“On ne peut que féliciter la France pour son excellent parcours”, Donatien Schauly

Après quatre belles journées de sport, le concours complet olympique de Tokyo a livré ses verdicts ce midi et cet après-midi au parc équestre de Baji Koen. Finalement, pour les équipes, la première manche de saut d’obstacles n’a pas bouleversé le podium provisoire issu du cross, et la Grande-Bretagne, favorite, a été sacrée, devant l’Australie et la France, fière et heureuse de repartir du Japon avec le bronze autour du cou. Au terme du second tour d’hippique, Julia Krajewski est devenue la première femme médaillée d’or individuelle en complet, en selle sur Amande de B’Neville. Avec l’art et la manière, l’Allemande a partagé les honneurs avec le Britannique Tom McEwen, en argent sur le métronome Toledo de Kerser, et l’Australien Andrew Hoy, en bronze sur Vassily de Lassos. Au terme de cette épreuve olympique, l’adjudant-chef Donatien Schauly, qui avait vécu les JO de Londres en 2012, et notamment glané le bronze par équipes aux Jeux équestres mondiaux de Tryon, en 2018, livre son analyse.



On a assisté à de belles finales, c’était chouette. Il y a eu du suspense jusqu’au bout. On a vu de beaux parcours, des chevaux brillants et bien montés. Ce dernier test a bien joué son rôle, même s’il n’y a pas eu de gros scores et le podium par équipes issu du cross n’a pas bougé. J’ai trouvé le parcours bien dessiné, permettant aux chevaux de bien rentrer dans leur exercice. La ligne composée d’un oxer et du triple a causé pas mal de fautes en début d’épreuve. Ensuite, les couples les plus aguerris s’en sont fort bien sortis. Les équipes présentant des paires au point sur les trois tests ont été les meilleures à la fin, comme toujours dans notre sport. En revanche, ces deux manches ont largement remodelé le classement individuel. Dans la seconde, certains chevaux ont paru un peu fatigués, ce qui s’explique par les conditions climatiques, mais aussi par le fait qu’ils ne sont pas habitués à sauter deux manches d’hippique.



Cavalier seul britannique pour l’or et lutte acharnée pour l’argent et le bronze

Compte tenu de l’avance dont ils disposaient (17,9 points, ndlr), les Britanniques semblaient intouchables, à moins d’une catastrophe. Ils l’ont prouvé en piste avec un premier sans-faute de Tom McEwen sur Toledo de Kerser et deux tours à quatre points de Laura Collett et Oliver Townend sur London 52 et Ballaghmor Class. En revanche, la bataille pour les médailles d’argent et de bronze a été âpre et excitante entre l’Australie, la France, l’Allemagne, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis.



Une très belle conclusion pour les Bleus

On ne peut que féliciter l’équipe de France pour son excellent parcours dans ces Jeux. Aujourd’hui, Christopher Six a montré qu’il avait encore mûri depuis son excellent championnat d’Europe de 2019 (dont il avait pris la quatrième place en individuel, ndlr). Il forme un vrai couple avec Totem de Brécey. On sent la confiance entre ses deux athlètes, qui ont été très solides au moment où il le fallait, alors que la faute concédée par Karim avait renforcé la pression qui pesait sur eux. Ils ont répondu présent dans les trois tests, et ils vont encore apprendre de cette échéance. Même avec quelques imperfections, ils ont à nouveau terminé près du podium (sans une faute en seconde manche, le couple aurait fini quatrième, ndlr). Christopher n’a rien à regretter et doit se projeter sur les prochaines échéances, car le meilleur est peut-être à venir pour lui.

De même, Nicolas Touzaint et Absolut Gold*HDC se sont encore bonifiés en deux ans. Compte tenu du manque de maturité du cheval, notamment au dressage, le staff et le cavalier savaient qu’il serait compliqué d’aller chercher une médaille. Pour autant, ils terminent sixièmes et meilleur couple français, ce qui est très prometteur pour l’avenir, et notamment les JO de Paris 2024. Maintenant, Nicolas a trois ans pour peaufiner ce qui doit l’être, continuer à assouplir et muscler sans pression cet excellent cheval de cross et de saut d’obstacles. En attendant, quel plaisir de retrouver un Nicolas gagnant, serrant le poing, tout sourire à la fin de ses deux superbes parcours. Le connaissant depuis longtemps, je sens qu’il prend du plaisir avec ce cheval, et c’est beau à voir.

Comme ses deux coéquipiers, Karim est apparu très concentré sur ce test décisif pour l’équipe. Il y a certes eu une faute, mais légère, sur le deuxième élément du triple. Triton est passé un peu derrière lui, peut-être du fait du contrat à une foulée et une foulée, et il a manqué un rien d’impulsion. Pour le reste, j’ai trouvé Triton très sécurisant et leur parcours fluide et bien monté.



De beaux et valeureux médaillés individuels

Si Ingrid Klimke n’avait pas subi son accident au printemps, Julia Krajewski n’aurait peut-être pas pris part à ces Jeux, et elle est finalement médaillée d’or individuelle. C’est aussi cela qui fait la beauté de notre sport. Pour autant, c’est une cavalière solide qui commence à avoir de l’expérience. Cette magnifique performance n’est pas une surprise pour moi. Elle a brillé dans les trois tests, signé un cross parfait puis un double sans-faute à l’hippique, en faisant preuve d’une équitation très classique qu’il faut enseigner dans les écoles. D’ailleurs, elle donne un parfait exemple aux Juniors allemands, qu’elle entraîne. À Tokyo, elle a fait équipe avec Michael Jung, qui monte son ancien cheval, Chipmunk, dont on connaît le talent et qui a malheureusement renversé cet obstacle frangible lors du cross… Quelle histoire! En tout cas, Julia forme des chevaux qui excellent dans les trois tests, ce qui est tout simplement magistral.

Aujourd’hui, les deux chevaux qui m’ont le plus sauté aux yeux sont Amande de B’Neville, médaillée d’or, et Toledo de Kerser, d’argent, que Tom McEwen a également monté à la perfection. On sent qu’ils auraient pu sauter un parcours de dix centimètres plus haut sans souci. J’ai eu un coup de cœur pour Toledo. Le cas de ce cheval né en France et exporté assez jeune doit nous inviter, nous cavaliers, à nous remettre en question dans le sens où nous devrions peut-être davantage donner leur chance aux chevaux et ne pas les juger trop vite, trop tôt. En tout cas, ce couple est sublime à regarder travailler.

le podium a donc mis en avant une cavalière de trente-deux ans et un cavalier de trente et un ans. En additionnant leur âge, on obtient celui d’Andrew Hoy, médaillé de bronze. Cela n’arrive que dans notre sport, et je trouve ça génial! C’est beau de le voir prendre autant de plaisir avec Vassily de Lassos. Lui aussi a produit de vraies démonstrations sur les trois tests, y compris le cross, disputé dans des conditions climatiques extrêmes, tout cela à soixante-deux ans. Je lui tire mon chapeau.



Les chevaux français comme à la parade !

Franchement, les performances de tous ces chevaux Selle Français et Anglo-Arabes (au nombre de six dans le top sept de ces JO, ndlr) suscitent mon admiration. Nous, cavaliers, avons parfois tendance à aller chercher la perle rare partout, y compris ailleurs, alors qu’elle se trouve souvent près de chez nous. Il faut vraiment saluer le travail des éleveurs, dont on parle trop peu et qui ne vivent pas toujours très bien de cette activité passionnante mais si difficile, ainsi que les cavaliers formateurs et les propriétaires qui ont misé sur ces chevaux, et sans qui notre sport ne pourrait pas exister. Pour eux aussi c’est parfois dur, d’autant que les équipes olympiques ont été réduites de quatre à trois couples, ce qui limite leurs chances de voir leur protégé sélectionné. Enfin, notamment côté français, il faut saluer tous les acteurs de la performance, qui entourent nos chevaux et cavaliers. Un grand bravo à tous.