Pas de pied, pas de cheval!

Tout le monde connaît l’adage: pas de pied, pas de cheval. Et pour cause… Le cheval porte l’intégralité de son poids sur ses sabots. Ceux-ci sont parfois mis à rude épreuve selon l’allure et le type de terrain dans lesquels évolue l’animal, et jouent un rôle essentiel dans sa locomotion. Ils permettent d’amortir, mais aussi de propulser le cheval dans ses déplacements. C’est pourquoi il faut être particulièrement attentif aux soins à y apporter, tant au niveau de la boîte cornée que du système locomoteur. Cela passe par l’observation au quotidien, la prévention et des protocoles de soins adaptés.



Avant d’en prendre soin, il est important de connaître le pied d’un cheval. Dans le sabot se trouvent les os des deuxième et troisième phalanges, l’articulation interphalangienne distale, ainsi que l’os naviculaire et les tendons et ligaments correspondants. À la place de la peau, un système protecteur et amortissant englobe le tout: la boîte cornée, constituée d’une paroi rigide, avec des lamelles de corne qui viennent s’imbriquer dans les lamelles d’une paroi de chair, le tissu velouté. Sous le pied, on retrouve la paroi à l’extérieur, séparée de la sole par la ligne blanche. Au centre, la fourchette, constituée d’une corne plus souple, qui rejoint la peau en talon avec ce qu’on appelle les glomes. Simon Lang, responsable technique de la gamme équine chez Boehringer Ingelheim, précise que “la boîte cornée joue un rôle de protection des structures internes de soutien et d’amortissement des phalanges, des articulations interphalangiennes et des ligaments. Des faiblesses de la boîte cornée, telles qu’une épaisseur trop fine de la sole ou des problèmes de fourchette (crapaudine, abcès, seimes, fourbures), peuvent entraîner des boiteries.” En plus de jouer un rôle protecteur des structures internes du sabot, la boîte cornée permet au cheval de porter son propre poids, et remplit la tâche d’amortisseur, indispensable à la bonne locomotion du cheval. Elle doit donc être suffisamment solide pour protéger le pied des agressions extérieures (cailloux, clous, humidité, bactéries, etc.). Toute fissure ou ramollissement du sabot du cheval est un point d’entrée potentiel pour les germes. Son aplomb est primordial pour garantir un support équilibré au membre du cheval. Amélie Henry, chef de marque chez Ravene, développe: “Le sabot est l’enveloppe protectrice des structures internes du pied du cheval. Sa paroi est constituée de corne rigide, qui conserve cependant une certaine souplesse et une mobilité indispensable à l’amortissement des chocs. C’est donc une structure complexe, qui supporte le poids du cheval et doit résister aux différents sols sur lesquels il évolue. Un cheval bien dans ses pieds, c’est la base d’une bonne locomotion. C’est pour cela qu’il est indispensable de préserver les propriétés biomécaniques du pied, en y apportant la plus grande attention. Un problème de pied peut mettre le cheval dans l’inconfort, le faire boiter, mais aussi déclencher d’autres pathologies si le cheval adopte des positions antalgiques pour soulager le ou les pieds douloureux.”



Pourquoi faut-il particulièrement prendre soin des pieds de nos chevaux?

Si le pied du cheval ne va pas bien, c’est l’intégralité de sa santé qui est en péril. Geoffrey Gotis, maréchal-ferrant et créateur des produits Duck Hoofcare, explique qu’il “est très important de bien s’occuper des sabots. Un sabot bien entretenu (souplesse, élasticité, résistance aux chocs…) avec des soins réguliers permet un bon amortissement de la boîte cornée, de la fourchette ainsi qu’un fonctionnement correct des cartilages complémentaires nécessaires à une vascularisation optimale du pied.” C’est pourquoi, on ne le répètera jamais assez, il est fondamental d’agir en prévention. Simon Lang insiste sur ce point: “Le cavalier et /ou le groom doivent surveiller quotidiennement l’état de santé d’un cheval. Concernant les pieds, il s’agira de rechercher une éventuelle chaleur au niveau de la boîte cornée, prendre le pouls digité au niveau du boulet et, bien entendu, curer les sabots et les entretenir avec des onguents adaptés. Si la qualité de la corne n’est pas satisfaisante, on peut prescrire une cure de biotine, ou procéder à des analyses des phanères avec les crins. Pour une corne sèche, il faudra nourrir, tandis qu’une corne fragilisée par une humidité excessive devra être asséchée.” “Il faut faire en sorte que le pied soit assez fort pour affronter son environnement sans en pâtir”, ajoute Griselda Beaumont, responsable marketing chez NAF. “Pour ce faire, nous avons développé une gamme de produits riches en acides gras et en émollients qui hydratent le sabot, nourrissent et stimulent la pousse de la corne, et agissent comme un véritable pansement en protégeant la corne des agressions extérieures.” Geoffrey Gotis précise: “Il faut graisser avant de doucher. Cela évitera à l’eau de pénétrer dans la boîte cornée via les trous de clous (rivets) et ainsi évitera tout craquement de la paroi et pourrissement de la ligne blanche.”



Mot d’ordre: anticiper

Il est vraiment fondamental de se montrer à l’écoute de nos chevaux et des signes de gêne qu’ils émettent. Trop souvent, les propriétaires agissent en curatif. Mais rien ne vaut la prévention: ferrage régulier, graissage des sabots, respect de l’animal au travail. Mais aussi une bonne alimentation, comme le précise Geoffrey Gotis: “Les compléments alimentaires sont là pour aider l’animal à fortifier son tonus, son énergie vitale et, de ce fait, sa santé générale.” Une réflexion que partage Lieselot Hamerlink, managing partner chez Cavalor: “Les cornes qui s’effritent, les pieds douloureux, les pieds secs : autant de pathologies du pied dont souffrent de nombreux chevaux. Il existe une multitude d’éléments nutritifs qui impactent la santé des sabots. Les chevaux, selon les pathologies auxquelles ils sont plus ou moins sujets, doivent être nourris et complémentés en conséquence. Par exemple, les chevaux fourbus doivent être nourris pauvrement en sucre et amidon. Des compléments peuvent être donnés aux chevaux nourris avec des aliments ne contenant pas assez d’éléments nutritifs permettant de soutenir la santé du sabot, ou à ceux nourris avec une ration faiblement dosée en concentrés. En support général, un complément combinant vitamines et minéraux peut être proposé. En cas d’un besoin spécifique concernant la santé du sabot, Cavalor a mis au point un mélange très concentré de tous les éléments nutritifs nécessaires pour stimuler la croissance du sabot et/ou renforcer le sabot, contenant non seulement de la biotine, mais également des levures, des composés de sulfate, des acides aminés et acides gras et autres éléments nutritifs. En effet, la bonne santé du pied, comme celle de l’ensemble du corps, passe par un bon équilibre alimentaire. Dans le cas spécifique d’une corne fragile, ou fragilisée, la biotine seule ne suffit pas.” 

Du côté de chez NAF, la complémentation alimentaire joue aussi un rôle important, comme l’explique Sylvain Austry, responsable commercial France: “Nous avons développé, en partenariat avec des vétérinaires et des maréchaux-ferrants, un produit spécifique servant de soutien nutritionnel pour cibler une fonction hépatique saine, ce qui est fondamental pour la croissance des sabots. La biotine est combinée avec un riche complexe de soufre, de méthionine, de lysine et de MSM, des minéraux comme le calcium et le zinc, un large éventail d’acides aminés d’origine naturelle et d’acides gras essentiels.” Stéphanie d’Esquermes, vétérinaire et chef de produit chez Equistro, va encore plus loin: “La complémentation alimentaire va jouer à trois niveaux dans le soutien du pied: favoriser la pousse et la qualité de la corne, assurer une bonne vascularisation et un soutien ostéo-articulaire. Mais attention, car si le choix des plantes composant un produit est certes capital, leur qualité et la façon dont elles sont dosées pour s’équilibrer entre elles et dont les principes actifs sont extraits font toute la différence. Nous avons en ce moment un produit phare de notre gamme dédié au soutien ostéo-articulaire, fruit d’un mélange savamment dosé entre des compléments cartilagineux et du boswellia.” 

Luce Dejoie, dirigeante fondatrice de Karitale et maréchal-ferrant, développe pour sa part: “La bonne santé des pieds passe avant tout par une alimentation de qualité. C’est elle qui va permettre d’apporter à l’organisme du cheval tous les éléments importants à la production d’une corne de qualité. La complémentation alimentaire est possible, mais elle doit se faire par cure pour ne pas rendre le métabolisme dépendant. Il est important de noter que pour avoir des pieds en bonne santé, le cheval doit avoir la possibilité de se déplacer afin de favoriser la vascularisation des pieds. En effet, des problèmes de pourriture de fourchettes peuvent être réglés ainsi.”



Attention aux sols!

Le pied du cheval se trouvant en contact permanent avec le sol, il faut prendre garde à ce que celui-ci soit de bonne qualité. “Il est important de prendre en compte les sols sur lesquels évolue le cheval au quotidien”, explique Amélie Henry. “Ce facteur est extrêmement météo-dépendant. L’exemple le plus flagrant, c’est la fourchette. Dès lors que les terrains redeviennent humides en automne, il est fréquent de rencontrer des chevaux avec des fourchettes ramollies, qui s’effritent, dégageant une odeur nauséabonde. La fragilité de la fourchette peut aller jusqu’à gêner le cheval dans sa locomotion si rien n’est fait. Bien sûr, anticiper ce genre d’effet dès l’arrivée de l’humidité en appliquant des soins adaptés en prévention est l’idéal. Il en va de même pour les pieds cassants en été, quand les sols sont secs. L’idéal, c’est d’hydrater et d’assouplir le sabot plutôt que d’attendre qu’il s’assèche.” À ce sujet, NAF a développé un produit dédié, comme le décrit Sylvain Austry: “Nous avons mis au point un onguent unique pour les sabots à base d’extraits d’huile essentielle d’eucalyptus, une pommade qui pénètre profondément dans la corne pour la garder souple et aider à protéger le sabot, sujet à la fissuration ou au fendillement.” Alors que nous entrons dans la période hivernale, Amélie Henry continue: “En automne, l’enjeu est de préserver le pied d’un trop-plein d’humidité. Je recommande vivement de laisser les onguents au placard jusqu’au printemps et de basculer sur de l’huile et de l’huile de cade. C’est pour aider les propriétaires à anticiper ce genre de choses que nous avons développé un protocole de soin sur mesure pour chaque cheval afin d’accompagner l’entretien du pied tout au long de l’année en fonction de différents facteurs.” 

“Nous disposons d’un produit ciblé : un durcisseur pour sabots qui contient du soufre naturellement biodisponible pour protéger les sabots cassants, durcir les soles molles et désinfecter les fourchettes”, présente Sylvain Austry. 

“Il est important d’adapter le quotidien de son cheval en fonction de l’état ou de la nature de ses pieds”, conseille Luce Dejoie. “Pour un cheval au box et développant un problème de fourchette, il va être préférable de le mettre au paddock, d’éviter les sols trop humides ou les carrières trop arrosées. Si un maintien au box est nécessaire pour des raisons médicales, il est important de conserver une litière propre et d’appliquer des soins externes en prévention.” Et Geoffrey Gotis de préciser: “Chaque saison étant différente, les soins apportés sur le sabot peuvent varier légèrement. L’hiver, le cheval produit moins de kératine pour ses pieds qu’en été. Le kératogène (molécule de kératine) étant utilisé pour produire son poil et protéger le cheval du froid, l’avalure de corne sera donc moins importante qu’en haute saison. De ce fait, utiliser un onguent sur les sabots régulièrement est la meilleure solution en période humide. Bien nettoyer les sabots avec un vieux bouchon et un cure-pied pour enlever la boue, sécher les sabots avec un linge sec, graisser les sabots, et ensuite seulement doucher. Dans tous les cas, hiver comme été, je conseille vivement de graisser avant de doucher car l’eau ruissellera sur le sabot sans pénétrer la boîte cornée. Ensuite, il existe des produits pour l’hiver à base de goudron de Norvège; je ne préconise pas le goudron même pour des problèmes de fourchettes pourries.”



L’importance du marréchal-ferrant

Qui dit pied dit maréchalerie. Un pied en bonne santé passe par un suivi assidu et rigoureux d’un maréchal-ferrant. “Un maréchal-ferrant a pour rôle de maintenir et d’améliorer la santé de l’animal en oeuvrant sur sa locomotion”, confirme Geoffrey Gotis. “Un ferrage ou parage régulier (toutes les quatre à six semaines selon le cheval) est indispensable. Le maréchal est également à même de proposer une ferrure adaptée au pied du cheval: ferrure avec plaques, ferrure orthopédique.” Luce Dejoie explique quant à elle que “l’entretien des pieds par le maréchal-ferrant évite bien des problèmes. Il va pouvoir détecter des signes avant-coureurs et alerter le propriétaire sur la forme globale du cheval au travers de la lecture de la boîte cornée et du pied. Par exemple, des lignes de stress reflètent un choc encaissé par l’organisme (changement alimentaire, travail intense, crise de pyroplasmose, fourbures, etc.). Il va pouvoir identifier, localiser et percer des abcès, ou apporter des solutions à des seimes, mettre en place des protocoles pour apporter du confort à des chevaux atteints de la maladie naviculaire… Au-delà de la santé des pieds, le maréchal-ferrant peut avoir une action directe pour soulager des pathologies articulaires, tendineuses ou ligamentaires. Dans bien des cas, une collaboration avec les vétérinaires permet de trouver les solutions les plus adaptées. Un entretien régulier des pieds permettra de prévenir d’éventuels problèmes au niveau des sabots et sur l’appareil locomoteur.” Sophie Paul Jeajean, responsable technique de la gamme équine chez Boehringer Ingelheim, abonde dans ce sens: “Le maréchal va avoir un rôle d’observateur et de relais auprès du vétérinaire. Il va pouvoir observer l’usure du fer ou une éventuelle sensibilité au parage. En ce cas, en accord avec le vétérinaire, il va pouvoir apposer de la silicone, des plaques, des fers biseautés ou en aluminium, ou une ferrure orthopédique. De nombreuses solutions existent pour amoindrir les facteurs de risques, diminuer les pressions si nécessaire et soulager les traumatismes. À noter que lorsque le cheval souffre des pieds, il est recommandé de procéder à un check-up de santé global, car un problème situé ailleurs peut se répercuter sur les pieds.” “Il peut être opportun de regarder ce qu’il se passe au niveau sanguin et vasculaire, car un manque de vitamines, minéraux ou oligo-éléments peut altérer la santé du pied”, confirme et conclut Geoffrey Gotis. “De façon générale, précisons que de nos jours, les maréchaux-ferrants et les vétérinaires travaillent en étroite collaboration, ce qui n’a pas toujours été le cas. La formation de maréchalerie ayant grandement évolué, un maréchal comprend aujourd’hui parfaitement une ordonnance vétérinaire, une imagerie (radiographie, IRM, scintigraphie…), et les nouvelles technologies ne font que conforter cette collaboration indispensable.” 

Cet article est paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX.