L’avenir des Coupes des nations revient sur le tapis…

Le futur des Coupes des nations, dont la série créée par la Fédération équestre internationale et soutenu par Longines ne comptera plus d’étape française l’an prochain, fait à nouveau l’objet de discussions. Et celles-ci pourraient aboutir à un nouveau conflit entre dirigeants et acteurs de terrain...



S’il est un sujet dont les dirigeants, protagonistes et aficionados du saut d’obstacles ne se lassent jamais de parler, c’est bien celui des Coupes des nations. Joyau de la couronne, cette vénérable et historique épreuve par équipes passionne les cavaliers, propriétaires de chevaux, entraîneurs, sélectionneurs, éleveurs et plus généralement tous ceux qui s’intéressent aux sports équestres. Pourquoi? Parce qu’elle éveille en chacun de nobles sentiments patriotiques invitant à se transcender ou s’enflammer selon qu’on soit acteur ou spectateur. En piste, on ne monte plus pour soi, mais pour son pays, son drapeau, son hymne et tout un peuple, ce qui change tout. 

Si l’on a pu craindre que la globalisation ne ringardise ces valeurs traditionnelles, il n’en est rien. La finale mondiale des Coupes des nations Longines, début octobre à Barcelone, en a fourni une preuve évidente. Il fallait voir la joie des jeunes Britanniques Emily Moffitt, vingt-trois ans, Harry Charles, vingt-deux ans, et Jack Whitaker, remplaçant, qui n’avait pas encore célébré ses vingt ans (!), vainqueurs de la Consolante aux côtés de la trentenaire Holly Smith et du sexagénaire John Whitaker, inoxydable légende de ce sport. Il fallait aussi entendre les mots de Sanne Thijssen, vingt-deux ans, emplis d’émotion et de fierté après la victoire des Pays-Bas dans le sommet dominical, ou encore la déclaration d’amour de son coéquipier Willem Greve à l’endroit de ces épreuves: “Pour un sportif, rien n’égale une victoire conquise en équipe et pour son pays. Rien!” 

Réjouissants, rassurants, ces propos semblent promettre un avenir radieux aux Coupes des nations. Et pourtant... Tout cela ne suffit pas à occulter les difficultés rencontrées par les CSIO, ces grands événements dont le modèle économique, déjà durement éprouvé par la concurrence des circuits privés et concours indépendants, a encore été fragilisé par la crise sanitaire toujours en cours. Et pour cause, ce sont généralement ceux qui attirent le plus de public. 

Tout cela ne suffit pas non plus à occulter le manque de lisibilité d’un système devenu incompréhensible. Depuis longtemps, sous l’égide de la Fédération équestre internationale (FEI), presque tous les CSIO 5* du Vieux Continent étaient regroupés au sein d’une Super Ligue, renommée Top Ligue puis Division 1 européenne lors de la dernière réforme du circuit, désormais mondial, en vigueur depuis 2013, avec pour objectif la généreuse finale de Barcelone. Cela a le mérite de créer du lien entre des événements à l’identité forte, de séduire les diffuseurs audiovisuels et de mettre de l’ordre dans le système d’invitation des équipes. Seulement, pour des raisons politico-économiques, se sont affranchis de ce circuit certains concours... et non des moindres: Aix-la-Chapelle, le plus prestigieux, où la Coupe est désormais dotée d’1 million d’euros, Rome, le plus élégant, et La Baule, le plus populaire, qui prendra son indépendance en 2022. Il faut ajouter à cette liste l’Officiel de Belgique, qui sera organisé pour la première fois à Knokke l’an prochain. Du coup, la D1 européenne du circuit FEI Longines ne devrait plus comporter que six étapes: Saint-Gall, Sopot, Rotterdam, Falsterbo, Hickstead et Dublin. Le problème se pose de la même manière en Amérique du Nord, où le plus beau CSIO 5*, disputé à Calgary, au Canada, demeure hors circuit. 



La seule piste présentée aux chefs d’équipe consisterait à réduire les Coupes à une manche, avec barrage, contre deux manches actuellement

Consciente des risques liés à cette fragmentation, la FEI s’avoue impuissante face à la liberté de choix des organisateurs, notamment en matière de sponsoring. Pour autant, si la plupart des CSIO 5* indépendants ont noué des partenariats avec Rolex, l’autre maison horlogère qui aime et soutient les sports équestres, les Coupes des nations de ces événements sont généralement patronnées par des constructeurs automobiles ou des banques. En prenant un peu de recul, ne pourrait-on pas assembler tous ces acteurs autour d’une table dans le but de trouver un gentleman agreement qui profiterait au bien commun? Hélas, la FEI semble prendre une autre direction... Selon les mots du président Ingmar de Vos, la maison-mère de l’équitation réfléchit à “moderniser et renforcer son produit, afin qu’il continue à plaire aux connaisseurs, mais qu’il séduise aussi le grand public. Et celui-ci a besoin qu’on lui présente quelque chose de facile à comprendre et qui ne dure pas trop longtemps.” 

Cela devrait se traduire par une nouvelle réforme applicable dès 2023, année lors de laquelle un nouveau contrat serait signé avec Longines. Quel en sera le contenu? Si le Belge, dont le deuxième mandat s’achèvera fin 2022, assure que toutes les parties prenantes auront leur mot à dire, que tout est ouvert et que plusieurs pistes sont à l’étude, la seule présentée aux chefs d’équipe, réunis à ce sujet à Barcelone, consisterait à réduire les Coupes à une manche, avec barrage, contre deux manches actuellement. “Il est encore trop tôt pour affirmer quoi que ce soit, mais le format de ces épreuves fait partie des éléments à l’agenda”, avance prudemment le président. À ce stade, on ne sait ni s’il y aurait une qualificative, puis une manche décisive avec un nombre réduit d’équipes en lice, comme à Barcelone, ni quelle forme prendrait un éventuel barrage. Cependant, les sélectionneurs nationaux, qui devraient prochainement créer un club afin de peser davantage dans les processus démocratiques de la FEI, demeurent, comme les cavaliers, résolument attachés au principe fondamental des deux manches, permettant d’évaluer la résistance physique et mentale des couples en vue des championnats, ainsi qu’aux équipes de quatre couples, dont les résultats de trois seulement comptent pour établir le score final. Autant dire qu’il faut s’attendre à un nouveau bras de fer entre acteurs de terrain et dirigeants...

Cet éditorial est paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX.