Des structures se mobilisent pour offrir une belle retraite à leur cavalerie de club

Les chevaux et poneys de clubs sont l'essence même d'un centre équestre. Ils sont de véritables maîtres d'école pour toutes les générations de cavaliers qu'ils côtoient au cours de leur carrière. Quand l’heure de la retraite a sonné pour la cavalerie de club, les dirigeants d’établissements équestres ont généralement imaginé la solution afin de leur offrir la meilleure fin de carrière possible. Ces dernières années, certaines structures ont développé leur propre système afin de remercier de la plus belle des manières des équidés qui ont été, parfois pendant des années, au service de l’apprentissage de leurs licenciés. Tour d’horizon de quelques belles initiatives.



Créer sa propre association dédiée aux retraités

Le haras de la Vaillantière, dirigé depuis vingt-cinq ans par Karinn Judic à La-Chapelle-sur-Erdre, a créé une association nommée Erdre&Gesvres Protection Cheval pour assurer la retraite de sa cavalerie de club, et mis en place toute une stratégie de financement.
Karinn Judic n’est pas issue du milieu du cheval, et a débuté relativement tardivement l’équitation. Cependant, elle a été rapidement confrontée à une dure réalité du monde équestre en récupérant, à quinze ans, un trotteur sauvé de la boucherie. Quelques années après, à sa mort, elle a décidé de consacrer sa vie aux chevaux. Après s’être installée à son compte à l’âge de vingt-quatre ans, elle a vite revendu deux chevaux de club, qui n’étaient pas adaptés à cette vie, afin qu’ils vivent encore de belles années au pré. “Finalement, j’ai appris que mon souhait n’avait pas été respecté, que l’un d’entre eux était parti à la boucherie… Ce n’était pas possible que cela se répète. Il faut assurer la fin de vie des chevaux de club. J’ai une responsabilité envers eux, même si je me suis trompée à l’achat”, justifie-t-elle. Une prise de conscience qui la pousse à s’engager pour une meilleure fin de vie des équidés qui intègrent ses écuries. Aujourd’hui ils sont trente à cohabiter paisiblement dans ses prés.
La co-création de l’association Erdre&Gesvres Protection Cheval avec son époux Yoan et sa fille Coline a permis de formaliser l’aide fourni par les cavaliers. Depuis cinq ans, une cotisation de vingt euros par an, ou plus pour ceux qui le souhaitent, est versée par les quatre-cent cinquante licenciés à l’association, permettant des financements divers (frais vétérinaires et de santé, achat de foin, etc.). Un groupe de cavalières a fait preuve d’initiative en développant un projet la fabrication de housses d’étriers, serviettes brodées, bracelets, tote bags, chouchous, et autres créations, dont les matières premières sont fournies par l’association. Ces produits sont ensuite proposés à l’achat, sans prix imposé: chacun donne ce qu’il veut! Ce qui a, par exemple, permis de récolter neuf-cent euros à Noël car tous les bénéfices sont entièrement reversés à l’association.
Pleinement engagée en faveur du bien-être animal, qu’elle considère à juste titre comme “essentiel”, Karinn Judic, élue du Comité départemental d’équitation de Loire Atlantique et du Comité régional d’équitation des Pays-de-la-Loire, met en avant l’importance d’une prise de conscience collective. “Nous avons une mission de respect envers la cavalerie de club. C’est un système duplicable si on prend le temps de le faire”, assène-t-elle. En ayant développé depuis plus de vingt ans un havre de paix pour ses chevaux retraités, Karinn Judic a su fidéliser ses cavaliers, sensibles à sa vision, mais aussi en attirer de nouveaux. Et la dirigeante insiste sur l’importance d’éduquer et d’expliquer cette démarche, ce qui permet l’adhésion de tous.

 



Mettre en place un partenariat avec une association dédiée

Pour un club urbain n’ayant pas forcément la place d’héberger ses retraités, un partenariat avec une association peut être mis en place. Citons l’exemple du Club Bayard Équitation, situé à Vincennes, qui s’est associé à l'association Crinière au vent pour leur cavalerie retraitée. L’idée de la création de cette association revient à une cavalière de la structure, Elisabeth Thiolas. Depuis 1999, les poneys et chevaux à la retraite sont donnés à l’association par le centre équestre, qui se charge ensuite de trouver des adoptants pour chacun d’entre eux. Lorsque c’est le cas, les équidés restent néanmoins propriété de l’association, qui conserve ainsi un droit de regard et s'assure de leur bien-être. Depuis plus de vingt ans, ce ne sont pas moins de cent-vingt équidés qui ont pu bénéficier d’une belle retraite grâce à l’association.
Concernant le fonctionnement de ce système, les licenciés du centre équestre Bayard Équitation peuvent devenir, s’ils le souhaitent, adhérents de Crinière au vent et effectuer des donations libres. Éric Vernon, dirigeant de la structure parisienne, ne manque pas d’idées pour inciter ses cavaliers à faire preuve de générosité. “Après le premier confinement, nous avons développé des “cartes Covid” pour que nos cavaliers puissent rattraper les heures de cours perdues. Au lieu de les utiliser, cent-quatre vingt d’entre eux ont décidé d’en faire don à l’association Crinière au vent. Cela a représenté plus de vingt mille euros, correspondant au montant financier des heures de cours qu’ils n’avaient pas pu réaliser”, sourit-il.



Faire don de sa cavalerie pour aider des personnes en situation de handicap

Déjà habitués à tous types de publics, les poneys et chevaux de club peuvent tout à fait rejoindre des associations œuvrant dans le domaine de l’équithérapie. Ils participeront ainsi à aider des personnes en situation de handicap, les accompagnant tout au long d’un processus d’amélioration de leur vie, sans pour autant être montés. En début d’année, Equivallée - Haras national de Cluny a fait don d’Elboy, un poney de seize ans, à Nino et sa famille. Le garçon de quatre ans, en situation de handicap, présente des retards psychomoteurs importants et des troubles autistiques, sans qu’un diagnostic précis ne soit pour l’heure posé, et est soutenu dans son combat par l’association Le chemin de Nino. “Il est venu plusieurs fois dans notre centre équestre, donc nous connaissons ses parents. Ils ont noté que la présence d’un poney aide Nino dans son développement psychomoteur, et ont souhaité en accueillir un. De notre côté, nous réfléchissions à la retraite d’Elboy, victime d'arthrose et qui a donc stoppé toute activité de club. C’est la première fois que nous étions sollicités pour un don en faveur d’une personne dans le besoin. C’était une très bonne occasion de confier ce poney qui a encore de belles années à vivre, et avec lequel Nino pourra construire une relation”, exprime Erwan Boucher, directeur d’Equivallée - Haras national de Cluny. Une initiative généreuse qui a rempli de joie Nino et sa famille, qui ont partagé en vidéo l’arrivée d’Elboy sur la page Facebook de l’association.
Erwan Boucher partage le souhait du Conseil départemental de Saône-et-Loire, de l’IFCE et de la Ville de Cluny, membres du Groupement d'Intérêt Public en charge de la gestion du site, de pouvoir offrir aux équidés la meilleure fin de vie possible. Habituellement, les nouveaux retraités sont donnés contre bons soins à des cavaliers ou des particuliers. “Nous choisissons des personnes de la région, afin de continuer à suivre nos anciens protégés. Et un contrat est systématiquement signé pour garantir le respect de nos volontés et le bien-être des poneys et chevaux”, précise le trentenaire.  



Parrainer son poney/cheval préféré

“La mise à la retraite des chevaux de club est un enjeu pour les dirigeants qui doivent anticiper ce moment. Ils sont parfois confrontés au dilemme d'arrêter un cheval ou un poney vieillissant mais encore en bonne santé pour une pratique moins régulière ou des cavaliers au niveau équestre plus modeste. Certains clubs mettent en place des initiatives pour pallier cela. C’est notamment le cas des opérations de parrainage, où les clubs proposent à leurs cavaliers de prendre en charge la retraite d'un équidé avec une participation libre supplémentaire, comprise dans la cotisation au club. C’est un système qui fonctionne généralement bien. Ce parrainage permet de les placer plus facilement, directement chez le cavalier, dans des associations ou familles d'accueil”, témoigne Jean-Luc Vernon, dirigeant du Club hippique des étangs de Meudon dans les Hauts-de-Seine.
À travers ces différents exemples, il est possible de constater que les dirigeants de poney-clubs et centres équestres disposent ainsi de toute une palette de solutions afin d’offrir à leur cavalerie de club une retraite bien méritée.