“J’espère être à la hauteur de la confiance de Thierry Touzaint et Michel Asseray”, Patrice Delaveau
Vendredi dernier, la Fédération française d’équitation a dévoilé son projet sportif et son organigramme technique pour la période allant de 2022 à 2024. À cette occasion, Patrice Delaveau a été nommé intervenant en saut d’obstacles auprès de l’équipe de France de concours complet, succédant ainsi à Thierry Pomel, qui cumulait jusqu’à 2021 cette mission avec celles de sélectionneur national de jumping. Le Normand fera travailler chevaux et cavaliers lors de stages et compétitions, en vue des championnats du monde, qui se tiendront en septembre à Pratoni del Vivaro, puis des championnats d’Europe de 2023, au Pin-au-Haras, et des Jeux olympiques de Paris 2024. S’il intègre pour la première fois l’encadrement technique fédéral, le double vice-champion du monde de 2014, qui coache aussi de jeunes cavaliers de saut d’obstacles, demeure pleinement mobilisé sur sa carrière de cavalier.
Comment avez-vous intégré l’encadrement de l’équipe de France de concours complet?
Ce sont Thierry Touzaint, sélectionneur national, et Michel Asseray, directeur technique national adjoint, qui m’ont contacté pour me proposer ce poste, qui consiste à entraîner au saut d’obstacles les couples de l’équipe de France de concours complet. J’ai d’abord été surpris de cette demande, car je n’ai pas l’habitude d’être sollicité pour de telles missions. Il s’agit de quelque chose de particulier, que je n’avais jamais fait auparavant. De plus, je ne connais pas tant le monde du complet, et il y a une grande échéance au programme dès cette année post-olympique: les championnats du monde, qui se tiendront en septembre en Italie. J’y ai réfléchi quelques jours, et j’ai accepté avec grand plaisir.
Si l’on vous connaît davantage comme un grand champion de jumping, vous avez-vous-même pratiqué le concours complet…
Tout à fait, j’ai commencé par cette discipline, car mon père (Robert, instructeur installé à Beaumont-le-Roger, dans l’Eure, et décédé en 2018, ndlr) était un cavalier de complet. Ainsi, mes premiers concours, lorsque j’avais onze ou douze ans, ont été des complets. À l’époque, ce sport était très différent de ce qu’il est devenu aujourd’hui, mais je me rappelle encore avoir peaufiné mes reprises de dressage et mis en condition mes chevaux pour l’effort que nécessitait l’épreuve du cross (bien plus éprouvante qu’actuellement, ndlr). Je n’ai disputé que très peu de compétitions dans cette discipline, mais j’ai tout de même réussi à vivre de belles épreuves.
Comment cette nouvelle mission va-t-elle s’organiser?
J’ai déjà effectué quatre séances d’entraînement depuis le mois de janvier, ce qui m’a permis de découvrir les cavaliers et leurs chevaux. Ensuite, je me rendrai à quelques événements, dont des étapes du Grand National, certainement à Saumur et Pompadour, puis le Grand Complet au Haras du Pin. En effet, il est important que je puisse voir comment ces couples se comportent en compétition. Dans ce cadre, le tempérament des chevaux peut varier, tout comme les réflexes des cavaliers. De plus, il faut prendre en compte le facteur cross, qui peut entraîner une fatigue pour le test du saut d’obstacles, lorsque celui-ci est programmé en dernier. C’est nouveau pour moi, je dois m’adapter. Et puis, je participerai à la préparation terminale avant les Mondiaux de Pratoni, auxquels j’assisterai aussi pour accompagner les couples sélectionnés.
Pendant quelques années, le dressage avait pris une grande importance par rapport aux deux autres tests du concours complet. Depuis que les pénalités concédées lors de ce premier atelier sont comptées au coefficient 1, c’est le saut d’obstacles qui est devenu plus important. Dans les championnats, les individus comme les équipes peuvent tout perdre à cette occasion. La France en a d’ailleurs fait les frais aux championnats d’Europe de 2019 à Luhmühlen et 2021 à Avenches…
En effet, désormais, les trois disciplines sont très importantes. Les cavaliers doivent obtenir un bon score au dressage et ne plus rien lâcher dans les deux autres phases de ce triathlon. Lors des grands événements, Thierry se trouvait parfois un peu seul au paddock avec les cavaliers, avant leur entrée en piste pour l’hippique, alors que de plus en plus de complétistes professionnalisent leur approche du saut d’obstacles. Cela n’a pas échappé au regard de Thierry et Michel. Par exemple, Nelson Pessoa entraîne l’équipe australienne, et Luis Álvarez de Cervera (ancien cavalier olympique espagnol, père d’Eduardo Álvarez Aznar, ndlr) l’équipe néo-zélandaise. Je pense que Thierry et Michel souhaitaient disposer d’une personne ayant l’habitude des échéances telles que les championnats du monde ou Jeux olympiques et pouvant transmettre les bons réflexes et conseils le jour J. J’espère être à la hauteur de leur confiance.
“Ma volonté de concourir à haut niveau reste intacte”
Quel regard portez-vous sur la longévité de Thierry Touzaint, sélectionneur national en poste depuis 1993, à l’exception de l’olympiade 2009-2012, au cours de laquelle Laurent Bousquet était aux commandes?
C’est admirable, de même que son palmarès. Je n’oublie pas qu’il fut d’abord un très grand cavalier de complet, et qu’il vit donc depuis toujours pour cette discipline. Il connaît vraiment toutes les ficelles de ce métier dans lequel il connaît beaucoup de réussite. Franchement, je suis content de travailler à ses côtés.
Outre cette nouvelle fonction, vous restez un cavalier de saut d’obstacles. Ambitionnez-vous toujours de retrouver le haut niveau?
Oui, il n’est pas du tout question que j’arrête de monter à cheval. Bien au contraire. Je reste un cavalier avant tout, même si je suis un peu moins sur le devant de la scène en ce moment. J’essaie actuellement de restructurer un peu mes activités, mais ma volonté de retrouver la compétition de haut niveau est intacte. Ce poste au service de l’équipe de France de concours complet, qui va m’occuper quelques jours par an, est tout à fait compatible avec la poursuite de cet objectif. Je suis d’ailleurs à la recherche de chevaux à former et valoriser en compétition, y compris avec des objectifs commerciaux.
Vous entraînez également des élèves dans le cadre du Lab et de l’Académie Delaveau, fondée par Sabrine, votre épouse…
Oui, je prends du plaisir à renouer avec le coaching (par la passé, Patrice a notamment contribué à l’émergence d’Edward Levy, ndlr). La semaine prochaine, par exemple, nous nous déplaçons avec une vingtaine de chevaux pour la tournée des CSI de Royan. Le LAB s’inscrit dans la continuité de l’Académie, réservée aux jeunes cavaliers scolarisés de la sixième et à la terminale. Cette formation est ouverte aux jeunes âgés de dix-huit ans et plus. Actuellement, j’ai quatre élèves dans ce cadre.
Avec Sabrine, à la rentrée prochaine, nous allons d’ailleurs proposer une nouvelle formation s’adressant aux jeunes cavaliers de haut niveau désirant créer leur entreprise, telle qu’une une écurie de jeunes chevaux ou de propriétaires. Durant onze mois, ils suivront des cours de gestion, management, marketing, comptabilité, droit, communication, etc. L’objectif est de leur transmettre des connaissances leur permettant d’éviter certains écueils lorsqu’ils se lanceront dans le grand bain. Nous leur donnerons aussi accès à un carnet d’adresse, un réseau, qu’ils pourront utiliser quand ils en auront besoin. Cela va de pair avec le Lab, mais nos élèves pourront suivre les cours sans coaching équestre, et inversement.
Vous suivez également deux élèves très particulières que sont vos filles, Valentine et Capucine. Vous rendent-elles heureux en tant que coach?
Capucine n’a que treize ans, mais elle avance et fait ses preuves à 1,20m. Quant à Valentine, elle voyage pas mal en ce moment afin de s’enrichir de nouvelles expériences. Elle a récemment du temps chez Marlon Módolo Zanotelli et chez Rik Hemeryck, en Belgique, par exemple. Et elle veut en faire son métier, c’est clair.