“Les médailles ne sont jamais gagnées d’avance”, Jean-Luc Vernon

Dirigeant du club hippique de Meudon et membre du bureau de la Fédération française d’équitation, Jean-Luc Vernon connaît parfaitement le monde des épreuves de haut niveau réservées aux jeunes générations. Aussi apprécie-t-il à leur juste valeur les cinq médailles décrochées par les équipes de France de saut d’obstacles et concours complet aux championnats d’Europe Poneys de Strzegom, il y a une dizaine de jours en Pologne. L’une des cavalières de son club, Anna Szarzewski, a d’ailleurs participé au succès collectif des Bleuets en jumping. De retour de ce grand rendez-vous, le Francilien est revenu sur ces brillants résultats, qui honorent le travail conduit par l’encadrement technique fédéral, dont les sélectionneurs Olivier Bost et Emmanuel Quittet.



Jean-Luc Vernon.

Jean-Luc Vernon.

© FFE

Depuis bon nombre d’années, les équipes de France Poneys réalisent très régulièrement de belles performances aux championnats d’Europe, mais les résultats obtenus cet été à Strzegom sont historiques!

Oui, ils le sont, notamment en saut d’obstacles où nos cavaliers ont ramené l’or par équipes et en individuel (Jeanne Hirel a été sacrée avec Vedouz du Nestin, ndlr), mais aussi une médaille d’argent individuelle (obtenue par Marie-Ann Sullivan et Ken van Orchid, ndlr) qui était vraiment inattendue. Les cavaliers de complet ont également réussi un doublé en or en individuel et par équipes, donc nous ne pouvons effectivement être que très satisfaits du travail accompli et de tout ce qui a été mis en œuvre par la Fédération française d’équitation pour la préparation de ces jeunes, y compris et surtout compte tenu des conditions sanitaires. En effet les cavaliers de moins de seize ans n’ont pas pu concourir durant une longue période. Pour rappel, n’étant pas encore inscrits à cet âge sur les listes d’athlètes Espoirs ou Haut Niveau du ministère des Sports, ils ont été soumis aux mêmes règles administratives que nos cavaliers amateurs. C’est un sujet sur lequel nous devons d’ailleurs travailler, car d’autres fédérations nationales européennes ont pu présenter leurs plus jeunes cavaliers en compétition presque normalement.

Comment les cavaliers ont-ils été préparés à ces Européens?

Nous avons organisé des stages ainsi que des regroupements, lors desquels nous les avons entraînés et mis en situation de compétition, ce qui nous tout de même permis de les préparer à peu près correctement. Nous avons également remodelé le calendrier des compétitions en fonction des concours qui étaient à notre disposition. En ce qui concerne le saut d’obstacles, nous avons pu emmener nos jeunes au CSIO de Hagen, où ils ont brillamment remporté la Coupe des nations en alignant les sans-faute. Dans cette discipline, la préparation accomplie avec tout notre staff fédéral, dont font bien sûr partie Olivier Bost (sélectionneur national, ndlr), Henk Nooren (formateur national, ndlr) mais aussi Bertrand Poisson (expert fédéral, ndlr), a très bien fonctionné. Nous n’avons pas pu organiser nos stages de la même manière que d’habitude. Nous avons tout de même pu proposer aux cavaliers un peu de préparation mentale, mais les sessions habituelles de media training, d’anglais et de préparation physique n’ont pas pu avoir lieu en raison des conditions sanitaires.

En saut d’obstacles, les meilleurs cavaliers Poneys concourent bien plus souvent d’habitude qu’ils n’ont pu le faire ces deux dernières saisons. En quoi cela se ressent-il, techniquement ou mentalement?

Cette génération a effectivement perdu un an de compétition, ce qui est considérable en termes de formation. De plus, on sait par expérience qu’il est très rare qu’un cavalier remporte une médaille individuelle lors de ses premiers championnats d’Europe. Là, hormis Jeanne Hirel, qui a d’ailleurs été médaillée d’or en individuel, tous les couples sélectionnés en saut d’obstacles ont vécu leur première grande échéance à Strzegom. Aussi, décrocher une médaille d’or par équipes était assez inespéré!

Avec Vaughann de Vuzit, Anna Szarzewski, sociétaire de votre club hippique de Meudon, a largement contribué à la médaille d’or collective française avec deux sans-faute et un parcours à quatre points. Quel bilan tirez-vous de ses championnats?

Je suis très satisfait d’Anna, qui avait déjà brillé au Mans, où ont eu lieu cette année les championnats des As Poneys après l’annulation du Generali Open de France de Lamotte-Beuvron. D’ailleurs, cette échéance a permis de remettre les meilleurs couples en route en vue des championnats d’Europe avec un premier gros objectif. Anna a été médaillée d’argent derrière Jeanne Hirel. Elle a ensuite réussi un très bon concours à Hagen (où elle a notamment réussi un double sans-faute dans la Coupe des nations, ndlr), donc j’étais déjà très satisfait de ses résultats et du travail accompli tous ensemble pendant le confinement. À Strzegom, nous aurions pu espérer une médaille individuelle pour elle, mais Anna n’a que quatorze ans, et il s’agissait de ses premiers championnats internationaux. Elle n’a pas fini très loin du podium, mais la première manche de la finale individuelle (lors de laquelle la cavalière a écopé de huit points, ndlr) lui a malheureusement été fatale.

En plus d’être double championne d’Europe aux rênes de Vedouz du Nestin, Jeanne Hirel a vu son ancienne ponette, Armène du Costilg, finir cinquième avec la Britannique Poppy Deakin. Cela prouve tout le savoir-faire de cette cavalière…

Bien sûr, c’est une ponette qui a été vendue, ce qui est bon pour notre filière. Et il faut aussi saluer le travail de sa nouvelle cavalière, qui a su former un couple avec elle dans un délai assez court (elles ont pris part ensemble à leur premier CSIP fin mai, ndlr).



« Le travail des clubs et des enseignants est récompensé », Jean-Luc Vernon

Maé Rinaldi et Boston du Verdon.

Maé Rinaldi et Boston du Verdon.

© Lukasz Kowalski/FEI

En complet, les cavaliers de l’équipe de France ont une fois de plus brillé en ramenant deux médailles d’or de ces championnats d’Europe Poneys. Quel regard portez-vous sur les très bons résultats obtenus par les tricolores dans cette catégorie depuis de nombreuses d’années?

Une chose est sûre, les médailles ne sont jamais gagnées d’avance. En complet, nous avons l’habitude de gagner des médailles encore plus souvent qu’en saut d’obstacles, mais nous ne sommes jamais très loin du podium non plus dans cette deuxième discipline. Cela a encore été le cas aux Européens de Vilamoura cette année, dont la France est repartie avec deux quatrièmes places collectives en Enfants et Juniors. On sait que la médaille tient à une barre tombée, ce qui n’est rien! On ne s’en rend pas bien compte quand on ne regarde que le résultat, mais quand on observe cela de près, on comprend qu’obtenir une médaille ou non tient à très peu de choses (les Bleuets ont terminé à deux points du podium chez les Enfants et moins de quatre points chez les Juniors, ndlr).

Pour en revenir au concours complet, il faut aussi saluer le travail d’Emmanuel Quittet (sélectionneur national, ndlr), qui mène sa barque presque en solo depuis 1992, en relation depuis quelques années avec Michel Asseray, directeur technique national adjoint. Il sait comment hisser une équipe sur un podium. Et sans dévaloriser le travail de tous dans cette discipline, il faut aussi garder en tête que le concours reste un peu moins développé que le saut d’obstacles sur le plan européen.

Au-delà de la très bonne performance de l’équipe tricolore de complet, Maé Rinaldi a obtenu un fabuleux résultat individuel avec Boston du Verdon…

Le club de La Courneuve (où monte Maé, ndlr) est un vivier de cavaliers Poneys de complet depuis des années. Avec sa maman, Brigitte, Maé s’est inscrite dans un bon schéma de fonctionnement depuis longtemps, ce qui lui permet de bénéficier d’un bon encadrement. De plus, on a trouvé le bon poney pour elle, et elle est très solide. C’est une bonne cavalière qui a du mental. Elle n’a rien lâché du début à la fin de son championnat. Soutenir de jeunes cavaliers pour les emmener au plus haut niveau reste un gros effort pour des clubs comme ceux de La Courneuve, de la Clémenterie (à Villennes-sur-Seine, dans les Yvelines, ndlr) ou de Meudon. Les belles performances des nos cavaliers récompensent justement travail des clubs et de leurs enseignants.

Comment doit-on interpréter la faible présence des cavaliers britanniques, nation historiquement forte en Poneys, lors de ces championnats d’Europe?

Je pense que c’est une histoire de génération, mais aussi de volonté des fédérations de porter des équipes. Il y a des cycles, aves des nations qui sont fortes pendant un moment, et que l’on ne voie plus pendant un certain temps par la suite. La Suisse aussi traverse une phase moins faste en ce moment chez les Poneys. Cette année, les conditions sanitaires ont également joué un rôle dans les performances de la Grande-Bretagne, dans le sens où ses cavaliers ont été encore plus contraints que les nôtres dans leurs déplacements. Or, pour préparer des échéances comme les championnats d’Europe, il faut aller à l’étranger, ce que les Britanniques font normalement très souvent puisqu’ils ont l’habitude de beaucoup se déplacer en Belgique et aux Pays-Bas. Les contraintes sanitaires les ont donc considérablement bloqués.

En dressage, la France demeure moins performante que dans les deux autres disciplines olympiques. Comment l’expliquez-vous ?

Nous sommes un peu moins performants dans cette discipline, c’est vrai, mais nous sommes plutôt une nation de saut d’obstacles et de concours complet depuis plusieurs décennies. Aujourd’hui, très peu de gens sont prêts à investir suffisamment de temps et d’argent dans la préparation d’un jeune pour le dressage. Il y a moins d’engouement pour cette discipline alors même que les coûts financiers qu’elle implique, notamment pour l’achat des poneys, sont les mêmes qu’en saut d’obstacles. 

Le fait que la plupart des meilleurs poneys de dressage naissent en Allemagne ou aux Pays-Bas ne constitue-t-il également un frein au développement de cette discipline en France chez les jeunes?

Si, bien sûr, mais cela n’explique pas tout. Par exemple, Valentine Bineau, entraînée par Morgan (Barbançon Mestre, chef de file du dressage tricolore, ndlr) a fait l’acquisition d’un très bon poney aux Pays-Bas, Brouwershaven Uthopia II (médaillé de bronze par équipes aux championnats d'Europe de Pilisjaszfalu 2020 avec son ancienne cavalière Sita Hopman, ndlr) et, malgré cet achat, elle n’arrive pas encore à sortir du lot. Sans les pays plus performants en dressage, les cavaliers sont mis très tôt dans un circuit professionnel, ce qui n’est pas le cas en France. Nous n’avons pas à rougir de notre système Club puisqu’il fournit de futurs athlètes, mais on ne part pas du même point que les grandes nations de cette discipline.

En 2012, le stade équestre du Grand Parquet de Fontainebleau avait constitué un écran fabuleux pour les championnats d’Europe Poneys. Quand accueillerons-nous À nouveau ce rendez-vous continental en France?

Nous avons sollicité l’équipe du Pôle européen du cheval, près du Mans, pour que celui-ci candidate auprès de la Fédération équestre internationale (FEI), ce qu’il a fait. L’an prochain, nous retournerons à Strzegom car l’organisation de ces championnats avait été attribuée aux Polonais pour trois ans, mais nous espérons que la FEI retiendra le dossier manceau pour 2023.

Zoé Ballot et Voltair de Lalande.

Zoé Ballot et Voltair de Lalande.

© Lukasz Kowalski/FEI