“Sur le plan artistique, il y a eu les Libres de Dalera et Bella Rose, puis les autres”, Camille Judet-Chéret

Mercredi 28 juillet, Jessica von Bredow-Werndl a décroché son premier grand titre individuel en s’imposant dans la Reprise Libre en Musique des Jeux olympiques de Tokyo. Associée à TSF Dalera, l’Allemande a récolté 91,732% de la part des juges grâce à une somptueuse prestation sur la musique du film La La Land, porté par Ryan Gosling et Emma Stone en 2016. Comme à Rio de Janeiro il y a cinq ans, Isabell Werth a dû s’incliner, cette fois avec Bella Rose 2, qui concourait pour la toute dernière fois et qui a obtenu 89,657%. Associée au si précoce et prometteur Gio, âgé de dix ans, Charlotte Dujardin, qui remettait son titre en jeu a complété le trio de tête avec 88,543%. Cavalière internationale, instructrice et fidèle collaboratrice de GRANDPRIX, Camille Judet-Chéret analyse cette ultime épreuve après avoir décrypté le Grand Prix et le Spécial.



Impressions générales

Les cavaliers ont eu l’air à cran. C’est drôle, car entre les reprises, nous avons pu les cavaliers observer leurs concurrents. Nous avons notamment vu Jessica regarder sa coéquipière Isabell. Même si elle ne peut lui souhaiter que du bien, elle avait en même temps envie de la battre. En voyant son score, elle a fondu en larmes car elle savait que même s’il en restait deux, elle était championne olympique. Cela était vraiment émouvant, j’ai beaucoup aimé ces moments presque volés. Au fur et à mesure, nous sentions que nous nous rapprochions du podium. 

Dans cette finale, nous avons vu des chevaux de dix-sept ans comme Bella Rose 2, qui avait déjà tant donné et qui a réalisé une promenade de santé, mais aussi beaucoup de très jeunes chevaux de neuf et dix ans. Voir autant de chevaux si jeunes est exceptionnel et incroyable à ce niveau d’épreuve, particulièrement avec de tels scores (Gio et Heiline's Danciera ont dix ans contre neuf pour Glock’s Total US, ndlr). Gio n’a que dix ans mais vient déjà défier les deux meilleures juments du championnat. 



Une relève remarquable

J’ai trouvé Gio beaucoup mieux que dans le Spécial. Sa performance s’est plutôt rapprochée de celle du Grand Prix, lors duquel tout le monde s’est dit qu’il était vraiment très bon pour un si jeune âge et qu’il serait formidable dans le futur. Sa performance dans le spécial a été un peu décevante par rapport à la veille, et lors de la Libre nous l’avons retrouvé en excellente forme. 

Concernant la Kur de Total US et Edward Gal, celle-ci est relativement classique. J’ai vu sur les réseaux sociaux qu’il y avait déjà des guerres de gangs entre ceux qui considèrent qu’il s’agissait d’un bel hommage à Totilas et ceux qui pensent que cela était mettre trop de pression à ce jeune cheval. Je trouve que c’est assez incroyable de voir Edward aux Jeux olympiques avec le fils d’un cheval qui a tant marqué sa carrière. Bien sûr que cet étalon a beaucoup de pression car il est très difficile d’être à la hauteur de Totilas. Pour un cheval de neuf ans, il s’en est plutôt pas mal tiré. 



Dalera, Bella Rose, et les autres

Sur le plan artistique, il y a eu les Libres de Dalera et Bella Rose, puis les autres. Cela est très personnel mais je trouve la musique de La La Land absolument magique, personne ne s’en lasse, pourtant nous la connaissons par cœur. J’adore aussi la musique d’Isabell Werth, mais c’est à nouveau très subjectif. Comme Salinero et Anky van Grunsven à l’époque, de telles reprises donnent la chair de poule. Mon sentiment des deux jours précédents concernant la prestation d’Isabell Werth s’est confirmé : elle a mis beaucoup plus de puissance dans la Kur. Cela s’est notamment vu dans les appuyers, qui ont été dignes de Bella Rose. 

Tous les juges ont placé Dalera première alors que j’aurais imaginé certains mettre Bella Rose en tête. À ce niveau, les différences sont imperceptibles. Le fait que Jessica von Bredow-Werndl ait été en tête les deux premiers jours l’a sûrement un peu aidée (même si les scores n’ont pas compté pour cet ultime podium, ndlr)car il n’aurait pas été choquant qu’Isabell l’emporte. Même Jessica a été surprise, nous l’avons vu lorsque la caméra était pointée sur elle à la fin de la reprise d’Isabell. Elle a commencé par se décomposer car elle ne savait pas à quoi s’attendre. Mais il ne faut pas oublier que le dressage est une discipline jugée et qu’elle est entrée en piste en ayant été en tête des opérations la veille et deux jours plus tôt. 



Dorothee Schneider passe à côté, Sanceo en deçà

Malgré une excellente cinquième place, Sanceo s'est montré moins éclatant dans la Libre que lors des reprises qui ont précédé.

Malgré une excellente cinquième place, Sanceo s'est montré moins éclatant dans la Libre que lors des reprises qui ont précédé.

© Scoodyga

Lors de cet ultime test, Sanceo a perdu en puissance. C’est d’ailleurs étrange car il excelle en piaffer et passage, mais il n’y en a pas beaucoup dans sa reprise. Je trouve que le tracé n’a pas mis en valeur ses atouts. Au galop, il était bien moins brillant que les jours précédents, lors desquels je l’imaginais sur le podium de cette Kur. Nous connaissons aussi moins cette cavalière américaine Sabine Schut-Kery et avons moins de données sur son mental et sa résistance à la pression. Celle-ci et son cheval ont dû battre leur record personnel dans le Spécial pour décrocher une médaille d’argent par équipes historique. Ils en avaient peut-être donc un peu moins sous la pédale pour la Kur. À l’inverse, Charlotte Dujardin a construit sa reprise autour du point fort de son cheval ; je me rappelle moins de ses allongements au trot, plus communs, que de ses piaffers et pirouettes au galop vraiment mis en valeur par la chorégraphie. 

Je dois avouer m’être un peu ennuyée durant la reprise de Cathrine Dufour. Je n’ai pas ressenti la même émotion qu’avec la Kur de Cassidy (Atterupgaard’s Cassidy, le cheval avec lequel elle était notamment quatrième de la Libre aux Européens de Rotterdam, en 2019, ndlr), qui est splendide. Plus pour la Reprise Libre en Musique que pour le reste de la compétition, je trouve que le fait qu’il n’y ait pas eu de public s’est d’ailleurs ressenti. En regardant Cathrine Dufour, qui est passée à côté de deux médailles, je me suis demandée comment elle vivait cela. Bien sûr, il doit s’agir d’une déception car elle était tout près du podium deux fois. Mais si l’on met cela en perspective, son cheval n’a que onze ans et a couru très peu de Grands Prix (seulement douze au niveau international, ndlr). Cela dépend si l’on voit le verre à moitié vide ou à moitié plein. 

J’ai été très triste pour Dorothee (Schneider, finalement quinzième, ndlr), dont j’ai trouvé le début de reprise formidable. Ses appuyers étaient les plus beaux de la journée. En partant dernière, elle avait le couteau entre les dents et savait ce qu’elle avait à faire. Je trouve que son cheval Showtime a montré un peu de fatigue en cours de route. Cela ne représente pas leur niveau, c’est dommage.



Dernières foulées à une main

Le fait que plusieurs cavaliers aient fini leur reprise à une main ne m’a pas particulièrement interpellé car j’ai tendance à penser que cela est un peu gadget. Lorsqu’il y a du public, cela peut faire le spectacle, mais en l’occurrence, ils n’étaient qu’entre professionnels. Je me dis que cela va simplement plus vite de lever le poing pour la victoire après (rires). Certes, il s’agit d’une difficulté supplémentaire mais chacune l’a fait sur les ultimes mètres, ce qui est purement symbolique. S’il s’agit d’une ligne de changement de pieds aux temps ou de transitions passage-piaffer-passage, cela est impressionnant. Mais là, je ne suis pas sûre qu’il s’agisse d’une quelconque prouesse technique. 



Un Bleu manquait à l’appel

Bien sûr, il aurait été super que nous puissions compter un Français dans cette Kur. Tous les cavaliers en rêvent, mais cela est encore un peu loin des prétentions des Bleus. Lorsque l’on obtient d’habitude 75% dans le Grand Prix, on pense bien sûr à la finale individuelle, mais est-ce le cas lorsque l’on tourne autour des 71/72% ? Je pense que pour la France, c’est le bon moment pour faire un point, car dans trois ans, les Jeux seront chez nous, à Paris. Tout le monde fait bien sûr « de son mieux », il ne faut pas dire que les cavaliers ne sont pas assez bons ou qu’ils ne travaillent pas suffisamment. C’est faux ! En revanche, il y a une réflexion globale à avoir en vue de Paris car il sera presque un devoir qu’un ou plusieurs cavaliers français prennent part à cette Kur.  


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