“Nous mettons une pression bien trop grande sur les épaules des sélectionneurs”, Eduardo Menezes
Brillant à Calgary, excellent à Grimaud, magistral à Lyon, Eduardo Pereira de Menezes ne rate (presque) rien depuis quelques mois. Véritable globe-trotteur, navigant entre l’Amérique et l’Europe, le Brésilien est l’un des hommes en forme de cette fin d’année. Partenaire de longue date des écuries H5, le sympathique cavalier de quarante et un an au français quasi parfait aborde ses dernières semaines sur le Vieux continent en grande confiance. Il rêve déjà des championnats du monde, notamment aux côtés de son fantastique H5 Chaganus, deuxième du Grand Prix Coupe du monde Longines de Lyon il y a huit jours.
Vous avez réussi un excellent week-end au CHI Longines d’Equita Lyon, vous classant notamment deuxième du Grand Prix Coupe du monde avec H5 Chaganus (OS, Chacco-Blue x Carthago). Comment avez-vous vécu cette expérience?
C’était magnifique. C’était la première fois que je venais à Lyon en tant que cavalier. Avant cela, j’étais juste venu une fois pour coacher mon élève Carlos (Hank Guerreiro, mexicain, ndlr). C’est vraiment un concours exceptionnel. De plus, cela nous a fait du bien de retrouver du public, et il y a régné une super ambiance. Je suis donc ravi que mon cheval s’y soit si bien senti.
De manière générale, vous êtes très en forme en ce moment. Vous aviez déjà remporté un Grand Prix CSI 5* à Grimaud en octobre avec H5 Chaganus…
J’ai la chance d’être soutenu par de nombreuses personnes. Grâce à H5 Stables, nous avons construit un piquet en achetant des chevaux assez jeunes qui arrivent aujourd’hui à maturité. Les clés de ma réussite sont réellement cet exceptionnel piquet ainsi que la formidable équipe d’H5 Stables qui m’aide au quotidien.
Comment s’organise votre système?
Je travaille avec H5 depuis seize ans. J’ai un contrat d’exclusivité avec cette écurie tout en ayant la possibilité d’accueillir mes propres chevaux ou ceux d’autres propriétaires. Cette situation s’est déjà produite quelquefois mais, d’une manière générale, ce sont mes seuls propriétaires. Ils sont d’ailleurs plus que ça, presque une part de ma famille.
Comment s’articule votre relation avec Carlos Hank Guerreiro?
Je suis son entraîneur depuis toujours. Lorsque je suis arrivé, il y a seize ans, il n’avait que cinq ans et ne montait même pas encore à cheval (le cavalier est désormais âgé de vingt et un ans et évolue à haut niveau, ndlr)! Il faudrait lui demander ce qu’il pense de notre association mais j’en suis personnellement très heureux! C’est une relation d’entraîneur à élève mais je l’ai vu grandir et je le considère presque comme un membre de ma famille. Nous éprouvons beaucoup de respect l’un pour l’autre, ce qui est, pour moi, la base de toute bonne relation.
Quels entraîneurs ont-ils joué un rôle important dans votre carrière?
Lorsque j’étais enfant, j’ai eu des entraîneurs. Le plus important a été un cher argentin nommé Gustavo Diaz.
Dans ma vie professionnelle, j’ai eu la chance de profiter de précieux conseils à des moments importants, mais je n’ai jamais été suivi quotidiennement. Lorsque j’ai commencé ce sport, comme la majorité des jeunes professionnels, je n’avais pas les moyens de prendre des cours. J’ai pu bénéficier de l’expérience de plusieurs sélectionneurs de l’équipe brésilienne, dont Jean-Maurice Bonneau, George Morris et Philippe Guerdat (anciennement à la tête de l’équipe de France, ndlr). J’ai également pu compter sur des amis qui m’ont beaucoup aidé et conseillé lors de moments très importants comme Doda de Miranda, Rodrigo Pessoa, Marlon Módolo Zanotelli ou encore Kent Farrington.
H5 Chaganus est votre cheval de tête, pouvez-vous parler un peu de lui ?
Il est exceptionnel. Il a toujours envie de bien faire et je pense qu’il est difficile de trouver un cheval ayant une meilleure qualité de saut que la sienne! Il a un équilibre qui va plutôt vers le bas, ce qui peut être un peu compliqué pour le cavalier. Il se donne toujours à 110%, et il est rapide, respectueux et brave. Si je le monte correctement et sans erreur, il n’y aucune raison qu’il ne soit pas sans faute.
“Chaque cavalier doit se concentrer sur son piquet de chevaux et son travail”
Quid de vos autres chevaux, de leur place dans votre piquet et de vos objectifs avec chacun d’eux?
Je dispose de trois chevaux de neuf ans qui arrivent à haut niveau: Calypso des Matis (SF, Paddock du Plessis x Trésor de Cheux), H.Big Action (KWPN, Action-Breaker x Big Star) qui était à Lyon, ainsi que Hot N Spicy (KWPN, Zento x Hamlet). J’ai Hot N Spicy et H.Big Action depuis qu’ils ont cinq ans tandis que j’ai acheté Calypso l’an dernier. Ils ont énormément de qualités. Je place beaucoup d’espoirs en eux et je pense qu’ils pourront atteindre le plus haut niveau. J’ai également un cheval de la famille Hank, H5 Elvaro (KWPN, Calvaro x Heartbreaker), qui m’a beaucoup donné cette année et a obtenu de nombreuses victoires (cinq au total, dans des épreuves allant jusqu’à 1,55m, ndlr).
Je peux toujours compter sur H5 Quintol (OS, Quintender 2 x Cento) qui a été mon partenaire aux Jeux panaméricains (en 2015, à Toronto, ndlr), aux Jeux olympiques (en 2016 à Rio de Janeiro, ndlr) et lors des CSIO 5* d’Aix-la-Chapelle et de Calgary. Nous avons tout fait ensemble. À seize ans, il est en pleine santé, je peux toujours compter sur lui. J’essaie de l’emmener moins souvent en compétition et de ne le faire concourir que dans des endroits où il se sent à l’aise, notamment sur les grandes pistes en herbe.
Enfin, je peux compter sur un bon groupe de jeunes de six et sept ans. J’ai la chance d’avoir un très bon piquet et de disposer d’une relève de qualité.
Après avoir engrangé dix-sept précieux points à Lyon, deuxième étape de la ligue d’Europe de l’Ouest, allez-vous suivre la Coupe du monde Longines afin de vous qualifier pour la finale, qui se tiendra en avril à Leipzig?
Lyon était mon premier concours indoor en Europe depuis la finale de la Coupe du monde… de Leipzig en 2011! D’habitude, je suis aux États-Unis à cette période de l’année mais, depuis deux ans, nous avons décidé de rester en Europe jusqu’au mois de décembre. Malheureusement, en 2020, tous les concours y avaient été annulés. J’étais curieux de voir la manière avec laquelle mes chevaux sauteraient en indoor, mais j’avais bon espoir parce qu’ils sont très qualiteux. Le circuit ayant bien débuté pour moi, je vais aller à Madrid et La Corogne, mais je ne sais pas encore si je vais essayer de me qualifier pour la finale ou non. Je prendrai ma décision après ces deux concours. Je ne suis pas encore décidé à 100% mais, si je parviens à me qualifier, j’emmènerai certainement Chaganus.
En 2022, il y aura également les championnats du monde de Herning. Sont-ils dans votre ligne de mire?
Oui, ce sera l’un de mes objectifs. Même si je souhait m’y rendre, je verrai au moment venu si je sens l’un de mes chevaux assez en forme pour affronter cette échéance.
Vous n’avez pas été sélectionné pour les Jeux olympiques de Tokyo. En aviez-vous fait un objectif cette année? Vous comptiez pourtant dans votre piquet H5 Quintol, présent à Rio, et H5 Chaganus, acteur de la médaille d’or par équipes acquise aux Jeux panaméricains de Lima.
C’était dans mes projets et ce fut une déception, mais ce n’est pas moi qui prends les décisions. J’essaie d’être à l’écoute de mes chevaux et d’élaborer un programme en fonction d’eux. Quelques temps avant les JO, j’ai décidé de laisser Chaganus un peu tranquille. Il avait réussi un magnifique début de saison à Wellington, mais je ne le sentais pas à 100% au mois de mai. Ne voulant pas le mettre trop à l’effort, j’ai donc décidé de le laisser souffler jusqu’à ce qu’il aille mieux.
Malheureusement, cela m’a fait prendre du retard sur les autres et m’a privé d’une sélection pour ces Jeux. Je ne regrette aucunement cette décision qui m’a permis de retrouver mon cheval en pleine forme pour la fin de saison. Si j’avais forcé au mauvais moment, je n’aurais sûrement pas obtenu les résultats que j’ai actuellement.
Quant à Quintol, une sélection n’était pas envisageable. En 2019, j’ai décidé qu’il ne courrait plus ni championnat ni Coupe des nations pour le préserver. Je souhaite ne l’engager que dans certaines compétitions individuelles. Vu tout ce qu’il m’a donné, il méritait bien cela.
Le Brésil, sixième des JO, est entraîné depuis près de trois ans par Philippe Guerdat. Comment se porte la nation depuis son arrivée?
Je pense que de temps en temps, dans la tête des gens, l’entraîneur est un héros lorsqu’une équipe gagne et est un vilain lorsqu’elle perd. Je pense que personnellement chaque cavalier doit se concentrer sur son piquet de chevaux et son travail. En grands championnats, si nous avons de bons cavaliers et de bons chevaux, nous avons la possibilité d’obtenir de bons résultats. Les sélectionneurs nous voient seulement quelques fois par an et je pense que nous mettons une pression bien trop grande sur leurs épaules. À la fin, c’est à nous, cavaliers, de bien monter nos chevaux et de bien les gérer pour obtenir de bons résultats. Philippe a pour mission de composer une équipe mais c’est à nous de bien monter pour obtenir un résultat, c’est en piste que tout se joue! Pour autant, c’est toujours bien de pouvoir compter sur quelqu’un d’aussi expérimenté dans les moments importants.
“Aux États-Unis, nous pouvons perfectionner nos chevaux de haut niveau tout en nous occupant ceux d’avenir”
Vous êtes à mi-temps entre l’Europe et les États-Unis. Quand allez-vous à nouveau traverser l’Atlantique cette année?
Mon dernier concours en Europe sera le CSI 5*-W de La Corogne. Après cela, je vais rentrer aux États-Unis pour l’hiver. Si j’ai les points nécessaires et que je décide de participer à la finale de la Coupe du monde, je reviendrai peut-être avec Chaganus, mais mon retour définitif se fera en avril.
Pourquoi ne pas rester en Europe à l’année?
Au départ, nous étions basés uniquement aux États-Unis. Nous nous sommes implantés en Europe depuis deux ans seulement. Mes propriétaires sont Mexicains donc il est plus simple pour nous de passer l’hiver en Amérique. En Europe, lors des concours indoor, normalement chaque cavalier ne peut engager que deux chevaux (sauf exception comme lors du CSI 5*-W de Vérone, où les cavaliers ont droit à trois chevaux, ndlr). Cependant, nous avons un piquet assez large et besoin de concourir régulièrement avec tous nos chevaux. Aux États-Unis, particulièrement à Wellington, nous pouvons perfectionner nos chevaux de haut niveau tout en nous occupant de ceux d’avenir. Ainsi, lorsque la saison extérieure redémarre en avril en Europe, ils sont davantage préparés. Sans cela, bon nombre d’entre eux resteraient plusieurs mois sans concourir énormément. Disposer de ces deux pied-à-terre solidifie notre système. C’est un réel atout.
Comment choisissez-vous les compétitions auxquelles vous participez?
Nous essayons avant tout d’écouter nos chevaux. J’élabore mon programme en fonction d’eux. Pour Quintol par exemple, son objectif cette année était le CSIO 5* de Calgary alors j’ai essayé de le préparer au mieux à ce rendez-vous. Je tente de faire cela avec tous mes chevaux. Cela ne fonctionne pas toujours mais, dans ce cas, je me pose et je regarde ce que j’ai pu faire de mal, où la préparation a-t-elle pu être mauvaise afin de m’améliorer.
Que pouvons-nous vous souhaiter pour la suite?
Que mes chevaux et ma famille soient en bonne santé. Pour le reste, je m’adapte.