La France peut rêver de deux médailles à Avenches, mais elle n’a guère le droit à l’erreur

Comme il y a deux ans à Luhmühlen, la France conserve deux chances de médaille aux championnats d’Europe de concours complet, dont le cross a tenu ses promesses, aujourd’hui à Avenches, en Suisse. Et comme il y a deux ans, rien n’est fait tant les écarts sont faibles, aussi bien dans la compétition individuelle, où Maxime Livio talonne Nicola Wilson et Ingrid Klimke, que par équipes, où les Bleus, troisièmes derrière la Grande-Bretagne et l’Allemagne mais réduits à trois après la chute de Gwendolen Fer, ont moins de dix points d’avance sur les Suisses. Le test hippique s’annonce irrespirable.



Gwendolen Fer et Romantic Love.

Gwendolen Fer et Romantic Love.

© PSV Morel/FFE

Luhmühlen, 31 août 2019. Au terme d’une journée presque tranquille, marquée par trois parcours parfaits, la France, troisième par équipes, semblait bien partie pour gagner deux médailles au terme de ces championnats d’Europe organisés dans le temple allemand du concours complet. Thibaut Vallette, troisième avec le métronome Qing du Briot*IFCE, auteur de l’un de ces trois “maxi”, paraissait alors en mesure de se parer du bronze individuel, comme quatre ans plus tôt au château de Blair, en Écosse. Hélas, le dénouement dominical avait pris les allures d’une douche écossaise pour les Bleus… Sans essuyer de grande contre-performance, ils avaient finalement laissé filer le bronze par équipes, arraché par la Suède, et même l’argent, remis à la Grande-Bretagne. Pour une faute – Karim Laghouag en avait concédé deux et Thibaut une – la France, réduite à trois après le retrait de Trompe l’Œil d’Emery, le cheval d’Alexis Goury, avaient fini quatrième, tandis que Christopher Six et le lieutenant-colonel s’étaient classés… quatre et cinquième. On comprend aisément pourquoi Thierry Touzaint, sélectionneur national plus que rompu à l’arithmétique et à la dramaturgie de ces grands championnats qu’il affectionne par-dessus tout, n’a pas affiché le moindre triomphalisme en fin d’après-midi à Avenches, en Suisse, où se tient le sommet continental cette année. “Nous allons essayer de rester sur le podium. Rien n’est perdu, mais rien n’est gagné”, a-t-il dit en substance.

De fait, il n’est guère difficile de trouver des similitudes entre les crus 2019 et 2021. Ce soir, la France, créditée de 96,8 points, est troisième, à plus de vingt-six longueurs de la Grande-Bretagne (69,1), impériale comme attendu, même si Rosalind Canter et Allstar B, ses derniers équipiers, ont écopé de deux impensables dérobades, et à un peu moins de dix-huit longueurs de l’Allemagne (78,4), qui a surtout eu à déplorer les 15,4 points de temps dépassé encaissés par Andreas Dibowski et FRH Corrida. Ce soir, la France est à nouveau réduite à trois, cette fois en raison de la chute de Gwendolen Fer dans le deuxième gué sur Romantic Love, à la réception de l’obstacle 23b, éliminatoire mais sans gravité. En 2015, cette même paire avait été pénalisée d’un refus. En 2017 à Strzegom, la Toulousaine avait chuté avec Traumprinz, son autre cheval de tête. Quand ça ne veut pas…

Jean-Lou Bigot et Utrillo du Halage.

Jean-Lou Bigot et Utrillo du Halage.

© PSV Morel/FFE



Ingrid Klimke perd son leadership

Stanislas de Zuchowicz et Covadys de Triaval.

Stanislas de Zuchowicz et Covadys de Triaval.

© PSV Morel/FFE

Avant ce coup de sort, Jean-Lou Bigot avait réussi l’un des sept parcours parfaits du jour, en selle sur un Utrillo du Halage plein d’énergie et remonté à la douzième place au classement individuel provisoire. À noter que les six autres “maxi” ont été signés par les Britanniques Nicola Wilson, en tête avec JL Dublin, Piggy March, quatrième sur Brookfield Inocent, et Izzy Taylor, dixième avec Monkeying Around, ainsi que par le maître allemand Michael Jung, sixième avec Fischer Wild Wave, le Suisse Felix Vogg, neuvième sur Cartania et l’Irlandais Padraig McCarthy, quatorzième avec Leonidas II, l’ancien partenaire de la légende Mark Todd.

Après ce coup du sort, Thierry Touzaint a fort logiquement demandé à Stanislas de Zuchowicz d’assurer l’essentiel sur le jeune Covadys de Triaval, neuf ans, qui ne dispute ici que son deuxième CCI 4*-L. Le cavalier s’est exécuté, prenant les options nécessaires, mais il a perdu plus de temps que prévu, en raison notamment d’une glissade, si bien que le sélectionneur, voyant dangereusement se rapprocher la Suisse, quatrième (106,5), l’Irlande, cinquième (109,4), et la Suède, sixième (109,9), a demandé à Maxime Livio d’assurer… en perdant le moins de temps possible! En lice pour le podium individuel, le cavalier du Maine-et-Loire ne s’est pas fait prier avec Api du Libaire, étant l’un des rares, avec Luc Château et Troubadour Camphoux par exemple, à ne pas prendre d’option. À l’arrivée, contrat rempli pour le couple, qui n’a lâché que trois secondes, concédées en fin de parcours en raison de la fatigue du Selle Français, remonté à la troisième place. Ce soir, la France peut donc aussi rêver de repartir avec une médaille individuelle. 

Pour autant, comme en 2019, rien n’est joué, puisqu’1,6 point seulement sépare Nicola Wilson de Maxime, tandis qu’Ingrid Klimke, en tête après le cross, est deuxième au provisoire avec SAP Hale Bob, double champion d’Europe en titre, pénalisé d’1,2 point lui aussi. “Il était très frais jusqu’à la fin, il a fait tout très bien. Sans doute aurais-je dû le pousser un peu plus pour arriver dans les temps mais tout est encore possible demain avec le saut”, a déclaré l’Allemande. Dix autres paires se tiennent à moins de deux fautes du Français. Quant au collectif tricolore, avec 96,8 points, il compte donc moins de dix longueurs d’avance sur les Suisses. Cela promet pour demain.

Demain, justement, la seconde inspection vétérinaire est programmée à 9h, suivie donc du test final de saut d’obstacles, prévu de 11h à 12h40, puis à 14h après une pause déjeuner. Comme si le suspense ne suffisait pas à nourrir la dramaturgie d’une épreuve qui tient pour l’heure toutes ses promesses, la pluie et l’orage pourraient s’inviter sur la grande piste en sable de l’Institut équestre national d’Avenches. Sans doute en faut-il plus pour perturber la plupart des concurrents en lice, mais… Espérons en tout cas que cela ne découragera pas le public, présent en nombre et particulièrement enthousiaste aujourd’hui, de revenir garnir les tribunes et jouer ce rôle qui a tant manqué au sport durant un an et demi. 

Le classement individuel en direct
Le classement par équipes en direct
Le parcours du cross

Luc Château et Troubadour Camphoux.

Luc Château et Troubadour Camphoux.

© PSV Morel/FFE