Mis en cause pour des techniques d’entraînement controversées, Ludger Beerbaum dément toute faute

Lors d’un reportage diffusé hier soir, la chaîne allemande RTL s’est penchée sur le recours à des méthodes d’entraînement présumées interdites dans les écuries de Ludger Beerbaum. Compte tenu de la notoriété du quadruple champion olympique et homme d’affaires, ces allégations rencontrent un fort retentissement. La Fédération allemande et la Fédération équestre internationale se rangent derrière la protection du bien-être animal, principe primordial de leurs règlements, lesquels reposent toutefois sur une distinction ténue entre les notions de “barrage” et de “toucher”. Cet après-midi, Ludger Beerbaum a jugé ce reportage “manifestement faux, diffamatoire et calomnieux sur de nombreux points”.



Hier soir en Allemagne, RTL a diffusé un reportage d’une heure particulièrement sévère à l’égard des sports équestres, dénonçant de présumées violations des règles et principes encadrant la protection du bien-être animal. Dans son magazine RTL Extra, la première chaîne privée et quatrième chaîne d’Allemagne en termes d’audience prétend notamment que des techniques interdites de barrage seraient employées sur des chevaux des écuries de Ludger Beerbaum, situées à Riesenbeck, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Sur la foi d’images qui auraient été captées clandestinement par un(e) ancien(ne) employé(e) de l’entreprise, le reportage identifie nommément le quadruple champion olympique comme acteur et responsable des faits présumés. Par ailleurs, une journaliste mandatée par RTL et infiltrée au sein des écuries Beerbaum, via un stage au service marketing, a saisi des images montrant Ludger Beerbaum dans une scène similaire, qualifiée de “barrage” par des personnes présentées comme expertes dans le reportage. La journaliste assure également avoir trouvé des barres recouvertes d’un revêtement à picots, dans un grenier, mais aussi dans une remise située juste à côté d’une carrière de travail.

Selon RTL, ce reportage est l’aboutissement d’un travail d’investigation de deux ans. Si le lieu et le nom du cavalier concernés par ces allégations sont restés confidentiels jusqu’à l’annonce de la diffusion, la Fédération allemande et certains de nos confrères, dont ceux de St. Georg, média équestre de référence outre-Rhin, indépendant mais appartenant à une filiale du groupe contrôlant également RTL en Allemagne, étaient informés qu’une enquête était en cours. Sollicitée dès 2020, la Fédération nationale, dont le siège se situe à Warendorf, à cinquante kilomètres au sud-est de Riesenbeck, avait demandé à RTL de voir les premières images, afin de les étudier, de se prononcer et donner les suites nécessaires le cas échéant, ce que la chaîne a refusé, tant que son enquête était en cours. Et l’an passé, la fédération avait décidé de porter plainte contre X pour atteinte au bien-être animal.

Ce matin, elle a publié un long communiqué résumant à ses yeux ses échanges avec RTL. “Comme nous l’avons déjà dit en 2020 et 2021, nous prenons ces allégations très au sérieux. C’est précisément pourquoi nous analyserons attentivement les images diffusées mardi soir et tirerons ensuite les conclusions appropriées sur la manière de procéder. Afin d’être en mesure de procéder à une évaluation sérieuse des faits, toutes les vidéos et tous les éléments de preuve sont nécessaires. Nous demandons donc à nouveau à RTL de nous les mettre à disposition dans leur intégralité”, a déclaré Sönke Lauterbach, secrétaire général. “Dès maintenant, quelle que soit la contribution montrée, nous pouvons clairement dire que l’utilisation de barres carrées, à fossettes ou à pointes est inacceptable et non conforme aux principes d’un sport équestre équitable.”

La fédération allemande entend traiter cette question à trois niveaux. “D’une part, nous vérifierons si des procédures réglementaires peuvent être engagées. D’autre part, s’agissant de la plainte pénale déposée en 2021, nous informerons le procureur de la République de la contribution de RTL afin qu’il puisse apprécier les faits sur la base de la loi sur la protection des animaux. Enfin, la commission fédérale, qui a été mise en place en janvier 2021, continue de s’occuper des méthodes d’entraînement aux sports équestres et en particulier de la thématique dite du ‘toucher’.”



Comment distinguer le “barrage”, interdit, du “toucher”, autorisé?

À ce stade, il convient d’effectuer un retour en arrière. Dans un éditorial de St. Georg daté de mai 2021, Gabriele Pochhammer, l’une de nos plus expérimentées consœurs, rappelle un scandale survenu il y a plus de trente ans. “Peu de temps avant les premiers Jeux équestres mondiaux, en 1990, ‘Stern’ (hebdomadaire allemand adepte des scoops, ndlr) avait publié des photos de chevaux mis aux enchères qui avaient été rendus “propres”, c’est-à-dire soigneux, à chaque saut au moyen d’un coup donné avec une perche, par un assistant qui s’était accroupi derrière un buisson et agissait au moment où le cheval franchissait l’obstacle. ‘Stern’ avait ajouté un rapport sur l’utilisation de chocs électriques, de punaises et d’acide, avec lesquels les cavaliers allemands auraient cherché le succès. Un tollé avait traversé les médias”, se souvient la journaliste. “La résolution de Potsdam ‘sur les attitudes équestres envers le cheval’ avait été votée un an plus tard, et un passage ajouté aux directives d’entraînement de la fédération nationale, dans lequel une distinction avait été faite entre le barrage, interdit, et le “toucher”, autorisé, ce qui a été critiqué comme une mesure fictive. “Toucher” un cheval avec une barre non métallique ne pesant pas plus de deux mille grammes pendant qu’il franchit un obstacle est autorisé lors de l’entraînement à domicile afin d’augmenter sa conscience de l’obstacle. Cela ne peut être effectué que ‘par des spécialistes du cheval expérimentés et chevronnés ayant suffisamment de sensibilité et d’expérience’, indiquent les directives. Des questions se posent: y a-t-il une formation au toucher, ou comment les “maîtres du toucher” acquièrent-ils l’expérience nécessaire? Comment voulez-vous contrôler qu’ils ne frappent pas plus fort après tout?” […] Il faudrait également traiter la question de savoir si le public aujourd’hui, trente ans après le premier scandale, accepte toujours une méthode par laquelle les chevaux peuvent être encouragés à mieux performer par des moyens artificiels, même si cela ne s’appelle plus du barrage et que le mot ‘toucher’ sonne définitivement plus fin.”

Aujourd’hui, la fédération reconnaît la nécessité de réexaminer et clarifier cette règle. “Malgré toutes les formulations existantes, il est difficile d’illustrer, de délimiter et de faire passer la différence entre ces deux notions. En janvier 2021, la FN a donc mis en place une commission composée de représentants permanents et honoraires des associations équestres et d’élevage, d’entraîneurs et de précurseurs dans les disciplines olympiques, ainsi que de scientifiques et de vétérinaires. Celle-ci doit revoir les méthodes de travail controversées et, le cas échéant, émettre des propositions de modification des règles. L’objectif était de présenter les résultats d’ici fin 2021. Plusieurs réunions de la commission ont eu lieu en 2021, mais ses travaux se sont prolongés en raison de la complexité de la question du ‘toucher’.”



“Le bien-être des chevaux est ma priorité et celle de mon équipe”, Ludger Beerbaum

Cet après-midi, Ludger Beerbaum a répondu à son tour aux accusations formulées sur RTL, niant fermement s’être adonné à des pratiques non autorisées par les règlements de la Fédération allemande. “Le reportage de RTL Extra est manifestement faux, diffamatoire et calomnieux sur de nombreux points. Bien entendu, nous engagerons des poursuites judiciaires à son encontre. Il est inacceptable qu’il ait été secrètement filmé sur ma propriété privée. Concernant les accusations portées contre moi et mon équipe, le bien-être des chevaux est ma priorité et celle de mon équipe. Seul un cheval qui est traité de manière appropriée, soigné et nourri de manière professionnelle, entraîné et géré, peut offrir des performances sportives. Les chevaux sont notre capital, dont nous nous occupons jour après jour. Les scènes montrées dans le reportage n’ont rien à voir avec la pratique illégale du barrage. Au lieu de cela, des professionnels expérimentés et des plus chevronnés ont appliqué la méthode autorisée du ‘toucher’. L’outil vu dans la vidéo répondait aux spécifications de la Fédération équestre allemande en matière de toucher autorisé, ne mesurant pas plus de trois mètres et ne pesant pas plus de deux kilogrammes”, introduit le communiqué.

“Je dirige mon écurie comme une écurie ouverte, où des groupes de visiteurs viennent tous les jours, des clients viennent chercher le fourrage pour leurs chevaux, et les ‘stagiaires’ sont également les bienvenus. Ici, l’équitation et l’entraînement quotidien se font dans des zones bien visibles. Il n’y a rien de caché ni de non autorisé. Le fait que la prétendue ‘investigation’ de deux ans n’ait pu révéler que quatre scènes présentant le ‘toucher’ d’un cheval montre clairement que même cette méthode d’entraînement autorisée n’est que très rarement utilisée ici et ne fait pas partie du travail quotidien”, argue le cavalier. “Les ‘barres polygonales’ trouvées dans les écuries par la prétendue stagiaire sont des barres en bois utilisées exclusivement pour la construction et la réparation des clôtures de nos pâtures. Dans le film, les isolants pour les bandes de clôture attachés aux poteaux sont bien visibles. Si l’on prétend que ceux-ci sont utilisés pour barrer des chevaux, c’est faux. Il en va de même pour les barres avec les “bosses” qui sont représentées dans le grenier. Tout ce que je peux dire à ce sujet, c’est qu’elles sont là depuis des années. Elles proviennent d’un stock d’obstacles acheté et ont été triées pour ne pas être utilisées. Et elles ne sont pas non plus employées pour l’entraînement des chevaux. Comment l’une de ces pièces, brillante et propre en plus, s’est soudainement retrouvée entre des barres d’obstacles communes, je ne peux que spéculer. Pour moi, il est évident que l’une de ces barres a été placée là explicitement pour le reportage télé. Nous allons mener d’autres investigations à ce sujet”, conclut le quadruple champion olympique sur ton offensif.



Des règles impossibles à faire respecter partout

Dans un communiqué publié ce matin, la Fédération équestre internationale s’en est tenue à rappeler son attachement au respect du bien-être animal, principe primordial de ses règlements. “La FEI est au courant des allégations formulées dans le documentaire diffusé sur RTL en Allemagne le 11 janvier 2022 et enquête à ce sujet. Nous sommes déjà en contact avec la Fédération nationale allemande et continuerons à collaborer étroitement avec elle afin de déterminer une ligne de conduite appropriée. Le bien-être du cheval est au cœur de tout ce que défend la FEI et nous condamnons fermement toutes les méthodes et pratiques d’entraînement contraires au bien-être du cheval. La FEI a mis en place des règles strictes pour protéger le bien-être des chevaux qui permettent de prendre des mesures à la fois lors des événements FEI et ailleurs. La FEI condamne absolument toute forme de maltraitance des chevaux et les méthodes d’entraînement montrées dans les séquences vidéo de RTL sont totalement inacceptables du point de vue du bien-être des chevaux et contraires aux règlements de la FEI.”

Pour rappel, l’article 142 du règlement général de la FEI stipule que “nul ne peut abuser d’un cheval pendant une épreuve ou à tout autre moment. Le terme ‘abus’ désigne une action ou une omission qui cause ou est susceptible de causer une douleur ou un inconfort inutile à un cheval, y compris, mais sans s’y limiter ‘frapper’ un cheval (alinéa VI).” De même, l’article 243.1 du règlement de saut d’obstacles de la FEI dispose que “toutes les formes de traitement cruel, inhumain ou abusif des chevaux, y compris, mais sans s’y limiter, diverses formes de coups, sont strictement interdites. L’article 243.2.1 donne ensuite une description non exhaustive de cette notion, au sens de la FEI: “Ce terme est interprété comme incluant toutes les techniques artificielles destinées à inciter le cheval à sauter plus haut ou plus prudemment en compétition. Il n’est pas pratique d’énumérer tous les moyens possibles de frapper, mais en général, il s’agit de l’athlète et/ou d’assistants à pied agissant sous sa responsabilité, soit en frappant manuellement les jambes du cheval avec quelque chose – peu importe avec quoi ou par qui – ou en faisant délibérément en sorte que le cheval frappe lui-même quelque chose, que ce soit en construisant des obstacles trop grands et/ou trop larges, en plaçant de fausses lignes de sol, des barres au sol ou des éléments d’une combinaison à une fausse distance, en tirant ou en poussant intentionnellement le cheval dans un obstacle ou rendant difficile ou impossible pour le cheval de franchir l’obstacle d’entraînement sans le heurter.”

Dans le cadre d’un concours, le règlement est clair. “En cas de coup ou tout autre pratique éducative abusive dans le délai de compétence du jury, l’athlète et le cheval concernés seront disqualifiés de toutes les épreuves pendant au moins vingt-quatre heures. En outre, le jury peut prendre toute autre mesure qu’il juge appropriée selon les circonstances, y compris, mais sans s’y limiter, la disqualification de l’athlète et/ou du cheval de l’ensemble de l’événement”, édicte la FEI, ce qui n’est pas toujours appliqué par les officiels. En revanche, il demeure impossible de faire respecter ces règles, aussi justes et de bon sens soient-elles, dans les écuries, célèbres ou anonymes. Aussi appartient-il au cavalier, et à tous ceux qui l’entourent, de garder à l’esprit que l’on ne peut jamais transiger avec le bien-être animal, fondement de l’équitation et garantie de son avenir.



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