“Je pensais n’être bon qu’à former des chevaux et les revendre”, Cédric Hurel

Cédric Hurel n’en finit plus de briller ! Lauréat du Grand Prix CSIO 3* de Vejer de la Frontera fin octobre avec Fantasio Floreval Z, le cavalier installé à Gambais est une nouvelle fois monté sur la plus haute marche du podium dimanche grâce à son bai à l’occasion de l’étape du Grand National du Mans. Grâce à son hongre si spécial, il a pu accéder à un bon nombre de CSI 4* et 5* cette saison et compte bien continuer sur cette lancée.



Vous venez de remporter le Grand Prix Pro Élite du Mans avec Fantasio Floreval Z (ZANG, . Florian de la Vie*Bazooka x Clinton). Quel est votre ressenti à la suite de cette victoire ? 

J’ai le sentiment que mon cheval est au sommet de sa forme. Concours après concours, il confirme qu’il est régulier, performant et rapide. Petit à petit, il prend confiance lors des barrages et a atteint une véritable maturité. Nous avons commencé sur 1,25m il y a deux ans pour arriver là aujourd’hui. J’ai pris le temps de le former jusqu’à 1,55m et il n’a encore jamais couru à 1,60m mais je compte bien l’emmener jusque-là. Concernant le Grand National, notre objectif avec mon frère Jérôme est de remporter le circuit.  

Avec ce même cheval, vous vous imposiez déjà dans le Grand Prix CSIO 3* de Vejer de la Frontera le 31 octobre. Comment expliquez-vous cette ribambelle de succès ? 

Tout dépend bien sûr du piquet de chevaux sur lequel nous pouvons compter. J’ai toujours préparé des chevaux à sauter 1,50m. Je travaille avec des investisseurs et je les fais acheter entre six et huit ans sur des enveloppes pas toujours très conséquentes. J’essaie donc de trouver des chevaux un peu verts, qui n’ont pas encore été trop remarqués puis de les former jusqu’à 1,50m afin qu’ils soient revendus. Il se trouve que Fantasio m’appartient et que j’ai pris la décision de le conserver un peu pour profiter de mon cheval et également voir si je suis capable de sauter plus haut que 1,50m. C’est une satisfaction personnelle car cela fait vingt-cinq ans que je fais ce métier et je voulais voir un peu autre chose que ce dont j’ai l’habitude.


Cédric Hurel peut notamment sur Chakira Z © Sportfot

 

En ce moment, quelques cavaliers ont pris la décision de confier leurs chevaux à d’autres pilotes mieux placés au classement mondial, comme ce fut le cas avec James Bond de Hay et Vol Deux Nuits, récemment passés sous la selle de Kevin Staut. Y avez-vous songé pour Fantasio Floreval Z ? 

Non, je ne souhaite pas le confier à quelqu’un d’autre. Si un jour il est monté par quelqu’un d’autre, c’est parce que je l’aurai vendu. J’ai toujours eu le rêve de faire un peu de haut niveau, mais je l’avais perdu de vue il y a deux ou trois ans. Je pensais n’être bon qu’à former des chevaux et les revendre. C’est bien la preuve qu’il ne faut jamais arrêter de rêver. Je n’ai pas acheté ce cheval en ayant dans l’idée de participer à des épreuves d’envergure. Fantasio était initialement pour mon épouse avec pour objectif de sauter 1,25m ou 1,30m. Je l’ai moi-même mis en route afin de voir comment il était et je ne lui ai finalement jamais rendu! Il s’agit donc d’une belle histoire. C’est un très bon cheval mais étant donné qu’il peut être sensible et imprévisible, ses réactions peuvent être un peu violentes. Il lui arrive de faire demi-tour ou d’avoir des réactions en réception au paddock qui demandent un peu d’expérience.

Outre ce trait de caractère, comment décririez-vous Fantasio Floreval Z ? 

Il a énormément de tempérament, est très communicatif et veut que l’on s’occupe de lui sans cesse. Il est adorable et très proche de l’Homme au quotidien. Il est également très précieux et ne veut surtout pas se faire mal, donc il fait attention à tout. C’est en partie pour cela qu’il est aussi respectueux ; il craint un peu les barres et ne veut surtout pas les toucher. Il lui arrive de commettre une faute, mais la plupart du temps c’est plutôt à cause de moi que de lui. 



“Je n’ai pas peur d’affronter des échéances plus importantes !”

Quels vont être vos prochains objectifs avec lui ? 

Nous avons déjà été classés jusqu’en Grand Prix CSI 4* à Valence (avec un sans-faute lors du parcours initial en vidéo ci-dessous et une faute au barrage, le couple s’est classé septième fin août, ndlr) où nous avions gagné l’épreuve majeure du vendredi (en vidéo ci-dessous, ndlr). Nous pouvons dire que le niveau 4* est un peu acquis car au-delà de ces résultats, le Grand Prix du CSIO 3* de Vejer de la Frontera était à 1,55m, ce qui équivaut à un Grand Prix 4*. Il y avait une étoile en moins compte tenu de la dotation, mais pas du niveau. Nous ne sommes pas si loin d’un résultat sur des barres à 1,60m. Après le CSI 4* de Rouen et la finale du Grand National du Mans, Fantasio va se reposer. Édouard Couperie (adjoint du sélectionneur national Thierry Pomel, ndlr) qui était avec nous à Vejer de la Frontera m’a demandé de démarrer la saison assez tôt lors d’une tournée l’an prochain afin que mon piquet de chevaux soit prêt. Ce n’est pas moi qui déciderai mais je pense qu’ils ont une petite idée derrière la tête. Moi aussi bien sûr, mais je ne veux pas trop m’avancer. J’ai déjà été dans une Coupe des nations dans un CSIO 3* il y a deux semaines, j’y ai gagné le Grand Prix qui était plus proche d’une première que d’une deuxième ligue. Nous voir évoluer dans une telle épreuve était un bon test. Nous n’étions que six au barrage sur soixante partants et ma coéquipière Juliette Faligot a terminé troisième (avec Arqana de Riverland, ndlr). Nous verrons donc en début d’année prochaine mais je n’ai pas peur d’affronter des échéances plus importantes ! 

Que pensez-vous de l’accessibilité au plus haut niveau ?

C’est difficile et les CSI 5* me paraissaient inaccessibles mais j’ai eu la chance de pouvoir en courir deux car Sadri Fegaier en organise beaucoup en France. Cela permet à de nombreux cavaliers de deuxième plan de pouvoir y participer, même s’il s’agit d’un circuit assez fermé. Il n’y a pas de secret, il faut gagner des épreuves comptant au classement mondial. Pour cela, il faut plusieurs chevaux, courir un maximum de CSI et remonter dans la hiérarchie mondiale. En début d’année, je devais être huit ou neuf centième (mille deuxième début mars, ndlr) et je suis désormais deux cent soixante douzième. En août, j’ai dû gagner trois cent places mais plus on grimpe, plus les places sont chères car les cavaliers devant ont beaucoup de points. En restant au-delà des cent ou cent-cinquantième rangs, ce n’est pas évident d’accéder aux 5*. Il faut donc espérer être régulier, car c’est cela qui paie pour être sélectionné par le staff fédéral. Si je participe à un 5*, c’est uniquement parce que j’ai gagné ma place.

Ici à l'Hubside Jumping de Grimaud, Cédric Hurel espère bien emmener Fantasio Floreval Z jusqu'aux épreuves à 1,60m. © Sportfot


Comment se compose le reste de votre piquet ? 

Je compte sur Chakira Z (ZANG, Crown Z x Quidam de Revel), une jument de neuf ans que nous avons achetée aux Pays-Bas. Elle est vraiment régulière et évolue très bien. Elle n’est pas complètement prête sur 1,50m, mais est constante à 1,45m. Il reste encore un peu de travail de dressage mais elle a des capacités certaines. Elle sera bien plus aguerrie l’an prochain. J’ai aussi Castor d’Hem (SF, Ready Boy des Forets*HN x Richebourg), qui est le plus performant en arrivant pourtant assez rapidement à ce niveau. Il a un mental d’acier donc nous sommes passés de la 1,35m à la 1,45m rapidement. Il compte déjà à son actif une deuxième place dans le Grand Prix CSI 2* de Valence, une victoire dans une épreuve qualificative au CSI 2* de Royan. Je compte sur lui pour compléter le piquet car il est assez rapide au sol contrairement à Chakira qui est un peu plus lente. Quando VA est quant à lui plus tardif (HOLST, Quadros x Casall) donc nous le construisons patiemment. Il a les moyens de sauter très haut mais, selon son éleveur, il ne devrait atteindre sa maturité qu’à dix ou onze ans. La souche maternelle est apparemment très tardive. Il est né à l’étranger, à l’élevage VA dont est aussi issu le très bon Chopin VA (HOLST, Casall x Coriano), monté par la Sri Lankaise Mathilda Karlsson. Ce dernier a aussi un peu de caractère je crois ! J’ai également Bugatti d’Hammer (SF, Lamm de Fetan x Papillon Rouge), qui est très bon à ce niveau aussi mais qui est en convalescence. Je monte aussi des chevaux en devenir qui ont sept ans et qui courent plutôt jusqu’à 1,40m ainsi que deux chevaux de six ans avec beaucoup de qualité, qui participeront peut-être à la finale des sept ans l’an prochain s’ils sont prêts. Ils n’ont pas pris part au circuit de la Société hippique française (SHF). Nous avons acheté le dernier il y a un mois et demi et la jument n’a pas couru à cinq ans, donc nous avons rattrapé le retard sans prendre part à ce circuit mais plutôt à des épreuves préparatoires à 1,20m ou 1,25m pour finir sur 1,30m. J’ai changé mon fusil d’épaule il y a quelques années car je ne peux pas tout faire entre les jeunes chevaux et les vieux. Je veux plutôt me concentrer sur un piquet de chevaux d’expérience plutôt que de faire les deux en même temps, car cela rend la vie de famille compliquée.



“Fantasio est peut-être le cheval de ma vie”

Comment s’organise votre système ? 

J’ai quitté l’écurie familiale depuis un peu plus de vingt ans en allant en tant que cavalier chez André et Annick Chenu entre 1998 et 2000. J’ai vécu une très bonne expérience là-bas avec des jeunes chevaux et d’autres un peu plus expérimentés. Je suis rentré de Normandie en m’installant à mon compte et j’ai changé d’écurie plusieurs fois. Je suis aujourd’hui locataire à Gambais, à l’écurie Nessi. J’ai une écurie de seize boxes, entre trois et cinq élèves et des chevaux à exploiter. Je fais acheter des chevaux à des investisseurs, je les travaille et tente de les faire gagner avec l’espoir de pouvoir les revendre à échéance variable selon la qualité du cheval, afin d’en tirer le meilleur prix. C’est un système de mise en valeur pour les mener le plus haut niveau possible. Les pensions ne me permettent pas de gagner ma vie correctement et les gains en concours sont aléatoires, même si je réalise une très bonne année et que les gains ont pris le relai des pertes financières des mois de Covid-19 ou de mes convalescences (en mai 2020, Cédric Hurel s’était cassé les deux clavicules, ndlr). Je compte en moyenne sur une dizaine de ventes de chevaux par an. C’est en général une vente par mois mais cela fluctue. 

Comment cherchez-vous les recrues que vous intégrez à vos écuries ? 

Mon terrain de chasse comprend les concours nationaux avec les épreuves préparatoires entre 1,10m et 1,25m. C’est là que l’on trouve des chevaux en construction et un peu tendres, que d’autres ne veulent pas forcément. À ce stade, les prix ne sont pas encore exorbitants. Si je ne trouve pas, je connais pas mal de monde donc je peux passer des coups de fil. Je ne presse jamais pour acheter car c’est le meilleur moyen de ne pas trouver. 

Votre frère Jérôme a évolué jusqu’au plus haut niveau, puisqu’il a notamment défendu la France aux Européens d’Aix-la-Chapelle en 2015. Quels sont vos échanges ? 

Lorsque nous sommes au même concours, nous avons toujours une petite phrase pour l’autre à la reconnaissance. J’ai toujours un peu imité la monte de mon frère et j’essaie d’être un peu plus dans l’osmose avec le cheval. Lui préfère les avoir dans son moule tandis que j’ai tendance à m’adapter un peu plus. Ça ne marche pas à tous les coups, mais lorsqu’un cheval comprend ce que je veux de lui, les résultats s’enchainent et je vois la différence. Je n’hésite jamais à “sacrifier” des parcours pour prendre le temps et que le cheval apprenne de lui-même end faisant une ou deux fautes. 

Rêvez-vous de faire équipe avec votre frère un jour en Coupe des nations ? 

Oui, ce serait vraiment sympa de courir de belles échéances aux côtés de Jérôme. Nous faisons déjà équipe dans le Grand National, pourquoi ne pas continuer! Il est un peu moins équipé qu’à une époque donc il faut qu’il puisse reconstruire un piquet de chevaux et avoir un cheval qui sort du lot. Ce sport est fait de hauts et de bas. Peut-être que Fantasio est le cheval de ma vie ou que j’en aurai un jour un autre aussi bon ou encore meilleur. Nous avons la chance d’avoir un élevage français qui tient vraiment la route, une sélection de chevaux et de poulains importante. L’élevage Floreval d’Evelyne Plater, dont est issu Fantasio, fait un excellent boulot. Suspens Floreval (SF, Clinton x Damiro B) en est également issu et a participé aux Jeux équestres mondiaux avec le Russe Vladimir Tuganov. Les bons chevaux ne sont pas facile à trouver, mais il y en a encore!

Cédric Hurel et Fantasio Floreval Z lors de leur victoire à Vejer de la Frontera. © Equus Media