Rentrée, regain d’intérêt et retour de l’activité

Voici l'édito paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX.



Tout vient à point à qui sait attendre... et mettre toutes les chances de son côté. Cela pourrait résumer l’ambiance qui règne en cette rentrée 2021 dans la filière du cheval de sport. La crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid-19 a causé des dégâts et tracas, plus ou moins grands, à tous ses acteurs. Pour autant, à l’instar de ce que l’on constate dans bien d’autres secteurs, les généreux dispositifs mis en place par les pouvoirs publics ont permis d’empêcher les faillites en cascade, synonymes de destruction de l’appareil productif... et de dépression profonde et durable. Tous les indicateurs ne sont pas au beau fixe, et le retour progressif à une vie normale pourrait s’accompagner d’une concurrence encore plus féroce que dans le monde d’avant, mais le sport a véritablement repris ses droits, à tous les niveaux, et avec lui, le commerce de chevaux, nerf de la guerre pour tant d’éleveurs et de marchands, propriétaires et cavaliers. 

Cette impression, impossible à objectiver compte tenu de la confidentialité des transactions, s’est dégagée de la Grande Semaine de l’élevage de Fontainebleau, fin août et début septembre au Grand Parquet, où les discussions, essais et visites vétérinaires sont allés très bon train. Ragaillardi par la modernisation - pas encore achevée mais déjà réussie - du stade équestre francilien, désormais équipé de deux vastes pistes en sable du dernier cri, mais aussi par le beau temps et l’envie largement partagée de se réunir physiquement en un même lieu, empêchée pendant près d’un an et demi, l’événement a attiré les foules, sur les carrières - avec une participation en hausse de 25 % par rapport à 2020 - comme dans les tribunes. “Nous avons retrouvé une ambiance que l’on n’avait plus connue depuis au moins une dizaine d’années!”, s’est félicité Michel Guiot, le nouveau président de la Société hippique française, organisatrice de ce rendez-vous historique. Vu la présence de nombreux marchands, agents et courtiers, français et étrangers, tout cela a naturellement favorisé les échanges. Revigoré depuis quelques années, bien que raboté en 2020, le marché des sauteurs de quatre, cinq, six et sept ans à fort potentiel est bel et bien en croissance. 

Le segment des chevaux d’élevage, âgés de zéro à trois ans, n’est pas en reste. Loin de là. Il suffit pour s’en convaincre d’observer le comportement des acheteurs et l’évolution des prix dans les ventes aux enchères, où les transactions sont publiques. Ainsi, ce que l’on constate presque toutes les semaines à lecture des résultats des adjucations, notamment en ligne, s’est vérifié lors des quatre sessions nocturnes de la vente Élite de Fences, organisée en parallèle de la Grande Semaine. Ainsi, pas moins de 90% des sujets présentés ont trouvé acquéreur, pour un chiffre d’affaires total de 3,973 millions d’euros, en hausse de plus de 30% par rapport à 2020. “Nous avions déjà ressenti un beau dynamisme à l’occasion de notre vente de performers organisée dans le cadre de Longines Deauville Classic (en collaboration avec GRANDPRIX Events, ndlr). Cela s’est confirmé à Bois-le-Roi avec des résultats assez incroyables tant pour les chevaux de trois ans que les foals”, s’est félicité Benjamin Ghelfi, le nouveau président de l’agence. “On a souvent vu quatre, cinq, voire six acheteurs potentiels lutter à de très hauts niveaux d’enchères, contre deux ou trois autrefois, ce qui fait mécaniquement monter les prix. De fait, pas moins de vingt-trois lots ont été vendus plus de 50 000 euros, dont cinq au-delà de 100 000. Le marché du cheval de très haut de gamme ne s’est jamais aussi bien porté, ce qui ne peut que nous encourager à miser toujours plus sur la qualité.”

Cette conclusion vaut sans aucun doute pour nombre d’acteurs de la filière, et en premier lieu pour ses professionnels vivant exclusivement ou principalement de ces activités. Il y a toutefois lieu de s’interroger quant à un risque, concernant tout autant l’Allemagne, les Pays-Bas ou la Belgique: le sport tricolore ne risque-t-il pas d’être victime du succès d’un élevage hexagonal exportant toujours plus de chevaux prometteurs? À trois ans des Jeux olympiques de Paris, Thierry Pomel, sélectionneur de l’équipe de France de saut d’obstacles, ne cache pas ses craintes quant à la perspective d’une pénurie de cracks dans les écuries de ses meilleurs pilotes. “On entend que des chevaux de cinq et six ans se sont vendus plus d’un million d’euros à Fontainebleau... Comment voulez-vous rivaliser face à cela?”, se demande Olivier Robert, dans l’entretien qu’il a accordé à GRANDPRIX, avant de relativiser, empreint de sagesse et d’optimisme. “Pour autant, il y a toujours des propriétaires pour équiper des cavaliers français, même si nous en perdons de temps à autre, et nous faisons naître des chevaux d’exception tous les ans. À nous, cavaliers, de bâtir des systèmes solides, de bien nous entourer et d’être bons avec nos propriétaires.” Souhaitons que l’Aquitain, modèle en la matière depuis une petite décennie, ait raison, et gageons aussi que cette embellie économique profitera largement à une filière en quête perpétuelle d’un modèle viable à long terme.