“Nicolas Delmotte a signé l’un des plus beaux parcours de l’épreuve qualificative !”, Michel Robert

Hier à Tokyo, l’épreuve qualificative pour la finale individuelle a donné le coup d’envoi des Jeux olympiques de saut d’obstacles, ultime discipline des sports équestres. Au terme d’un parcours finement dosé par le chef de piste espagnol Santiago Varela, les trente meilleurs couples ont trouvé le chemin de la finale, qui débutera à midi (heure française). Parti en éclaireur chez les Tricolores, Mathieu Billot et Quel Filou 13 ont essuyé un refus sur le vertical numéro 10, sortant de piste avec un score de sept points. Un vertical qui n’a pas non plus épargné Pénélope Leprevost, puisque l’étalon Vancouver de Lanlore l’a lui aussi refusé avant de laisser l’entrée du n°13A à terre. Nicolas Delmotte et Urvoso du Roch ont toutefois réussi un sans-faute, qui leur a ouvert les portes de la finale. Pour GRANDPRIX, le fin observateur Michel Robert analyse les performances françaises et livre ses impressions sur ce nouveau format.



Impressions générales

Après avoir assisté à cette épreuve, je trouve qu’il est extraordinaire d’avoir réussi à sortir trente sans faute dès le premier jour ; parvenir à doser le parcours comme il le fallait sans qu’il n’y ait de catastrophe, c’était le gros challenge du chef de piste (Santiago Varela, ndlr) et je lui tire mon chapeau. Les obstacles sont magnifiques et la qualité du sol a l’air bonne, donc toutes les conditions sont réunies pour que nous puissions assister à du grand sport. Nous avons vu de belles choses et je suis ravi de voir que tout se passe bien pour les chevaux et que l’organisation – vue de France – est bonne. J’ai encore trop de souvenirs des Jeux olympiques où les terrains n’étaient pas bons, que ce soit à Barcelone, à Athènes ou à Sydney. 



Une prestation française mitigée

En ce qui concerne le refus de Mathieu Billot et de Quel Filou 13, le cheval s’est complètement mis en-dedans de la main. Il était enfermé, comme s’il y avait un problème d’embouchure ou de main… En tout cas, il l’a complètement lâché dans le tournant, à quatre ou cinq foulées en amont. Je pense qu’avec cet abord, cela aurait été pareil sur n’importe quel obstacle. La distance était mauvaise donc le cheval s’est arrêté, c’était vraiment une défense de sa part. Sur le reste du parcours, c’était très bien, il n’y avait pas de souci particulier. Il était un peu lent, mais c’est plutôt dans la nature du cheval. Celui-ci a une très grande action donc le cavalier est toujours obligé de se montrer un peu exigeant. Là, il l’a peut-être été un peu trop.

Pour Pénélope Leprevost et Vancouver de Lanlore, le cheval était bien en forme cette année et a réalisé une superbe saison. Pénélope était bien dans sa tête avant ces Jeux. Je n’ai pas encore eu son retour, mais le cheval n’avait jamais fait une chose pareille. Il a peut-être eu peur de quelque chose… Il s’est bloqué tout d’un coup alors que le début du parcours était très bien: elle montait parfaitement, c’était décontracté et le cheval sautait de façon magnifique. Le triple s’est bien passée et, quand je l’ai vue tourner loin avant le n°10, je me suis dit que c’était une bonne chose parce qu’elle prenait son temps. Elle est restée en ligne droite sur quatre ou cinq foulées entre le tournant et le vertical, mais c’est pendant ces foulées-là qu’il s’est passé quelque chose d’inexplicable avec Vancouver. C’est un brave cheval, qui veut toujours bien faire. Il a concouru en indoor, sur des terrains en herbe, et a tout vu, donc c’était vraiment étonnant. Je pense que Pénélope était un peu perturbée par cela et a voulu être plus rapide pour jouer le chronomètre, ce qui a engagé une petite faute en entrée de double.

Nicolas Delmotte a livré une prestation formidable! Avec Urvoso du Roch, il a signé l’un des plus beaux parcours de cette épreuve qualificative. Je ne dis pas cela par chauvinisme, mais bien parce qu’il a montré une sérénité et une précision formidables avec son cheval. Urvoso a sauté un peu haut sur les premiers obstacles, mais ensuite, il s’est tout de suite remis en place sur son registre habituel, donc il n’a absolument pas forcé. Il n’y a eu aucun désordre, c’était vraiment un très joli parcours. Il n’a pas du tout joué de joker.

 



Les mauvaises surprises…

J’aime bien Steve Guerdat et Kent Farrington et le fait de ne pas les voir en finale individuelle (tous deux ont loupé la qualification en raison d’une faute, ndlr) est, pour moi, une déception. Pour Kent, je ne sais pas quel est son plan, mais j’avais cru comprendre qu’il ne ferait que l’individuel et que McLain Ward prendrai le relai dans l’épreuve par équipes. Il me l’a dit il y a un mois, donc je ne sais pas s’ils ont changé leur plan. Je suis aussi déçu pour Christian Kukuk, qui a fait une faute alors que son cheval faisait son crottin...



… et les bonnes!

Les Japonais ont réalisé de très bons parcours (Daisuke Fukushima et Koki Saito ont terminé sans faute tandis que Eiken Sato n’a écopé que d’un point de temps dépassé, ndlr). Il y a également les trois cavaliers Belges (Grégory Wathelet, Jérôme Guéry et Niels Bruynseels, ndlr) qui ont signé des parcours sans faute, les trois Irlandais (Darragh Kenny, Bertram Allen et Cian O’Connor, ndlr), les trois Britanniques (Ben Maher, Scott Brash et Harry Charles, ndlr) et les trois Suédois (Peder Fredricson, Malin Baryard-Johnsson et Henrik von Eckermann, ndlr). Nous avons vu de bons parcours, cela laisse la porte grande ouverte pour la finale!



La loi du sport

Avec ce changement de format, le principe a beaucoup changé. La plus grosse inquiétude pesait sur la manière dont le chef de piste allait construire le parcours, et cela a été magnifique. Même avec la présence de cavaliers classés au-delà du cinq centième rang mondial, il a su gérer cela sans catastrophe. Cette ouverture à de nombreuses nations reste néanmoins le fondement des Jeux. Pour la finale, le chef de piste mettra certainement un parcours différent et bien plus difficile. Nous aimerions plutôt que l’épreuve par équipes se déroule avant l’individuel, comme par le passé. Il faut s’adapter… 

Les cavaliers comme Emanuele Gaudiano (qui concourait en individuel et qui a totalisé un score de neuf points de pénalité, ndlr) vont maintenant rentrer chez eux. Il y en a plein dans son cas, même ceux qui ont réalisé des tours à quatre points. Après quinze jours de quarantaine et un si long voyage,  ils ont fait tout cela pour ne sauter qu’un parcours, mais c’est la loi du sport et ils le savent...