“J’ai de bons résultats et de beaux objectifs grâce à toutes les personnes qui m’entourent”, Camille Coulomb
Camille Coulomb enchaîne les performances et victoires sur les terrains internationaux d’endurance. À Monpazier, il y a quelques semaines, la cavalière de vingt-trois ans, a remporté le championnat de France Seniors sur 160km, la distance reine de la discipline. La jeune surdouée revient sur son parcours, sa vision du sport et ses objectifs pour la fin de saison, à commencer la célébrissime CEI 3* de Florac, qui se tiendra samedi.
Vous avez remporté le championnat de France sur 160km avec Sharon de Suleiman (PsA, Cérès de Lafon x Dia Oua) et été médaillée d’argent sur 120km aux rênes de Don Juan de Suleiman (PsA, Elgadir de Pawi x Cérès de Lafon). Pouvez-vous nous parler de ces deux chevaux?
Nous sommes venus à Monpazier dans le but de monter sur le podium des deux championnats. Avec Sharon, j’avais déjà fini cinquième du Master l’an passé. Il a de l’expérience et plusieurs classements en CEI à son actif, avec Élisa Simon et moi. Il a un fort caractère, assez compliqué. Il faut le maintenir dans le calme pour performer. Nous voulions remporter la victoire car je savais qu’il pouvait le faire grâce à son mental et son expérience. Don Juan est l’exact opposé. Il a beaucoup de potentiel, mais il est très gentil, calme et réservé. Nous l’avons préparé en vue de cet objectif afin qu’il fasse ses preuves sur 120km avec une vitesse moyenne significative. À Monpazier, il s’est montré exemplaire tout au long de l’épreuve et a fait preuve d’une vraie maturité pour un cheval de huit ans. S’ils sont très différents, ce sont en tout cas deux chevaux dotés d’un très bon mental et qui conservent toujours une certaine fraîcheur, même en fin de course.
Tous deux sont issus de l’élevage de Virginie Simon. Comment a débuté votre partenariat avec elle?
J’ai rencontré Virginie en 2013. J’avais quatorze ans et souhaitais acquérir un cheval pour concourir en Jeunes Cavaliers. Virginie m’a proposé de monter les siens car elle voulait justement qu’ils soient valorisés sur ce circuit-là. C’est ainsi qu’est né notre partenariat. Elle m’a beaucoup appris et m’a accompagnée lors de mes premières épreuves internationales. J’avais d’abord disputé une CEI 2* à Uzès en 2014 sur Sirène de Suleiman, propre sœur de Sharon. Nous nous étions classées deuxièmes. La semaine suivante, j’avais remporté la CEI 2* de Rambouillet en selle sur Omega de Suleiman (PsA, Ekynox de Pawi x Cérès de Lafon). Virginie m’a ensuite confié de nombreux chevaux à valoriser dont Sharon, qui appartient à Laurence Fradj. Il avait alors six ans. En 2015, nous avions terminé cinquièmes du Mondial des chevaux de sept ans à Valeggio sul Mincio. Et l’année suivante, notre cinquième place à la CEIYJ 2* de Corlay m’avait permis d’être présélectionnée pour les championnats d’Europe Jeunes Cavaliers.
Comment se poursuit actuellement votre partenariat?
Nous avons trouvé une certaine routine dans le travail. Les chevaux vivent chez elle et je m’y rends pour les entraînements spécifiques et préparatoires aux grandes échéances. Nous choisissons ensemble les épreuves, les objectifs et le planning d’entraînement. Nous connaissons les chevaux, leurs points forts et leurs limites, donc c’est vraiment un travail d’équipe. Concernant la gestion des épreuves, Virginie me fait totalement confiance. Souvent, je pars seule avec mon équipe. Si Virginie est présente, elle vient me voir au départ, mais me laisse complètement autonome. Je voudrais d’ailleurs la remercier pour la confiance qu’elle m’accorde.
“Les championnats nationaux sont de véritables défis pour moi”
Qu’est-ce qui vous a attiré vers l’endurance à vos débuts?
Lorsque j’avais onze ans, j’ai décidé de faire pouliner Océane, la jument que je montais à l’époque en saut d’obstacles. J’ai décidé de la placer à l’élevage de La Palud, chez Renaldo Sapone, qui se situe à Gréoux-les-Bains, près de chez moi, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Alors qu’Océane était gestante, je n’avais plus de cheval à monter. Renaldo et Pascale Dietsch m’ont alors proposé de sortir en balade et entraînements d’endurance avec eux, puis je les ai assistés en compétition. Un jour, Renaldo m’a proposé de m’engager dans une épreuve. J’ai couru ma première épreuve de 20km aux rênes de Shagya Felleg (Shag, Nagycsere Shagya x O’Bajann XXIII 10). Ensuite, j’ai eu l’opportunité d’obtenir avec elle mes qualifications pour les championnats des As, d’abord en Minimes en 2012 sur 60 km, puis en Jeunes cavaliers sur 130km l’année suivante. Comme j’étais encore très jeune et inexpérimentée, Marie, la fille de Renaldo, a récupéré la jument en compétition et a pu être sélectionnée pour les Européens Jeunes cavaliers de 2014 à Vérone. C’est à ce moment-là que je me suis mise en quête d’une monture pour concourir dans cette catégorie et que j’ai rencontré Virginie Simon.
Qu’est-ce qui vous a ensuite motivée à devenir professionnelle?
En parallèle des chevaux que je montais en compétition pour Virginie, j’ai acheté Tatzova du Fausset (DsA, Granit d’Out Law x Gersik), une jument qui s’est avérée si compliquée que j’avais besoin d’être encadrée. Comme Virginie habitait loin de chez moi, j’ai placé Tatzova en pension chez Jean-Philippe Frances et Sabrina Arnold. J’ai alors pu prendre part à de nombreuses épreuves Jeunes Chevaux pour eux, tout en poursuivant mes études. À l’issue du Mondial des sept ans dont Sharon et moi nous sommes classés cinquièmes, en 2015, j’ai été la meilleure française au classement mondial, et j’ai reçu une proposition pour aller travailler à l’écurie Seeh Al Salam (SAS), aux Émirats arabes unis. J’ai saisi cette opportunité. Depuis, je me rends tous les hivers dans cette structure et j’ai pu remporter la Sheikh Mohamed Cup (Camille est la seule Française à avoir réalisé cette performance, ndlr). Je les remercie de me faire confiance et de permettre de concourir dans le désert.
Vous comptez déjà de nombreuses participations et médailles aux championnats nationaux. Que représentent ces rendez-vous pour vous?
Ce sont de véritables défis pour moi. Ils rassemblent les meilleurs chevaux et cavaliers français. Depuis mon premier championnat en Minimes avec Shayga Felleg, en 2012, je ne crois pas avoir raté un seul championnat national et j’ai toujours été classée, hormis lors de mes premiers, où j’avais été éliminée pour boiterie. Avec Tchekhov (PsA, Edin x Coq du Cassou), un cheval de Dominique Hauvette, nous avons gagné six médailles entre celles obtenues chez les Juniors et en Seniors (ce qui fait d’eux le couple le plus titré aux championnats de France, ndlr). Sharon m’a lui aussi permis de remporter le bronze par équipes, en Amateur 1 Jeunes Cavaliers. Gagner l’épreuve reine en Seniors, à vingt-trois ans seulement, alors que j’étais face à des piliers de l’équipe de France, restera une expérience incroyable. De fait, c’était assez fou de les déposer lors du final sur l’hippodrome!
“J’adore voyager et ce sport me le permet”
Vous avez également pris part à bon nombre de courses internationales dans plusieurs pays d’Europe. Quel intérêt sortir si souvent de France revêt-il pour vous?
Il est vrai que j’ai beaucoup couru à l’étranger, notamment en Italie et en Espagne. J’adore voyager et ce sport me le permet. Cette année, j’ai fini deux et troisième de CEI 3* 160km disputées à Sant Boi de Lluçanès, en Catalogne: en juin avec Tchekhov, puis en juillet sur Bjez la Majorie (PsA, Melfik d’Alauze x Set). Ce qui me plaît le plus, c’est de rencontrer différentes cultures et de voir d’autres paysages, ne serait-ce qu’en Europe. Les panoramas qu’offrent les courses espagnoles ne ressemblent pas à ceux de nos terrains français. Manger des pâtes en Italie ou une paella en Espagne, c’est bête à dire, mais c’est différent et ça fait du bien!
J’ai la chance à mon âge d’avoir déjà vu et vécu beaucoup de choses, en tant qu’amateur puis que professionnelle. Je peux parler en connaissance de cause quand il est question des différences entre les épreuves selon le pays dans lequel elles sont organisées, de la commercialisation des chevaux ou encore de la gestion des écuries. J’ai un regard assez global sur la discipline à différents niveaux, et j’ai choisi d’en faire mon métier en ayant vu toutes les facettes de l’endurance.
Vous passez donc une bonne partie de l’hiver à Dubaï. Les topographies et températures auxquelles les chevaux sont confrontés sont tout à fait différentes de celles qu’ils rencontrent en Europe, et les courses ne sont pas abordées de la même manière. Comment gérez-vous cela?
Le fonctionnement est presque complètement opposé à celui que nous connaissons en Europe. Assister et participer là-bas aux entraînements, à la gestion des chevaux et des écuries ainsi qu’aux soins m’a énormément appris. Il y a des infrastructures très impressionnantes pour la récupération des chevaux et le suivi méticuleux, avec des moyens que nous n’avons pas en Europe. En travaillant pour l’écurie SAS, j’ai aussi appris à préparer des chevaux pour la vitesse, ce qui m’a servi pour gérer les championnats de France cette année. Pour moi, l’endurance européenne et celle pratiquée dans le Golfe sont comme deux disciplines différentes. Les qualités recherchées chez les chevaux ne sont pas les mêmes. Un sujet exceptionnel en Europe, qui peut gagner la course de Florac, ne sera pas le meilleur dans le désert, et inversement. Par ailleurs, je connais des chevaux qui ont débuté leur carrière en Europe et la continuent aux Émirats. J’ai analysé leurs performances, et me suis rendu rapidement compte que leur musculature a changé, comme celle d’un athlète humain qui passerait du trail au marathon, par exemple.
À quoi ressemblera votre fin de saison?
Ce week-end, je monte normalement Tchekhov lors de la CEI 3* Florac. Ensuite, je devrais engager un cheval en octobre à Fontainebleau, puis un autre à la CEI 3* de Rio Frio, en novembre au Portugal, si nous ne subissons pas d’aléas entretemps. Ces épreuves me permettront déjà de bien préparer ma saison 2022. Par exemple, Bjez, que j’ai acheté en 2016 grâce à Jean-Philippe et Sabrina et qui suit une trajectoire sans accroc, courra sur 160km en fin d’année avec l’objectif d’obtenir une sélection pour les championnats du monde de 2022, qui auront lieu à Vérone. À l’écurie JPF, j’ai énormément appris sur l’entrainement des chevaux, et je prépare les miens toute seule. J’ai la chance aussi que Dominique Hauvette me confie Tchekhov depuis des années. Avec lui, j’ai réalisé un très beau parcours et je la remercie pour sa confiance. Grâce à toutes les personnes qui m’entourent, j’ai de bons résultats et de beaux objectifs. Si j’étais cinquième du classement mondial toutes catégories confondues l’an dernier, c’est bien grâce à tout cela.