“Il faut inciter les éleveurs français et les investisseurs à aider nos jeunes cavaliers à fort potentiel”, Olivier Bost

Chef d’équipe de l’équipe de France Poneys depuis de nombreuses années, mais également des équipes Enfants, Juniors et Jeunes Cavaliers depuis la nomination de Thierry Pomel à la tête de l’équipe de France Seniors, Olivier Bost se dit satisfait des finales des Coupes des nations Jeunes, qui ont eu lieu le week-end dernier à Kronenberg, aux Pays-Bas. Après avoir obtenu des résultats phénoménaux avec l’équipe Poneys cette année, ainsi que d’autres belles performances dans les autres catégories, le sélectionneur s’est à nouveau réjoui de l’attitude de ses cavaliers après ce week-end sportif.



Quel bilan tirez-vous des finales des Coupes des nations Jeunes qui se sont déroulées le week-end dernier à Kronenberg, aux Pays-Bas?
Nos trois équipes (Poneys, Juniors et Jeunes Cavaliers, ndlr) se sont qualifiées pour la grande finale par équipes, c’est un vrai point positif.
Les Juniors ont manqué un peu de réussite: Eden (Leprevost Blin Lebreton, ndlr) a renversé une barre (aux rênes de Don’t Stop Semilly, ndlr), Baptiste Eichner a écopé de huit points (associé à Black N’Roll, ndlr) puis Ilona Mezzadri a à nouveau accusé quatre points (en selle sur Arcy Fou, ndlr). Lorsque l’on additionne les parcours à quatre points, nous sommes forcément en retard par rapport aux nations qui enchaînent les parcours sans faute. Samedi, le cheval de Jules (Orsolini, Qlandestin SAS, ndlr) n’était pas très à l’aise sur le sol, qui était un peu dur (le cavalier a préféré abandonner, ndlr). C’est le jeu. 

J’avais décidé de prendre Agathe Martin comme remplaçante de l'équipe. Elle est vice-championne de France et a connu beaucoup de réussite en CSI 2* avec Chacelle, donc elle avait sa place. Nous avons hésité à l’intégrer dans le quatuor qui a couru la Coupe des nations, mais avons finalement pensé qu’elle n’avait pas encore assez de métier et de recul pour affronter ce genre de rendez-vous. Sa jument a tout de même très bien sauté dans les autres épreuves. Agathe monte de mieux en mieux et est très bien entourée!


Depuis cette année, nous avons une excellente équipe de Jeunes Cavaliers. Pour moi, leur deuxième place est celle qu'ils auraient dû avoir lors des championnats d’Europe (à Vilamoura, l’équipe a terminé sixième, ndlr). Ils se sont remotivés après l’échéance européenne et nous les avons soutenus. J’étais très content car le cheval d’Antoine Ermann (Azur du Vinnebus, ndlr) a vraiment répondu présent, comme Up To You*GFE, celui de Ramatou Ouedraogo (les deux couples sont sortis sans pénalité de cette finale, ndlr). Cattleya Plassay, la jument de Laura Klein, est montée en puissance tout au long du week-end. Je pense qu’il aurait fallu un quatrième tour pour que tout soit parfait (la paire a signé un parcours à quatre points samedi, ndlr). Laura a compris énormément de choses ce week-end, et le couple a progressé. Enfin, Léona Mermillod-Baron a encore une fois répondu présente. Sa jument, Chanel de la Claye, a très bien sauté, comme nous aimons la voir (aux championnats d’Europe, le couple avait écopé de seize puis douze points dans les épreuves par équipes, ndlr). Les parcours étaient tout de même difficiles et le sol un tout petit peu dur, mais nous étions tous logés à la même enseigne.

J’avais choisi de sélectionner Dylan Ringot pour être remplaçant, en raison de ses performances sur le circuit Grand National. Il savait qu’il allait être le cinquième, sauf si l’un des membres de l’équipe était inapte à concourir. Sa jument, Vivlavie Une Prince, a encore besoin de beaucoup travailler sur le plat pour être plus au point avec lui.


J’étais très content de notre équipe Poneys puisque nous avons connu quelques changements, notamment la vente de Vaughann de Vuzit (acquis en Angleterre début septembre, ndlr). J’ai voulu préserver la ponette de Nohlan Vallat, Daenerys d’Hurl’Vent, que j’aime beaucoup et qui a signé de bons championnats d’Europe. Je l’ai donc sélectionné avec sa deuxième cartouche, Urlevent d’Hurl’Vent, vice-champion de France As Élite cet été. Ce couple s'est amélioré au fil de la semaine et leur dernier parcours a été vraiment superbe. Le poney a magnifiquement sauté et Nohlan parfaitement monté! Avec Marie-Ann Sullivan, Ken van Orchid a réalisé de très bons parcours, malheureusement entachés d’une petite faute lors de la finale. J’avais sélectionné Lena Dreydemy, qui a été un peu émue pour sa première participation à ce niveau à poney avec Boudchou de Bettegney. Elle a connu plus ou moins de réussite, mais a été une super coéquipière. Enfin, Lola Brionne a déroulé des parcours magnifiques. Son couple avec Clémentine est vraiment rodé. 

Chez les Poneys, j’avais sélectionné Olympe Rameau Glodieu car j’aime beaucoup le couple qu’elle forme avec Up Le Ti’wan (poney ayant évolué sous la selle de Charlotte Slosse il y a quelques années, ndlr). Elle a fait de très bons parcours. On sent qu’elle a encore besoin de prendre de la maturité pour affronter certaines situations comme les grandes rivières auxquelles sont confrontés les cavaliers en CSIOP ou encore les obstacles à enchaînements rapides. Les remplaçants ont tous été supers et se sont très bien comportés, d'autant que c’est une place qui n’est pas simple.

Le concours était en tout cas très agréable et nous avons été bien accueillis. Le staff fédéral était au point, et les coachs impliqués. Depuis que nous avons instauré les stages de formation avec Édouard Couperie, Henk Nooren et moi, les enfants ont compris que nous ne leur voulons que du bien et ce que nous attendons d’eux. Ils ont envie de se surpasser, autant pour eux que pour nous!

Pourquoi la France n’a pas présenté d’équipe dans la catégorie Enfants?

Nous avons été confinés au printemps cette année, contrairement à d'autres nations, qui étaient autorisées à se regrouper et concourir. Nous avons repris la compétition fin avril seulement, et notre équipe Enfants n’était tout simplement pas qualifiée. Je n’avais le droit de n'envoyer que deux cavaliers en individuel. J’ai donc choisi Timothée Goffinet afin de lui donner de l’expérience pour l’année prochaine. Sa jument, Volubie du Givre, auparavant montée par sa mère, est en train de monter en puissance et je voulais que le couple puisse continuer à faire ses armes. J’ai aussi amené Dan Eschmann parce qu’il n’habite pas très loin et que nous pourrons compter sur lui à l’avenir. On nous a privés de cette finale alors qu'en France, nous avons fait attention à bien respecter les consignes liées à la crise sanitaire. La FEI n’a pas voulu en tenir compte...

La France dispose d’un bon réservoir de Jeunes Cavaliers, qui naviguent entre les épreuves Jeunes et les concours internationaux. Comment faites-vous votre sélection? Donnez-vous la priorité à leur programme ou aux événements Jeunes?
Je tiens compte de tout. Aujourd’hui, on a la chance d’avoir, en France, six ou sept Jeunes Cavaliers qui sautent 1,50m assez facilement, ce qui n’était pas arrivé depuis très longtemps. À Kronenberg, nous avons même eu le luxe d’avoir Jeanne Sadran comme réserviste, qui était présente au CSI 5* de l’Hubside Jumping de Grimaud ainsi que Sara Brionne, qui concourrait à Canteleu. Les Jeunes Cavaliers sont capables de côtoyer le haut niveau et ont les chevaux pour le faire. C’est une opportunité qui se mérite et se travaille. Cet aboutissement est la suite logique de tout ce qui a été mis en place depuis dix ans. Nos jeunes ont confiance et ont compris que les étrangers achetaient de bons chevaux. Il faut donc en garder quelques-uns pour nous, afin de pouvoir concurrencer nos adversaires et d’être au niveau. Je sens désormais, même chez les Juniors, une envie de nos propriétaires et nos cavaliers de s’investir dans le sport des catégories Jeunes. Je le dis souvent: il faut inciter les éleveurs français et les investisseurs à aider nos jeunes cavaliers à fort potentiel. 

Présente lors de tous les événements importants cette année et performante à haut niveau, Jeanne Sadran n’était pourtant pas là le week-end dernier, pourquoi?
La non-participation de Jeanne résulte tout simplement d'un accord commun. Nous lui avons évidemment proposé de venir - elle a la priorité absolue dans l’équipe car elle est la leader de ce groupe -, ce n’est pas un secret. Elle a simplement préféré courir le CSI 5* de Grimaud le week-end dernier. C’est un choix que je comprends entièrement, car il y a plus de dotation dans ces concours et Julien Épaillard, son entraîneur, y était présent. Elle a plus d’intérêt à le suivre! Ça ne peut qu’être bénéfique pour son avenir et cela laisse en parallèle la chance à d’autres cavaliers de participer à ce genre de compétitions et de montrer ce qu’ils sont capables de faire. 

À cette finale, vous avez envoyé une équipe assez mixte chez les Poneys, composée de couples d’expérience et d’autres un peu moins aguerris. La troisième place obtenue est-elle une satisfaction, ou espériez-vous mieux de la part de la nation championne d’Europe?
Je suis vraiment très satisfait! Les étrangers avaient envoyé leur équipe numéro une. Avec deux poneys présents lors des championnats d’Europe et trois autres nouveaux à ce niveau, j’étais très content de la troisième place. Après la folle semaine que nous avons vécue à Strzegom, nous disions en rigolant à Marie-Ann Sullivan qu’elle avait fait un véritable hold-up (la jeune fille s’est parée d’argent en individuel avec Ken van Orchid alors qu’elle n’avait commencé les épreuves As Poney Élite que quelques mois plus tôt, ndlr). Ce week-end, c’était à notre tour de faire un hold-up en montant sur le podium avec une très jeune équipe!

Jeanne Hirel, championne d’Europe en individuel cet été aux côtés de Vedouz de Nestin et désormais âgée de seize ans, n’était pas non plus présente, alors que cette finale représentait sa dernière échéance à poney, pourquoi?
Nous avons parlé avec elle et elle ne souhaitait simplement pas effectuer un concours si loin de chez elle avec son poney. Jeanne se consacre désormais à ses chevaux, et sa carrière à poney est désormais terminée. Je garderai bien Jeanne et Vedouz chaque année si je le pouvais mais, malheureusement, elle a désormais seize ans et ses années en équipe de France Poney sont terminées.



“Les jeunes de quinze ans et moins doivent comprendre qu’il faut passer rapidement à cheval”

De nombreux poneys français sont exportés à l’étranger: on peut citer Vaughann de Vuzit ce mois-ci mais aussi Armène du Costilg en mars ou encore Sligo de Mormal l’année dernière. Ces ventes représentent une perte immense pour l’équipe de France. En votre qualité d’entraîneur, êtes-vous fier de voir vos poneys être aussi prisés par d’autres nations?
Nous avons énormément de très bons jeunes poneys qui arrivent, donc c’est plutôt rassurant.
En tant que sélectionneur, ce sont des ventes qui me contrarient énormément parce que j’aurais évidemment préféré que ces poneys soient rachetés par des investisseurs français. En tant qu’homme de cheval, je suis ravi que nos poneys français plaisent autant et que des gens soient passionnés par nos produits. Mais, en tant que sélectionneur, bien sûr, je suis triste de voir tout ce potentiel partir. C’est dommage que dans une nation équestre comme la France, nous ne trouvions personne pour investir dans nos poneys de sport. Malheureusement, c’est dans notre culture. La France a toujours été une terre d’élevage sachant fabriquer d’excellents poneys. Nous pouvons heureusement compter sur de très bons jeunes équidés qui vont arriver sur la grande scène à Lyon et Bordeaux, et qui vont constituer le futur de l’équipe de France. Je vais tenter de reconstruire une équipe autour d’eux pour aller chercher de nouvelles médailles. 

Pensez-vous qu’un jour la France pourra allier élevage, formation et sport de haut niveau, et qu’elle parviendra à maintenir ses produits dans ses rangs?
C’est quelque chose que je souhaite évidemment. Les autres nations ont pour l’instant plus de moyens que nous et peuvent investir plus facilement. C’est aussi le jeu de l’offre et de la demande. Nous avons la chance d’avoir de grands propriétaires et investisseurs en France, qui jouent le jeu avec les chevaux et poneys de haut niveau, sinon nous ne ramènerions pas autant de médailles. Quand on est sélectionneur, on a toujours envie de garder nos atouts pour nous, mais cela fait partie de notre métier. 

À Vilamoura, lors des championnats d’Europe Jeunes, vous avez manqué de peu les podiums avec les trois équipes présentes. À contrario, les poneys ont connu une année exceptionnelle. Une double médaille d’or n’était pas arrivée depuis 2014 et, de la même manière, les deux titres individuels sont historiques. Comment vous expliquez cette domination française?
Peu importe la catégorie, nous savions que nous disposions de quatre groupes potentiellement médaillables. Nous avons travaillé pendant le confinement avec nos groupes exprès pour ça. Notre groupe Poneys partait avec une étiquette de favoris. Tout le monde avait envie de se surpasser, autant pour eux que pour nous.
À Vilamoura, aux championnats Jeunes, nous avons été privés de podium pour une barre à chaque fois. C’est le jeu; parfois les chevaux font deux bonnes touchettes et ça ne tombe pas, et parfois ils en effleurent une et elle ne reste pas sur les taquets. Les quatre groupes étaient vraiment bons puisque nous sommes deux fois quatrièmes. J’étais très heureux de l’état d’esprit dont ont fait preuve nos jeunes.
Cette année, tout le monde a répondu présent. Nous aurions évidemment préféré repartir avec une médaille dans les catégories Enfants, Juniors et Jeunes Cavaliers mais je suis très content de mes troupes, que ce soit au niveau de leurs performances ou de leur état d’esprit. 

Avez-vous remarqué une réelle progression de vos troupes cette année?
C’est une des premières années où nous avons vraiment senti que tout le groupe des Jeunes Cavaliers était en train de monter en puissance, ce qui laisse présager de bonnes choses pour Oliva l’année prochaine puisque l’équipe risque d’être sensiblement la même.
Chez les Juniors, tout va très vite. Nous avons besoin de construire une équipe solide. Nous avons traversé quelques soucis cette année au niveau de la santé des chevaux (Une Étoile Landaise, la jument d’Eden Leprevost Blin Lebreton, s’est notamment blessée quelques semaines avant l’échéance européenne, ndlr), mais avons tout de même terminé quatrièmes donc cela n’est pas catastrophique. Il faut que nous arrivions à renforcer cette équipe.
Je n’ai pas de leader; les Jeunes Cavaliers sont montés en puissance tous ensemble, tout comme les Poneys. Le seul groupe que j’ai vraiment envie d’améliorer est celui des Juniors. Chez les Enfants, tout va tellement vite que l'on a à peine le temps de les soutenir qu’ils sont déjà trop âgés. En France, il y a cette culture qui veut que l’on garde longtemps les enfants à poney avant de les faire passer à cheval, ce qui retarde leurs performances dans le circuit Juniors.
En novembre, nous allons organiser une semaine de détection dans les régions pour inciter les jeunes de quinze ans et moins à comprendre qu’il faut passer rapidement à cheval, et que courir sur les deux circuits à la fois est possible. Il faut être capable d’avoir un pied dans le circuit Poneys et l'autre chez les chevaux, afin que les cavaliers soient prêts plus tôt à affronter le milieu international. Il existe déjà ce cas pour quelques cavaliers comme Stella Briand en dressage, qui a participé aux championnats d’Europe Enfants l’année dernière et qui a monté en équipe de France Poneys cette année. C’est en fonctionnant comme cela que nous obtiendrons de belles performances dans les championnats Enfants et Juniors. Si les cavaliers ne se rendent pas compte de cela, ils arrivent sur le circuit Juniors avec trop peu d’expérience à poney, et cela pose problème. De même pour les Enfants; les cavaliers n’ont généralement couru qu'à poney avant d’arriver dans ces épreuves, puisqu’ils ont au minimum douze ans. Il faudrait passer à cheval plus tôt afin d'être opérationnel plus rapidement dans les épreuves Juniors.
J’ai quelques cavaliers qui mènent les deux de front, que nous surveillons et allons intégrer dans le circuit Enfants l’année prochaine. Nous allons les former pour cela puisqu’ils ont déjà l’habitude de sauter 1,30m à poney.