Rencontre avec Jeanne Sadran, espoir français du saut d’obstacles
À vingt ans, Jeanne Sadran semble destinée à un bel avenir à haut niveau. En piste avec son tempétueux Vannan, la tricolore détourne les regards, notamment lors du Global Champions Tour de Valkenswaard où elle s’est placée troisième d’une épreuve à 1,55m parmi les meilleurs mondiaux! Rencontre avec ce jeune talent.
Vous êtes aujourd’hui l’une des plus jeunes cavalières françaises à concourir régulièrement en CSI5* de manière remarquable. Comment travaillez-vous vos chevaux pour cela au quotidien?
Étant scolarisée en école de commerce, je dois partager mon temps entre les chevaux et mes études. Si j’ai des cours le matin, je vais aux écuries l’après-midi et inversement. J’essaie d’être très organisée pour pouvoir tout faire, et surtout en le faisant bien. J’ai la chance d’avoir une superbe équipe pour m’aider au quotidien, avec deux cavaliers maison et deux grooms aux écuries, je leur dois beaucoup ! Le planning de mes chevaux varie en fonction des échéances à venir. Chaque jour, j’en monte entre quatre et cinq. Ils sortent tous deux fois et sautent en général une fois par semaine des lignes de gymnastique ou de petits obstacles pour que leurs corps soient toujours prêts à l’effort. J’aime beaucoup aller en extérieur, notamment sur la piste de galop. Ils vont aussi au marcheur où ils sont longés. Étant basée dans le Sud de la France, il fait souvent beau, alors j’apprécie que mes chevaux passent du temps au paddock. Concernant l’encadrement, Bertrand Poisson nous entraîne environ deux fois par mois en dressage, que ce soit pour les deux cavaliers maison, ma sœur – Louise – et moi. Julien Épaillard et l’entraîneur national Henk Nooren nous rendent également visite une fois par mois. Nous essayons de les faire venir assez régulièrement car nous avons toujours des choses à travailler, préparer des échéances ou faire du travail de fond. En parallèle, j’essaie de suivre Julien sur les compétitions où il me coache.
À terme, souhaitez-vous devenir cavalière de haut niveau à plein temps?
Actuellement, il m’est difficile de dire ce que je veux faire plus tard. Pour le moment, j’ai la possibilité de pouvoir être cavalière et étudiante, alors je le fais à fond! Lorsque je participe à des CSI5*, je cherche à apprendre, bien faire et être régulière tout en gagnant de l’expérience. Il est beaucoup trop tôt pour que j’y aille avec la gagne à tout prix. Je suis perfectionniste et je veux d’abord faire du mieux possible. Évidemment, avec un classement c’est toujours mieux! Lorsque je participe à un CSI U25, 2* ou 3*, je me montre beaucoup plus compétitive pour pouvoir, sur ces labels-là, essayer d’être classée ou de gagner. J’ai la chance aussi d’être dans une classe réservée aux sportifs de haut niveau, ce qui me permet de pouvoir aller en compétition tout en continuant à étudier. Je sais qu’à un moment, je devrai choisir, mais pour l’instant, il est important que je continue mes études. Je passe également beaucoup de temps à échanger avec mon père, Olivier Sadran, que j’admire énormément concernant le milieu sportif et l’entreprenariat. Il m’inspire et m’aide à me poser des questions indispensables pour construire mon avenir.
Vous êtes membre des Monaco Aces sur le circuit de la Global Champions League. Comment ce circuit vous permet-il de rayonner au top niveau?
Les épreuves sont habituellement en fin de journée, alors j’en profite pour monter mes chevaux avant. Je préfère le faire à des heures assez proches de l’épreuve pour que mon travail sur le plat soit encore frais. Mon coach, Julien Épaillard, et Jérôme Guery, membres de l’équipe, sont souvent avec moi pour me conseiller. Je m’entends aussi très bien avec l’Américaine Laura Kraut, également cavalière des Monaco Aces. Je m’identifie plus facilement à elle puisque c’est une femme. J’admire son parcours et le système qu’elle a mis en place avec son mari Nick. Quand on se retrouve sur les mêmes compétitions, je ne manque pas de lui demander des conseils et de les appliquer. Le Global Champions Tour me permet d’avoir un suivi régulier en compétition avec Julien. Les parcours sont difficiles certes, mais ils me permettent vraiment de passer un cap. Pour moi, ce circuit est une opportunité sportive mais aussi humaine. Je rencontre différents cavaliers avec différents systèmes que je peux observer. Chaque week-end est une leçon ! Je pense tout de même que cela ne remplace pas les étapes que chaque jeune doit faire sur les autres labels, qui sont importants pour la progression ou pour préparer les gros rendez-vous par équipes.
Vannan, fils de Diamant de Semilly, est l’un de vos chevaux qui vous permet de briller sur les plus beaux concours mondiaux. Quelle relation entretenez-vous avec lui ?
C’est un cheval fantastique que nous avons acheté à l’âge de dix ans, en 2019. Vannan rassemble toutes les qualités : le respect, la volonté et la force. Lorsqu’il est arrivé, il a eu besoin d’un temps d’adaptation puisqu’il était dans un autre système, mais nous nous sommes tout de suite très bien entendus. Grâce à lui, j’ai vraiment franchi un cap. Il est tellement gentil et veut vraiment bien faire. Selon moi, un cheval a besoin d’avoir confiance en son cavalier, et je crois que pour Vannan c’est le cas! La complicité que nous avons lui permet de m’aider sur les parcours et de toujours répondre présent. Je peux vraiment compter sur lui. J’ai également le même style de relation avec mon deuxième cheval de tête, Unforgettable Damvil, que je surnomme « Fifou » et que je connais très bien. J’ai une vraie connexion avec ces deux chevaux, même si de manière générale, je m’entends bien avec tous mes chevaux. D’ailleurs, je dois dire que le confinement a vraiment été bénéique. J’ai pu passer davantage de moments aux écuries et être proche d’eux. J’ai pu vraiment prendre le temps de connaître leurs différentes humeurs et d’apprendre à savoir comment agir en fonction.
Cavalière dans vos écuries familiales, Chev’el, à Toulouse, avez-vous déjà pensé à vous installer ailleurs pour engranger de l’expérience et découvrir autre chose?
Aujourd’hui, avec mes études en parallèle, ce n’est pas possible d’aller travailler pour quelqu’un ou de m’installer ailleurs. Cependant, si je décide de ne faire que cela, il faudra que j’aille découvrir autre chose, d’autres systèmes, et que je sorte de mon confort. Chez moi, j’ai tout à disposition. Pour se construire, il faut forcément être dans le dur à un moment ou un autre.
Aujourd’hui, sportive de haut niveau et étudiante, où vous voyez-vous dans dix ans?
J’espère que j’aurai terminé mes études, évolué avec mes chevaux et construit ma vie à côté! J’aimerais gagner des Grands Prix et participer à des championnats. D’abord, je souhaite gommer mes erreurs sur les parcours, m’améliorer techniquement et être plus sûre de moi. Il faut faire les choses dans l’ordre ! Comme tous les sportifs, les Jeux olympiques sont évidemment dans un coin de ma tête, surtout quand on parle des JO Paris 2024, qui sont en France. Si je suis sélectionnée, c’est que j’aurai progressé avec mes chevaux et que je serai prête. Je ferai tout pour y aller, mais sans brûler d’étapes. L’objectif principal est d’évoluer à mon rythme, les résultats et les beaux évènements viendront d’eux-mêmes.