Grandissimes favoris, Ben Maher et Explosion W s’imposent en costauds à Tokyo
Ben Maher est le nouveau champion olympique individuel de saut d’obstacles. En selle sur Explosion W, le Britannique a triomphé d’une seconde manche/barrage à six, cet après-midi à Tokyo. Couronné par équipes il y a neuf ans à Londres, l’Anglais de trente-huit ans s’est imposé avec autorité devant les Suédois Peder Fredricson, en argent sur H&M All in de Vinck comme il y a cinq à Rio de Janeiro, Henrik von Eckermann, quatrième sur King Edward, et Malin Baryard-Johnsson, cinquième sur H&M Indiana, ainsi que le Néerlandais Maikel van de Vleuten, en bronze sur Beauville, et le Japonais Daisuke Fukushima, sixième sur Chanyon. Seul Français en lice, Nicolas Delmotte, douzième, a concédé cinq points en première manche sur Urvoso du Roch.
Figurant parmi les grands favoris au titre suprême en saut d’obstacles, Ben Maher et Explosion W ont tenu leur rang, la barre et le vent cet après-midi à Tokyo, où s’est disputée la finale individuelle. Associé à Explosion W, un hongre KWPN de douze printemps avec lequel il a déjà gagné pas moins neuf Grands Prix CSI 5* en un peu plus de trois ans, le Britannique a signé le plus rapide des six doubles sans-faute de cette finale nouvelle formule. Programmée cette année avant l’épreuve par équipes, elle était ouverte au trente meilleurs couples de la qualificative d’hier et disputée sous la forme d’un Grand Prix hybride, où les candidats aux médailles ont été départagés lors d’un barrage dont l’ordre de départ a été établi en fonction des chronomètres du tour initial, comme dans une seconde manche. Cette coquetterie n’a d’ailleurs pas été sans incidence sur l’issue sportive.
Aujourd’hui encore, compte tenu de la consistance d’une bonne partie du plateau de chevaux et cavaliers en lice dans ces Jeux, Santiago Varela, chef de piste et membre du comité de jumping de la Fédération équestre internationale, assisté de Grégory Bodo, qui pourrait bien lui succéder dans trois ans à Paris, n’y est pas allé de main morte, avec un parcours délicat et des plus costauds, ponctué de six oxers assez carrés, dont le numéro 13, mesurant 1,55m par 1,75m, et cinq verticaux hissés à 1,65m et plus, sans oublier une rivière de quatre mètres. Outre ces difficultés, le temps imparti, fixé à 88 secondes, a diablement joué son rôle, privant de barrage des impétrants de la classe du Britannique Scott Brash et de l’Irlandais Cian O’Connor, pénalisés d’un point sur Hello Jefferson et le jeune Kilkenny, qui a malheureusement saigné des naseaux en piste et qui en restera là, mais aussi l’Israélienne Ashlee Bond, le Français Nicolas Delmotte et le Japonais Koki Saito, qui ont fini à cinq points sur Donatello, Urvoso du Roch et Chilensky. Quel dommage pour le Nordiste et son hongre de treize ans, auteurs d’un parcours impeccable, mais battus sur l’épais oxer 5, peut-être abordé d’un tout petit peu trop loin, et finalement douzièmes.
Pour d’autres cadors, il n’y a pas eu de temps dépassé, mais des fautes, plus ou moins inattendues: sur le vertical numéro 10 pour le Belge Grégory Wathelet, neuvième sur le puissant Nevados S, sur l’oxer 13 pour la Portugaise Luciana Diniz, passée encore une fois tout près d’un exploit et dixième sur son Selle Français Vertigo du Désert. Parmi les autres grands favoris au titre, certains ont même concédé deux fautes, l’image du Suisse Martin Fuchs, champion d’Europe et vice-champion du monde en titre, avec son génial Clooney 51, de l’Irlandais Darragh Kenny avec VDL Cartello ou encore de l’Allemand Daniel Deusser avec Killer Queen. Sans parler des sept points du Belge Jérôme Guéry, qui a essuyé un inhabituel refus de Quel Homme de Hus devant le vertical 14. C’est dire le niveau de difficulté de cette épreuve. C’est dire, aussi, l’ampleur de l’exploit accompli par les six barragistes.
Trois Suédois au barrage !
Premier à repartir, Daisuke Fukushima a logiquement assuré un double sans-faute sur Chanyon. Espérant sûrement que ses adversaires iraient à la faute, le Japonais s’est finalement contenté d’une très belle sixième place. Sacré en 1932 à Los Angeles sur Uranus, Takeichi Nishi restera le seul Japonais médaillé en équitation dans l’histoire des Jeux. Dans la foulée, Malin Baryard-Johnsson, la première des trois représentants de la Suède, nation créditée d’un superbe carton plein cet après-midi, a abaissé le chrono de référence de trois secondes pile avec la très bondissante H&M Indiana; un temps qui n’offrira que la cinquième place à cette cavalière d’exception. Peder Fredricson, médaillé d’argent il y a cinq ans, a alors signé un barrage au cordeau et dans un beau galop, abaissant encore le temps à battre de près de trois secondes. L’or semblait alors se rapprocher pour les champions d’Europe de 2017, mais il restait encore deux candidats parmi les plus dangereux dans cet exercice.
Le rectangle de Baji Koen a d’abord accueilli Explosion W, alezan auquel on n’a jamais su trouver de défaut et qui a fait l’objet fin 2019 de l’une des plus grosses transactions de l’histoire du jumping, à la faveur de son rachat par Charlotte Rossetter et Pamela Wright à la famille Moffitt. Ben Maher, qui avait un peu craqué en finale des championnats d’Europe Longines de Rotterdam il y a deux ans, non sans repartir avec la médaille d’argent, comme en 2013 à Herning avec la grande Cella, a cette fois produit un parcours limpide, suivant un train et un tracé irréprochables. Cette fois, la messe était dite. Quant au Suédois Henrik von Eckermann, très facile au premier tour, il n’a pas trouvé toutes les meilleures distances avec King Edward, finissant quatrième. Enfin, Maikel van der Vleuten, qu’on n’imaginait pas forcément aussi fort avec Beauville, a joué crânement sa chance, et il en a été récompensé en arrachant une médaille de bronze presque inespérée sur le papier et salvatrice pour l’équitation néerlandaise, qui semblait partie pour rentrer bredouille du Japon.
Dans ce sport si indécis, rares sont les favoris concrétisant pleinement les espoirs placés en eux, qui plus est aux Jeux olympiques, rendez-vous ô combien singulier. “Je ne sais pas si Explosion deviendra aussi légendaire qu’Hickstead ou Casall, mais peu de chevaux sont capables d’accomplir ce qu’il a réalisé en même pas deux ans”, avait déclaré Ben Maher au printemps 2020. “Il est déjà en bonne voie pour marquer l’histoire. Il lui faudrait une médaille d’or pour compléter son palmarès, ce qui est sans aucun doute dans ses cordes”, avait-il ajouté. C’est désormais chose faite. Dans ce sport de dévouement, de passion et de patience, plus rares encore sont les couples à rééditer une performance olympique. Depuis l’Italien Tommaso Lequio di Assaba et Trebecco, médaillés d’or en 1920 à Anvers puis d’argent en 1924 à Paris, aucune paire n’était parvenue à se hisser deux fois sur le podium individuel. Aussi, la seconde médaille d’argent remportée par le cavalier d’acier et son génial petit cheval wallon doit-elle susciter l’admiration de tous.
Ainsi s’achève le premier acte du saut d’obstacles. Rendez-vous demain pour la seconde visite vétérinaire, puis vendredi pour la qualificative par équipes.