Faisons un Rêve, celui d’un cheval au destin céleste

Faisons un Rêve est la surprise du Mondial du Lion-d’Angers, qui débute aujourd’hui dans le Maine-et-Loire. Une ascension dont se félicitent les protagonistes successifs de la vie de ce hongre de six ans. Actuellement propriété d’un syndicat qui porte son nom, ce futur champion de concours complet suit sa formation sous la selle de Fabrice Saintemarie, sélectionné pour la troisième fois en Anjou.



L’histoire de Faisons un Rêve, hongre Selle Français de six ans par Adzaro de l’Abbaye et Vinkas Girl Joyau DEP (SF, Tinka’s Boy), débute en mars 2015 chez Charlotte Sabaterie, son éleveuse. “Il est le deuxième poulain de Vinkas Girl, une jument borgne destinée à une carrière de poulinière que j’ai achetée pour son pedigree. Comme tous les produits de Tinka’s Boy, elle avait le dos un peu souple. Aussi, j’ai pris soin de choisir des étalons susceptibles de transmettre à ses poulains un dos plus court et plus tonique, avec une bonne sortie d’encolure. Comme elle est naturellement dotée de très bonnes allures, il fallait juste améliorer son équilibre et sa longueur de dos.”

Charlotte dit avoir rapidement décelé le potentiel de Faisons un Rêve. Côté caractère, il s’agit d’un gentil cheval à la spontanéité inhérente à son jeune âge. Derrière ses allants facétieux, il a bon cœur et se montre volontaire et facile au quotidien. L’éleveuse ne tarit pas d’éloges au sujet du hongre, castré à deux ans, qu’elle juge comme son premier bon produit. “Pour sa première année de formation, j’ai souhaité le confier à Fabrice (Saintemarie, ndlr) car je venais de tomber enceinte, mais il n’était pas disponible. Aujourd’hui, je me dis que les choses doivent arriver à un moment et pas un autre. La preuve: il se retrouve sélectionné pour le Mondial du Lion avec Fabrice!” Hasard de la vie, c’est Émilie Ployé-Lacoste qui répond à l’annonce de l’éleveuse pour prendre en charge Faisons un Rêve et le remettre au travail.

Faisons un Rêve croise la route de cette cavalière en octobre 2018 alors qu’il ressort du pré. Tombée sous le charme de ce grand gris, elle décide de s’investir auprès de lui. Émilie reprend les bases et le débourre selon la méthode Blondeau. Son potentiel et sa solide mécanique finissent de la convaincre de l’acheter. Pourtant, l’issue aurait pu être toute autre. “J’ai bien failli, d’abord, ne pas croiser sa route, puis ne pas continuer l’aventure avec lui”, confie Émilie. Il faut dire que les premières épreuves de saut d’obstacles et de hunter ne sont pas franchement couronnées de succès. Pour autant, la cavalière suit son instinct et décide de continuer à révéler le potentiel du cheval.

© Collection privée



“Un cheval qui passerait dans le feu”, Émilie Ployé

Faisons un Rêve et Émilie Ployé.

Faisons un Rêve et Émilie Ployé.

© Collection privée

Tout l’hiver, Faisons un Rêve et Émilie travaillent sous la houlette de Vincent Blanchard, au Club hippique niortais. Le hongre se montre alors sous un meilleur jour. Pour la cavalière, tout s’accélère. “Les résultats de Faisons un rêve ont commencé à faire du bruit. Des propriétaires se sont manifestés pour l’acheter. Mon intuition ne m’avait donc pas trompée. Cependant, sa grande action, trop grande pour le saut d’obstacles pur, et sa qualité de galop me faisaient dire qu’il était plutôt fait pour l’extérieur”, se remémore Émilie, qui dépeint un partenaire gentil, affectueux et avec beaucoup d’humour. “Il n’aime pas être seul. D’ailleurs, il s’est échappé deux fois jusqu’à l’écurie d’à côté pour rejoindre ses copains. Quand j’avais le malheur de le nourrir avec un peu de retard, il se mettait à taper du sabot en signe de protestation. À pied, c’est un cheval en or, démonstratif, facile à soigner, et qui grimpe seul dans le van.”

En selle, le gris d’1,70m peut se montrer joueur, ce qui a valu à son ancienne propriétaire quelques frayeur sans gravité. Rien d’anormal pour elle, considérant qu’un cheval de quatre ans doit s’exprimer. À force de patience et de travail, le hongre s’apaise. “Je reconnais lui avoir passé un certain nombre de bêtises. En tant que propriétaire, j’ai parfois agis de façon moins stricte que s’il avait été mis au travail chez un cavalier professionnel.” C’est avec beaucoup d’émotions et de fierté qu’Émilie a appris la sélection de son ancien protégé au Mondial du Lion. “C’est un cheval au mental d’acier, qui passerait dans le feu. S’il a confiance en son pilote, il fera tout pour lui, jusqu’à l’emmener aux Jeux! Cela fait deux ans qu’il est parti et c’est encore douloureux, mais je sais que j’ai pris la meilleure décision pour mon cheval.”

Sur les conseils de son entraîneur, dès l’été 2020, la jeune femme montre Faisons un Rêve à des complétistes, qui lui opposent une fin de non-recevoir en raison de son manque d’expérience au cross. Après ces refus, elle prend contact avec Fabrice Saintemarie, cavalier installé en Charente-Maritime, qui accepte de le prendre à l’essai. Conquis par les qualités du hongre, notamment sur le test de fond, Fabrice et son épouse décident de le conserver après seulement quinze jours. Le cheval est acheté via un syndicat de propriétaires, permettant au cavalier de compter sur le soutien moral et financier de ses membres. Un groupe WhatsApp, régulièrement alimenté en photos et vidéos, est dédié au hongre afin d’impliquer sa communauté.



“Les planètes ne pouvaient pas mieux s’aligner”, Fabrice Saintemarie

Le gris ne tarde pas à démontrer un potentiel pour la discipline, finissant la saison 2020, profondément chamboulée par la pandémie de Covid-19, par le Critérium des cinq ans à Pompadour. “À son arrivée, c’était un très beau cheval qui bougeait bien, mais sa qualité de saut m’a longuement questionné. À l’hippique, nous avons eu un peu de mal, sortant régulièrement avec quatre points… sauf lors de nos trois derniers concours. À la base, cette année, il n’était même pas qualifié pour la finale du Cycle classique.” Cet été, le complétiste l’engage au CCI 2*-L du Pin-au-Haras, disputé dans le cadre du Grand Complet. Faisons un Rêve se classe sixième, et gagne son ticket pour Pompadour. Laurent Bousquet, entraîneur de Fabrice Saintemarie, conseille au cavalier de participer à la finale. “Selon moi, c’était ambitieux, car il y avait un gros lot de chevaux de six ans. Pour Laurent, si les planètes s’alignaient, cela pouvait passer. Et c’est exactement ce qui s’est passé.”

En effet, en Corrèze, le couple finit au pied du podium du championnat de France, derrière Fair Lady des Broucks (SF, Upsilon, AA x Chin Chin), Figaro Fonroy (SF, Huppydam des Horts x Oberon du Moulin) et Facebook du Vinnebus (SF, Upso d’Aunou x Fétiche du Pas), partenaires de Thomas Carlile, Benjamin Massié et Fabrice Lucas. “À l’hippique, il y avait un demi-tour et un triple qui n’était pas évident à aborder pour les chevaux, mais c’est exactement ce que nous avions travaillé la veille. Ce petit coup de pouce du destin m’a beaucoup fait rire. Les planètes ne pouvaient pas mieux s’aligner”, sourit le trentenaire, qui ne manque pas d’humour. Avant ce fameux dernier test, il dit à son hongre: “Mon gars, si tu fais quatre points, nous n’irons pas au Lion. Je ne t’en voudrais pas, mais sache que si tu es sans faute, nous avons de grande chance d’y aller!”

Ancien pompier professionnel, Fabrice Saintemarie est devenu cavalier à temps plein il y a seulement sept ans. Fort de sa troisième qualification pour le Mondial du Lion, il aborde ce championnat avec sérénité. “Le Mondial n’était pas un objectif, mais je sais maintenant qu’il en est capable. Je pense pouvoir évoluer sans mettre le cheval dans le rouge, ce qui est le plus important. Le but est vraiment de le garder en bonne santé.” Même si Faisons un Rêve fait preuve de précocité, sa patience a été mise à rude épreuve, notamment à l’hippique. “Il m’a imposé de travailler sur moi. Il manquait de trajectoire, mais il fallait juste lui laisser le temps de s’endurcir. Nous avons beaucoup travaillé avec des soubassements, ainsi que sur des sauts de puce pour le faire évoluer dans le bon sens.”

Saura-t-il trouver les mots et la bonne formule dimanche pour obtenir un sans-faute? Avant cela, Faisons un Rêve devra briller au dressage et au cross, et passer deux fois devant les juges et vétérinaires du Mondial. Bonne chance!

Faisons un Rêve et Fabrice Saintemarie.

Faisons un Rêve et Fabrice Saintemarie.

© Pauline Chevalier



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