“Chavez pour 2028 ? Je veux y croire !”, Max Thirouin
Max Thirouin et sa fidèle Utopie Villelongue sont en forme en ce début de saison. À Lierre, le couple a signé de belles performances dont une première place il y a une semaine dans une épreuve à 1,45m du CSI 2* et une quatrième place dans le Grand Prix dominical. Rassuré par la bonne santé de sa jument, le cavalier originaire de Maintenon, en Eure-et-Loir, est plein d’espoirs pour la suite. À cinquante et un ans, le Seine-et-Marnais mise également beaucoup sur son piquet de jeunes chevaux pour prendre la relève et lui faire retrouver la route du haut niveau.
Dimanche, vous avez disputé le Grand Prix du CSI 2* de Lierre et avez terminé à la quatrième place avec Utopie Villelongue (SF, Mylord Carthago*HN x Calypso d’Herbiers). Quel a été votre sentiment en sortie de piste?
Mon objectif avec Utopie était d’aligner les sans-faute et elle ne m’a pas déçu. La jument a enchainé cinq parcours à 1,45m et elle est à chaque fois sans-faute. Je suis très satisfait de notre parcours, d’autant plus que Jeroen Dubbeldam (le Néerlandais médaillé d’or en individuel aux Jeux olympiques de Sydney, mais aussi aux Jeux équestres mondiaux de Caen en 2014 et aux championnats d’Europe d’Aix-la-Chapelle en 2015, ndlr) m’a lancé en sortie de piste avec un grand sourire: “Vous avez été rapide. J’ai essayé mais je n’ai pas fait mieux.” J’étais vraiment heureux car au moment de notre petit trotting récupérateur, Utopie était bien, elle était vraiment en pleine forme. J’ai le sentiment d’avoir entamé l’année avec une jument au top et c’est formidable. Depuis son titre de vice-championne de France, elle n’était plus la même, j’avais l’impression que quelque chose n’allait pas. J’ai finalement trouvé ce qu’il se passait en fin d’année dernière en allant à Dozulé au CIRALE (Centre d’imagerie et de recherche sur les affections locomotrices équines, ndlr). La mésothérapie a permis à la jument de retrouver sa belle forme et c’est un vrai bonheur de la sentir à cent pour cent.
Plus largement, quel bilan tirez-vous de votre saison?
Très frustrant. Les blessures successives d’Utopie et de Black de l’Abbaye (SF, Ugano Sitte x Diamant de Semilly) ont mis un coup d’arrêt à ma saison et il a fallu faire avec. Mes jeunes chevaux ont réalisé une très bonne année avec de nombreux sans-faute, ce qui est très positif. 2021 est derrière moi et j’accueille 2022 avec beaucoup d’espoirs. J’évolue au sein d’une super écurie avec une équipe merveilleuse donc je me concentre là-dessus. Je travaille également avec un coach formidable pour atteindre les objectifs que je me suis fixé.
En ce début d’année, que peut-on vous souhaiter?
Assurément d’avoir un peu plus de chance qu’en 2021!(rires). Mon entourage m’aide à ne pas voir le verre à moitié vide car j’ai fait beaucoup de bons résultats même si ce n’étaient pas ceux que j’espérais. Au classement mondial Longines, j’ai dégringolé de plus de deux cent places, ce qui a été un réel coup dur. Je n’ai plus mon crack Jewel de Kwakenbeek (BWP, Cicero Z x Quidam de Revel, vendu aux États-Unis, ndlr), en lequel je croyais. Utopie était très bien en début de parcours mais elle n’arrivait pas à conclure et terminait avec quatre points. Parfois c’était de ma faute, je commets des erreurs, comme dans le Grand Prix à 1,60m de Chantilly où j’ai fait un mauvais choix de foulée après la rivière.
Quels sont vos objectifs pour 2022?
En 2022, je serai très présent sur le circuit Grand National et je compte également disputer le championnat de France. Je reste sur une deuxième place (lors du championnat Pro Élite de Fontainebleau, en 2019, ndlr) et une quatrième avec Utopie. J’attends de voir ce qu’il va se passer. Cette année, j’espère que tous les grands cavaliers internationaux joueront le jeu et répondront présents pour faire un superbe championnat et lancer la saison. L’échéance est prévue en avril et je souhaite montrer qu’Utopie, même si elle n’était pas sélectionnable en 2021, saura répondra présente en 2022 avec l’espoir qu’elle fera partie des choix du sélectionneur. Avec elle, l’objectif que je me suis fixé est de gagner un 5*, de faire des belles épreuves et d’être capable de revenir au niveau. Tout cela, avant qu’elle fasse des poulains avec Chavez (rires). Elle a beaucoup de sang alors je pense qu’il lui reste encore quelques belles années. Regardez Tic Tac (le cheval du Britannique Ben Maher, lauréat à Wellington, ndlr) qui remporte un Grand Prix à dix-neuf ans, alors pourquoi pas elle!
Votre piquet de chevaux a-t-il évolué?
Je mise beaucoup sur les jeunes. Le plus âgé est un cheval de sept ans, Frenchy Meniljean (SF, Diamant de Semilly x Muguet du Manoir), dont je suis le propriétaire. Je lui ai fixé un objectif à la hauteur de sa taille, soit très grand. Nous évoluerons à son rythme et je pense qu’il fera des épreuves à 1,50m en fin d’année de huit ans, peut-être à neuf ans. Je fonde beaucoup d’espoirs en lui. J’ai aussi Gorille Doral (SF, Galopin du Biolay x K Zostara 56), un étalon de six ans que j’ai en copropriété avec ses naisseurs. Il est vraiment exceptionnel, avec un mental incroyable et je le prépare pour le haut niveau. Gorille est encore jeune alors il faut se montrer patient. Enfin, il y a Chavez Z (ZANG, Cicero Z x Chellano Z), mon bébé de cinq ans. C’est vraiment un amour, celui que je monte en premier le matin. Il est exceptionnel, tout le monde le demande. Je l’emmène d’ailleurs à l’approbation d'étalons Zangersheide à Deauville les 12 et 13 février prochains. Il a une façon naturelle de monter son corps, sans effort, alors qu’il est encore très jeune. Son mental est incroyable ; il est top et je mise aussi beaucoup sur lui. Je garde les autres devant lui pour le protéger, je l’emmènerai à très haut niveau uniquement quand il sera prêt et qu’il me le fera comprendre. Je fais tout ce qu’il faut pour ne pas me précipiter. J’ai également des quatre ans avec de très bonnes origines qui arrivent mais c’est un peu tôt pour en parler. Je cherche d’ailleurs à collaborer avec de nouveaux propriétaires. Mais généralement, les bonnes personnes sont déjà avec les bonnes personnes et la bonne personne, pour moi, a été Madame Ewald. Elle a beaucoup collaboré avec Michel Robert avant de travailler avec moi et ce pendant quinze ans. Elle est malheureusement décédée mais c’est vraiment grâce à elle que j’ai pu avoir ces deux très bons chevaux que sont Utopie et Jewel. Elle m’a poussé à investir dans les jeunes et tout le piquet qui arrive, c’est grâce à cette grande dame.
“Je suis très fier de mon piquet de jeunes chevaux, ils sont extraordinaires !”
Quels chevaux sont susceptibles de prendre la relève de votre jument de tête, Utopie Villelongue?
Actuellement, il est compliqué de trouver des chevaux, les prix sont très élevés et hors de ma portée. Les arrêts successifs que nous avons subis avec la rhinopneumonie et la Covid-19 n’ont pas aidé. Je trouve qu’il y a une vraie pénurie en ce moment et que la demande pour des bons chevaux est plus importante que l’offre. Il m’est impossible d’acheter un cheval de Grand Prix, c’est pourquoi j’étoffe énormément mon piquet de jeunes chevaux, dont je suis très fier. Pour l’instant il n’est pas question de relève, je compte sur Utopie pour reprendre la route du haut niveau.
Comment se porte votre activité de valorisation et de vente de chevaux ? A-t-elle été impacté par la pandémie?
J’ai fait quelques petites ventes mais je ne suis pas marchand de chevaux, je suis avant tout cavalier formateur. La pause provoquée par la pandémie m’a permis de remodeler mon écurie en ne gardant que les meilleurs chevaux. J’en ai donc vendu certains, ceux qui n’avaient pas le potentiel attendu. Aujourd’hui je me suis vraiment orienté sur des chevaux bien précis qui devraient évoluer chacun à leur niveau et au minimum sur des épreuves à 1,50m.
Vous vous glissez également dans la peau du coach dans vos infrastructures du haras Saint Hubert. Pensez-vous vous consacrer davantage au coaching au fil du temps?
Transmettre est une passion, j’aime vraiment cela. J’ai beaucoup de cavaliers qui viennent chez moi pour des stages et qui repartent avec un bagage. Je suis assez content de ma méthode car je n’ai pas à être sur le dos de mes élèves tous les jours pour qu’ils travaillent: ils ont un canevas sur lequel s’appuyer. Chaque stage me passionne, et ce, indépendamment du niveau des cavaliers. Je prends le temps de leur expliquer la mécanique du cheval pour qu’ils l’accompagnent au mieux en évitant les gestes parasites. Ma priorité est d’être cavalier et l’évolution de mes activités de coaching dépendra de celle de ma structure, car actuellement, je n’ai pas la capacité pour réaliser le suivi nécessaire.
Les Jeux de Paris 2024 sont-ils dans votre ligne de mire?
C’est difficile à dire. Je les ai en ligne de mire depuis si longtemps… Je suis motivé depuis tout petit et je me souviens d’Hubert Parot, un ami de mes parents, lorsqu’il est rentré de Montréal. J’avais huit ans, c’était en 1976. Dès lors, j’ai tout fait pour être prêt pour les Jeux olympiques de 2000, à Sydney. La suite de l’histoire, on la connaît, je n’ai pas pu y aller mais mon cheval si (Caucalis lui avait été retiré avant l’échéance, ndlr). Depuis, je traîne ce boulet donc je garde espoir mais n’arrive pas à être au niveau. Je n’ai pas du tout l’objectif d’être à Paris, même si Utopie le mériterait. Me concernant, je ne préfère ne rien dire car pour Paris c’est trop tard. Cependant, j’espère être prêt pour Los Angeles. Viser 2028, avec les chevaux que j’ai au travail, me donne bon espoir d’aller jusqu’au bout. Je ne sais pas si tous les cavaliers savent déjà où auront lieu ces Jeux mais moi oui (rires)! Chavez pour 2028? Je veux y croire!
Le sélectionneur de l’équipe de France de saut d’obstacles, Thierry Pomel, a annoncé sa démission en décembre dernier. Quelle a été votre réaction?
J’ai eu du bon temps avec tous les sélectionneurs, surtout avec Thierry Pomel, car il m’a coaché avant d’être sélectionné. Pendant toute la période durant laquelle il a été sélectionneur, il n’y a eu aucun souci. Quand on voit ce qui s’est passé aux Jeux, l’équipe était à deux doigts de décrocher une médaille… Il se trouve qu’un cheval a connu des difficultés, mais les médailles, on les gagne quand tous les chevaux font le job jusqu’au bout. Concernant les Hommes qu’il y a dessus, c’est autre chose. Nous sommes un grand pays d’équitation et pour aller chercher des médailles il nous faut des chevaux. Il faudrait arriver à restructurer notre sport et heureusement beaucoup de cavaliers travaillent en ce sens. Il faut attendre un peu que les jeunes chevaux soient en âge de prendre la relève. Concernant la succession de Thierry Pomel, je n’en ai aucune idée.
En 2022 se tiendra l’élection présidentielle. Vous intéressez-vous à la politique?
J’en parle un peu avec mes proches. Depuis un certain temps, la politique, c’est toujours la même chose: voter contre celui qu’on ne veut pas et se retrouver avec celui dont on ne veut pas non plus. Je suis pour le comptage des votes blancs car cela permettrait de se rendre compte du réel soutien à un candidat. Hélas, cela n’existe pas. À chaque élection on se dit que nous ne pourrons pas avoir pire et pourtant, c’est le cas. Sur les questions politiques je vous laisse avec la phrase de Coluche: “Je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire!”.