prix (le couple y a terminé huitième, ndlr). Dans le Grand Prix, il a commis une faute sur l’obstacles numéro un, ce qui lui arrive rarement. J’ai ensuite voulu jouer le chronomètre et gagner du temps, mais nous avons fait tomber une seconde barre. J’ai donc décidé de m’arrêter pour ne pas lui faire faire des sauts inutiles.

Que pensez-vous de l’évolution de Varennes du Breuil sous votre selle ? 

La dernière fois que je l’ai monté, c’était à Valkenswaard, aux Pays-Bas. Il a montré de bonnes choses, mais je pense qu’il faut encore un peu de temps avant que j’arrive à le comprendre parfaitement. J’ai l’impression qu’il faut toujours une demi-saison, voire une saison, pour permettre au couple cavalier-cheval de prendre ses marques. J’ai essayé de changer le moins possible le système auquel il était habitué, tout en l'intégrant progressivement au mien. En ce moment, je me concentre en priorité sur les Jeux, ce qui fait que je suis davantage focalisé sur les concours essentiels à Berlux. Lorsque ce sera passé, nous pourrons continuer de progresser à nouveau.

Quid de vos jeunes recrues ? 

J’ai Ermitage’s Boy qui, à sept ans, fait ses gammes tranquillement. Je n’ai pas pour habitude de faire concourir mes jeunes chevaux à outrance, surtout dans une année comme celle-ci, où il n’y a pas de réel enjeu. J’essaye surtout de bien les préparer pour l’année d’après. J’ai d’ailleurs trois chevaux de huit ans (Iniesta V, I Amelusina R 51 et Dexter Fontenis, ndlr) que je prépare depuis quelques temps et qui sont, à mon avis, des chevaux rares ayant le potentiel pour accéder au très haut niveau.

Que pensez-vous du retour de Filou Carlo Zimequest ? 

Filou a très bien repris. Il n’a dû louper qu’un seul parcours depuis son retour. Je suis très content de le voir revenir aussi vite. Parfois, on a du mal à juger combien de temps sera nécessaire, mais pour lui, cela a été extrêmement rapide.