L’IJRC n’abandonne pas le combat contre les équipes de trois aux Jeux olympiques

Un peu moins de trois semaines après l’assemblée générale de la Fédération équestre internationale (FEI), où le principe des équipes de trois couples, testé cet été aux Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo, a été confirmé pour ceux de Paris 2024, le Club des cavaliers internationaux de saut d’obstacles (IJRC) refuse de baisser les armes. Dans un texte signé de la main d’Eleonora Ottaviani, sa directrice de longue date, l’IJRC livre une juste analyse des faiblesses de la gouvernance et du système démocratique institués par les statuts de la FEI. Voici ce texte traduit en intégralité.



Quelques semaines se sont écoulées depuis l’assemblée générale de la FEI, qui s’est tenue à Anvers. Celles-ci ont été utiles pour nous permettre d’aborder un certain nombre de questions exprimant l’inquiétude de quelqu’un ayant toujours vécu ce sport avec passion. De fait, il y a matière à réflexion.



Des faits

Il semble que le conflit autour des formats olympiques n’oppose pas les nations européennes au reste du monde, mais plutôt les nations qui ont participé aux Jeux et celles qui n’y ont pas participé. Il est apparu que sur les trente fédérations qui ont voté pour revenir aux compétitions par équipes de quatre cavaliers, où seuls les trois meilleurs résultats comptent, environ 90% ont participé aux Jeux olympiques. Seuls 10% environ des trente-quatre nations ayant participé aux JO ont préféré le format à trois couples sans drop score. Sur les soixante-dix pays favorables au format à trois cavaliers, moins de 10% ont déjà participé aux JO ou comptent des cavaliers concourant dans des Coupes des nations ou des CSI 5*.

De nombreux pays qui ont voté pour le format à trois couples ont malheureusement très peu de chance de pouvoir concourir aux JO de Paris qui se dérouleront dans un peu plus de deux ans seulement. De nombreuses fédérations ont certainement pris en considération les opinions exprimées par le directeur sportif du Comité international olympique (CIO). Des opinions fondées sur des concepts corrects que nous respectons et qui ont également été reconnus par nos institutions. Cependant, dans cette lettre, il manque un mot essentiel pour nous tous: cheval. Or, les chevaux sont la raison de vivre de tous ceux qui s’impliquent dans les sports équestres; ils sont nos partenaires dans le sport et dans la vie.



Une problématique majeure

À ce stade, il devient naturel de se demander pourquoi les pays participant aux JO devraient obéir à des règles édictées par des fédérations qui n’ont aucune expérience olympique et dont la grande majorité ne pourra pas se qualifier pour les Jeux de Paris 2024? La FEI, organisation de droit suisse (art, 60 et suivants), est plus spécifiquement une association. À ce titre, selon le droit suisse, chaque membre, fédération nationale en l’espèce, a droit à une voix. C’est un système fondé sur une majorité démocratique, où l’emporte celui qui a le plus de voix. Cependant, lorsque les minorités ne sont pas respectées, bien que la minorité à l’assemblée générale de la FEI représente environ 85% des pratiquants de sports équestres, cela risque de devenir une démocratie dictatoriale au sens où l’entend Aristote, célèbre pour son concept “d’un homme, une voix”.

En fait, ce à quoi certains s’opposent, ce n’est pas le vote, mais le système de vote, qui selon eux devrait être plus proche de celui de grandes fédérations Internationales comme celles de tennis et de ski, parmi d’autres, qui donnent à chaque fédération une voix, plus des voix supplémentaires aux fédérations nationales comptant un très grand nombre d’athlètes licenciés (au moins 20.000 en tennis), participant à des compétitions internationales et ayant obtenu des résultats aux championnats du monde et aux Jeux olympiques. Et si les chevaux pouvaient voter… chaque cheval aurait-il droit une voix?



Des considérations et des questions

Comme on l’a vu, ces trente voix dont nous discutons sont réparties entre Europe, Amérique du Nord et Amérique du Sud, à une petite exception près en Afrique, et sont des nations qui ont une activité sportive proportionnellement importante. On se sent autorisé à se demander si cette décision n’a pas été dictée par la volonté d’un bloc de soixante-dix nations, démotivant peut-être les trente fédérations nationales qui représentent de facto les sports équestres et la quasi-totalité des chevaux et athlètes inscrits à la FEI et évoluant en compétitions internationales… Malheureusement, une atmosphère étrange était palpable lors de l’assemblée générale. Une situation dans laquelle chacun plaidait sa cause, mais dans laquelle on n’écoutait visiblement pas et l’on essayait pas de comprendre les autres.

À ce stade, des questions importantes se posent:
1) Qualité ou quantité? Et que penseront nos sponsors si nous sacrifions la qualité?
2) La priorité doit-elle être le respect des chevaux ou une plus grande exposition médiatique?
3) Sommes-nous sûrs de vouloir changer les règles parce que certains pays justifient leur choix en affirmant qu’il est plus facile de trouver trois couples que quatre?
4) Sommes-nous vraiment sûrs de vouloir devenir comme la boxe, le basket ou le tennis, des sports dans lesquels athlètes et supporters ne considèrent plus les JO comme le mythe et le rêve de tous?
5) Imaginerait-on l’athlétisme changer son relais 4x100m parce que quelques fédérations ne disposent pas de quatre sprinteurs?
6) Et si, à l’avenir, quelques fédérations nationales nous disaient qu’elles n’avaient que deux cavaliers, passerions-nous à des équipes de deux cavaliers?
7) Qu’adviendrait-il des courses de Formule 1 si l’exclusion d’un pilote comme Charles Leclerc ou Carlos Sainz Jr. entraînait l’élimination de l’équipe Ferrari?



Des solutions ?

Il nous faut parvenir à une solution commune, une synergie, et trouver ensemble les réponses à toutes ces questions et certainement aussi un bon format pour les JO de Paris. Il y a deux propositions qui s’avèrent particulièrement astucieuses et méritent d’être prises en compte:

1) L’idée présentée par le Russe Maxim Kretov, ou un délégué du Groupe III, suggérant que nous devrions travailler tous ensemble, surmonter les conflits et peut-être parvenir à augmenter le nombre de participants aux Jeux olympiques d’une manière qui satisferait les besoins de chacun.
2) La proposition de Steve Guerdat de ne pas déclasser les JO mais d’aider les pays qui n’ont pas de traditions équestres à élever leur niveau.

Notre sport est unique parce que nous le pratiquons avec des chevaux. Faisons du cheval le sujet de ce sport et non son objet.