“Le Coultre de Muze est arrivé au bon moment pour prendre la relève de Rahotep”, Philippe Rozier
Le 26 juin dernier, Rahotep de Toscane, le partenaire olympique de Philippe Rozier, médaillé d'or par équipes à Rio de Janeiro en 2016, a fait ses adieux aux public lors d'une cérémonie d'hommage organisée à l'occasion du CSI 5* de Paris Eiffel Jumping. Depuis le départ à la retraite de son gris, au mois d'avril, le cavalier Francilien s'emploie assidûment à former sa relève dans l'optique de retrouver un jour le sommet du sport. Rencontré il y a dix jours, lors des nouveaux Masters de Chantilly, il a parlé de ses deux atouts les plus prometteurs et évoqué son rôle au poste de sélectionneur de l'équipe monégasque, qu'il occupe depuis le début d'année.
Comment allez-vous et comment se sont déroulées les dernières semaines ?
Je vais très bien, même si j’ai beaucoup de travail en ce moment entre mes élèves et les concours. Avant de me rendre à Chantilly, j’ai été à l’Hubside Jumping de Grimaud et j’ai accompagné vingt-deux jeunes cavaliers monégasques dans l'étape du Global Champions Tour de Monaco. Après le Jumping de Dinard, du 15 au 18 juillet, je prendrai l’avion pour aller retrouver les jeunes Monégasques à Vilamoura, au Portugal, où ils disputeront leurs premiers championnats d’Europe. Je n’ai pas vraiment de temps mort, mais ce quotidien me plaît et c’est le plus important. Pouvoir faire ce que l’on aime est un luxe aujourd’hui.
Le Coultre de Muze (BWP, Presley Boy x Vigo d'Arsouilles), Night Light van’t Ruytershof (BWP, Gemini CL xx x For Pleasure) et Prestigio LS La Silla (OES, Presley Boy x Cash) m’ont accompagné à Chantilly. Le rôle de Prestigio est de protéger Le Coultre, qui prend part au Grand Prix (qu'il a conclu avec huit points de pénalité, ndlr), en participant aux épreuves à 1,50m et 1,55m le vendredi et le samedi. De son côté, Night Light, qui a huit ans, participe au CSI 1* pour gagner en expérience (le couple s'est classé deuxième du Grand Prix, ndlr).
Comptez-vous conserver Night Light van’t Ruytershof sous votre selle ?
Pour le moment, oui. La moitié du cheval m’appartient. Night Light et Le Coultre sont deux chevaux que je prépare pour le long terme.
Le Coultre de Muze a participé cette année à son premier Grand Prix en CSI 4*. Quelle a été votre impression ?
Il avait réalisé de très bonnes saisons sous ma selle à sept et huit ans, mais l’année de ses neuf ans, il s’est montré moins performant. Il sautait moins bien et se décalait souvent sur la droite, sans que nous sachions pourquoi. J’ai donc fait une année “à blanc” avec lui en 2020, ce qui nous a permis de trouver d'où venait le problème et de le résoudre. À la suite de cela, le cheval a gravi les échelons très rapidement. Je dis souvent que tant que l’on a pas sauté 1,50m, on ne peut pas vraiment connaître le potentiel d’un cheval. J’ai toujours pensé que Le Coultre était un très bon cheval et je ne suis pas le seul, mais pour en avoir la certitude, il faut qu’il fasse ses preuves à ce niveau.
Est-il le cheval sur lequel vous comptez en vue des Jeux olympiques de Paris ?
Oui, dans ma tête, c’est le projet. Night Light et lui sont deux chevaux destinés à évoluer à très haut niveau plus tard. Le Coultre est arrivé au bon moment pour prendre la relève de Rahotep lorsque celui-ci est parti à la retraite.
Rahotep de Toscane a fait ses adieux au public à l’occasion du Paris Eiffel Jumping, fin juin. Comment avez-vous vécu ce moment ?
C’était intense. Je trouve qu’il est important de rendre hommage à ces chevaux qui ont tellement donné. Rahotep a apporté énormément de joie, et pas seulement à moi. J’ai pu le constater lorsqu’il a contracté la rhinopneumonie et que nous avons failli le perdre cet hiver. J’ai été étonné du nombre de messages que j’ai reçus. Ce n’est pas un cheval comme un autre, il a marqué les gens et pour moi, il fait partie de la famille. Notre succès est également le fruit d’une belle histoire avec Christian Baillet, mon propriétaire. Nous travaillons ensemble depuis trente-cinq ans et avons acheté Rahotep quand il était jeune. Le fait qu’il ait évolué à mes côtés depuis le début, comme tous les chevaux avec lesquels j’ai participé à des Jeux olympiques, est une satisfaction supplémentaire.
Après avoir été sacré champion olympique par équipe à Rio de Janeiro en 2016, les Jeux représentent-ils toujours un objectif majeur à vos yeux ?
Ce n’est pas nécessairement un objectif, mais j’ai avant tout besoin d’adrénaline pour continuer. Pour le moment, je ne me vois pas arrêter. J’ai de bons chevaux, des propriétaires qui me suivent, je suis en bonne forme et tant que je n’aurai pas l’impression d’être ridicule sur la piste, je continuerai.
“Je n'aimerais pas être à la place des chefs d'équipes pour ces Jeux olympiques”
Après avoir été entraîneur et sélectionneur de l’équipe marocaine de 2012 à 2017, vous officiez désormais auprès de l’équipe monégasque. Vous épanouissez-vous dans ce rôle ?
Oui, cela me plait bien. Avec le Maroc, nous étions partis d'une feuille blanche et avons réussi à mener une équipe jusqu’aux championnats du monde. Notre système est très familial et mon père a également permis à Abdelkebir Ouaddar d’accéder au haut niveau. Après la médaille d’or décrochée à Rio, j’ai décidé d’arrêter par manque de temps, mais cette nouvelle opportunité s’est présentée récemment avec Monaco et j’ai voulu tenter l’aventure pour mettre mon expérience et mes connaissances au service des jeunes. Pour le moment, cette nation ne compte pas encore de cavalier Senior à haut niveau, mais cela pourrait changer dans les années à venir. C'est un nouveau challenge pour moi.
Aimeriez-vous vous retrouver un jour à la tête de l’équipe de France, comme l'a été votre père, Marcel Rozier ?
On me l’a déjà demandé quand Philippe Guerdat a quitté le poste (fin 2018, ndlr), mais honnêtement, je ne le sens pas. La raison à cela est tout simplement que je me sens trop ami avec les cavaliers de l’équipe de France pour être leur chef. Je pense que c’est un rôle très compliqué et plus j’y réfléchis, moins j’estime que c’est le mien. En revanche, m’occuper des équipes de France Jeunes pourrait davantage m’intéresser. Je me sentirais plus compétent auprès de jeunes cavaliers.
Quel regard avez-vous sur l’équipe de France composée par Thierry Pomel pour les Jeux olympiques de Tokyo ?
C’est compliqué… Les Jeux olympiques sont si ingrats que je serais aujourd’hui incapable d’établir un pronostic. Nous avons quatre bons couples qui n’ont jamais disputé de Coupe des nations ensemble, il est donc impossible de savoir si la cohésion de l’équipe sera au rendez-vous. Toutefois, il faut dire que leurs récents résultats individuels sont de très bon augure !
Que pensez-vous du nouveau format qui impose cette année trois couples par équipe et du fait que la compétition s'ouvrira sur le championnat individuel ?
Je trouve que commencer par l'individuel est une hérésie. Les chevaux risquent de perdre en fraîcheur pour la suite et ce sera très difficile pour les petites équipes. Ensuite, l’absence de drop score (l'annulation du moins bon des quatre scores de l'équipe permis par le format habituel, ndlr) dans le championnat par équipes ne laissera pas le droit à l’erreur. Il est également prévu qu'à l'issue de la première manche les scores soient remis à zéro pour ne pas compter dans la seconde. Personnellement, je suis contre ce format à deux-cent pour cent. Tout ce que j’espère, c’est que nous nous rendions compte qu’il ne fonctionne pas bien à l’issue de ces Jeux et que nous revenions au modèle d’avant pour ceux de Paris en 2024.
Vous intéressez-vous aux sélections olympiques dans les autres disciplines ?
Oui, je regarde un peu. Je me tiens également au courant de ce que font les autres nations et j’essaye de comprendre comment elles vont articuler les choses. En tout cas, je n’aimerais pas être à la place des chefs d’équipe pour ces Jeux olympiques. Avec seulement trois couples par équipes, les choix des sélectionneurs vont être vraiment déterminants.