“Ce qui fait la différence chez un champion olympique, c’est le mental”, Michel Robert

Entre surprises et déceptions, le parcours proposé par le chef de piste espagnol Santiago Varela pour la finale individuelle de jumping, qui s’est tenue hier, à Tokyo, a joué avec les nerfs des trente cavaliers au rendez-vous. Non sans mérite, le Britannique Ben Maher a décroché le plus inestimable des titres, porté par son exceptionnel Explosion W, devançant de seulement dix-sept centièmes le Suédois Peder Fredricson, vice-champion olympique avec H&M All In de Vinck pour la deuxième fois consécutive. Le Néerlandais Maikel van der Vleuten a de son côté reçu le bronze avec Beauville Z, un généreux bai formé en France. Seul Tricolore de cette finale, Nicolas Delmotte, pénalisé d’une barre et d’un point de temps dépassé avec Urvoso du Roch, a terminé douzième. Pour GRANDPRIX, Michel Robert a de nouveau apporté son expertise en soulignant les difficultés liées à la pression.



Impressions générales

Nous avons souvent quelques favoris au départ, puis on s’aperçoit qu’il y a finalement quelques petits grains de sable qui s’immiscent dans les rouages. Il y a beaucoup de pression pendant les Jeux olympiques et, c’est vrai qu’en-dehors de des petites maladresses, quelques cavaliers ont craqué sur les derniers obstacles, à cause d’une multiplication de circonstances. Sans être sur le terrain, c’est difficile de juger, mais la pression est telle que les messages envoyés par les chefs d’équipes ou les autres cavaliers peuvent perturber la sérénité des cavaliers en lice.

Pour l’instant, ce championnat est bien réussi dans l’ensemble. L’histoire reste encore à écrire et nous assisterons bientôt la suite avec les équipes. Nous verrons sûrement du relâchement chez certains cavaliers, notamment chez ceux qui ont déjà réussi, ou, au contraire, nous verrons des cavaliers qui voudront prendre leur revanche après leurs déceptions dans l’individuel. Nous verrons des bons comportements, des réactions, des désillusions… Tout sera multiplié par cent parce que ce sont les Jeux olympiques.



La gestion du mental

En parlant de sérénité, c’était extraordinaire de voir Peder Fredricson avec son cheval cinq ans après, à presque rien de la médaille d’or (à nouveau sur H&M All In de Vinck, ndlr)! Malin Baryard-Johnsson (qui a terminé cinquième sur H&M Indiana, ndlr), que j’aurais bien aimé voir avec une médaille, a aussi montré une belle motivation! Concernant ceux qui étaient vraiment présents jusqu’au bout, nous avons senti leur extrême motivation. Pour Maikel van der Vleuten, nous avons aussi vu que ce n’était pas un jour comme les autres, mais il restait serein malgré tout. C’est un jeu avec le mental, qui reste très difficile à maitriser. Personnellement, j’ai beaucoup joué là-dessus en équipes aux Jeux, et c’est aussi ce qui est beau à voir en tant que spectateur.

Je pense que ce qui fait la différence chez un champion olympique, c’est le mental. Ben Maher, Peder Fredricson et Maikel van der Vleuten en sont des exemples! Tous ceux qui étaient au barrage n’ont fait aucune erreur. Pour moi, le mental joue sur quatre vingt pour cent de la performance. Bien sûr qu’il faut un cheval et de la technique, mais il y a quand même une marche entre les Grands Prix CSI 5* et les Jeux olympiques, et cela se joue au niveau du mental, notamment car il y a une forte pression des équipes, des nations… Et puis, ce n’est qu’une fois tous les quatre ans!



Le sacre de Ben Maher

Le suspens était à son comble, c’était beau! Il n’y a pas eu de sursis, de mauvais abords ou de décision moyenne. Il en va de même pour Fredricson, que j’adore, et qui a signé un barrage extraordinaire en tirant le meilleur de son cheval. Je trouve que c’était de la très belle équitation! Ben et Peder ne sont qu’à dix-sept centièmes, ce qui n’est rien du tout! Bien sûr, Peder aurait pu être plus rapide, notamment dans un tournant, mais il aurait pris un risque supplémentaire. Malgré tout, il a joué sa carte et Ben Maher a été plus rapide. 



Daisuke Fukushima brillant à domicile

Daisuke Fukushima (après une élimination en individuel aux Jeux de Rio, cinq ans plus tôt, le cavalier de Chanyon a terminé à la cinquième place hier, ndlr) a très bien monté, avec un cheval très disponible, très respectueux jusqu’au bout et déployant de gros moyens. Je trouve qu’il est important de saluer sa prestation, dans son pays, qui est organisateur des Jeux. Cela fait quand même de nombreuses années que les Japonais œuvrent pour se présenter dans les grands rendez-vous et ce ne sont pas des nouveaux-venus. Le fait qu’il y ait eu trois Japonais dans cette finale montre que le travail à long terme paie, même sans être, au départ, une nation d’équitation comme la France.



Amertume pour Scott Brash et Martin Fuchs

Scott Brash qui se prive du barrage pour un point de temps dépassé, c’est dommage, parce que lui aussi est un exemple d’équitation. Il a choisi de faire plus de foulées en pensant que ses virages étaient suffisamment courts et rapides, mais il en a rajouté beaucoup dans les lignes. C’est dommage aussi pour Martin Fuchs avec Clooney 51, qui faisaient partie de ceux qui espéraient la médaille d’or (les champions d’Europe suisses ont écopé de huit points, ndlr). Martin avait certainement l’un des meilleurs chevaux présents à Tokyo, donc c’est quand même une déception.



La faute rageante de Nicolas Delmotte…

Quant à notre Français, Nicolas Delmotte, il a encore très bien monté! Il a montré qu’il pouvait être froid dans de si grands événements, en gardant sa technique. Il n’a rien changé. Sa petite faute avait un goût de “pourquoi ici et pas ailleurs?”… De mon côté, je l’expliquerai comme cela: nous gardons un peu d’énergie et de force pour les difficultés majeures du parcours et, sur les obstacles isolés, nous baissons légèrement de régime pour, justement, ne pas être trop dans le rouge. Nicolas a très bien négocié les combinaisons, il est parfaitement rentré dans le double spa-oxer et Urvoso a très bien dominé la difficulté, ainsi que la trajectoire. En demandant des efforts sur tous les obstacles, il est impossible de tenir jusqu’au bout du parcours, donc certains sont abordés en levant un peu le pied. C’est peut-être ce qu’il s’est passé ici.