Il faut nous donner l’opportunité de prendre nos marques à haut niveau”, Juliette Faligot
Pour débuter sa saison, Juliette Faligot avait choisi le Portugal, et plus précisément la tournée de Vilamoura où elle a passé trois semaines avec cinq chevaux en février. À cette occasion, l’amazone de trente-six ans installée dans les écuries familiales de Bailleul, dans le Nord, a répondu aux questions de GRANDPRIX. Elle évoque le nouveau projet fédéral, son désir de défendre à nouveau la France en Coupes des nations, ses rêves de Paris 2024, sa très bonne Arqana de Riverland ou encore l’élevage.
Comment percevez-vous le nouveau projet fédéral?
Je suis encore novice dans cette catégorie donc j’accepte les choses telles qu’elles sont. N’étant pas là à l’époque de Philippe Guerdat, j’ai uniquement connu Thierry Pomel en tant que sélectionneur national. J’ai toujours géré de manière autonome mes programmes de concours. Dès lors, je suis impatiente de découvrir la nouvelle organisation. Si davantage d’aides et de directives nous sont proposées, tant mieux. Avoir plus de visibilité sur l’ensemble de notre saison et même sur les années à venir est une bonne chose. Planifier uniquement sur une saison, c’est bien, mais voir plus loin, c’est encore mieux. Étant nouvelle à ce niveau, j’ai encore besoin d’être guidée et je serais très contente que le nouvel organigramme fédéral propose cet accompagnement.
C’est d’autant plus important pour vous que vous avez choisi de conserver votre excellente Arqana de Riverland (SF, Cornet Obolensky x Diamant de Semilly)…
Oui, je serais ravie que d’encadrement fédéral nous accompagne dans l’évolution de notre couple, pour avancer ensemble au sein du groupe France. Dans le cas contraire, je me ferais plaisir de mon côté. Je suis partante pour tout, tant que les choses sont faites dans le respect de ma jument. L’an dernier, Édouard Coupérie (chef d’équipe adjoint, ndlr) m’avait contactée pour disputer la Coupe des nations du CSIO 3* de Vejer de la Frontera. À l’automne, j’ai donc dû faire un choix entre ce concours et le CSI 5*-W de Lyon. Après mûres réflexions, nous avons décidé d’aller à Vejer car cela correspondait mieux à ma logique de progression. Même s’il s’agit d’un concours de niveau 3*, le format est celui d’un CSIO 5* et courir une Coupe des nations, sur deux manches, permet d’apprendre à gérer son stress.
En revanche, je n’ai pas couru beaucoup de CSI 5* l’an dernier. Le CSIO 5* de La Baule a été mon premier, en juin, puis je suis allée à Chantilly et Grimaud. Je n’aurais d’ailleurs pas dû aller à Chantilly. Initialement, j’avais prévu de participer au CSIO 5* de La Baule, puis à un CSI 3* à Knokke pour et au CSI 5* de Dinard. Cependant, comme je n’ai pas eu le feu vert pour Dinard dès le départ, Thierry Pomel m’a sélectionnée au CSI 5* de Chantilly. Je n’ai pas refusé parce que c’était une belle opportunité, mais cela ne correspondait plus à mon programme, et j’aurais dû refuser (le couple a été éliminé à deux reprises, ndlr). Heureusement, tout est vite rentré dans l’ordre. À Dinard, où nous avons pris part au CSI 3*, nous terminé trois fois sur le podium (dont une troisième place dans le Grand Prix, ndlr). Arqana est véritablement une super jument.
Quel bilan tirez-vous de 2021?
Cette année m’a permis d’avancer et les Coupes des nations m’ont beaucoup appris. J’avais pris part à ma première Coupe à Vejer en 2020, n’en ayant jamais couru étant jeune. J’ai pu fouler les pistes de La Baule et Grimaud, ce qui nous a permis à Arqana et moi de prendre la mesure de ses moyens. En revanche, il a été difficile d’établir un programme, comme je l’ai expliqué. Par exemple, je suis allée à Grimaud fin avril pour un CSI 4*, sans savoir si je pourrais prendre part au CSI 5* de la semaine suivante… et j’ai finalement dû rentrer chez moi. Aujourd’hui, je pense qu’il faut nous donner l’opportunité de prendre nos marques à haut niveau. Je ne jette pas la pierre à Thierry Pomel, nous avons bien discuté et j’espère être assez objective concernant mes capacités et mes limites, en espérant bien sûr les dépasser. Arriver à haut niveau demande du temps.
“Pour Paris 2024, il va falloir mettre les bouchées doubles”
Avez-vous les Jeux olympiques de Paris 2024 en ligne de mire?
Bien sûr, mais pour cela, il va me falloir mettre les bouchées doubles. Il y a tellement de cavaliers sur la liste que cela rend la tâche difficile. Beaucoup de choses peuvent évoluer en fonction des chevaux, tout est encore assez aléatoire.
Qu’attendez-vous de 2022 avec Arqana?
J’aimerais participer à au moins une Coupe des nations 5*. J’ambitionne de courir les championnats d’Europe l’an prochain, donc je pense qu’il serait bon de courir davantage de CSIO 5* en 2022. À mon avis, il serait prématuré d’envisager les championnats du monde cette année.
Quels sont vos objectifs avec vos autres chevaux?
Avec eux, je pense plutôt concourir en CSI 2*. Il est encore trop tôt pour savoir si je pourrai aller plus haut. Actuellement, mon deuxième cheval est Chanel (de la Ronelle, SF, Tip Top de la Ronelle x C-Indoctro). J’ai également récupéré Mistral (BWP, Bingo van de Kapel x Darco), un cheval de dix ans qui devrait être vendu rapidement. J’entends souvent que ce serait bien de pouvoir compter sur un autre cheval de haut niveau pour épauler Arqana, ce qui me permettrait de courir plus d’épreuves. Cependant, je n’ai pas les moyens d’en acheter un et en retrouver un autre comme elle est très difficile. Cette relève aurait dû être construite il y a plusieurs années. En l’état actuel des choses, elle va devoir assumer toute seule, mais je ne lui en demanderai jamais trop.
Avez-vous continué à recevoir des offres pour Arqana?
Cela arrive encore un peu, mais la plupart des gens savent que je la garde à mes côtés. Cela a donné lieu à beaucoup d’interrogations. Sur le plan économique, ma vie serait plus facile si je la vendais, mais elle me procure beaucoup de plaisir. Mes parents sont là pour moi, nous avons des installations familiales, et je n’ai pas besoin de plus. Une vie simple me suffit.
Hormis Arqana, êtes-vous propriétaire des autres chevaux?
Non, ce ne sont que des chevaux de propriétaires avec des objectifs à moyen et long terme, donc il n’y a pas de pression. En revanche, s’il y a des offres intéressantes, nous y réfléchissons. Par exemple, j’ai un cheval de sept ans, Filaé d’Ouilly (SF, Qlassic Bois Margot x Quite Easy), qui appartient à un élevage normand et qui n’est pas à vendre. Chanel est normalement aussi à vendre, mais elle appartient à des éleveurs qui ne sont pas pressés.
Vos performances avec Arqana ne vous aident-elles pas à trouver de nouveaux propriétaires?
C’est difficile. Par exemple, nous n’avons accueilli aucun jeune cheval en 2021, ce contrairement aux années précédentes.
Faites-vous un peu d’élevage?
Oui, mais pas beaucoup, juste pour le plaisir. Il s’agit essentiellement de juments que j’ai montées auparavant, ce qui apporte un côté sentimental. J’ai déjà monté certains de nos produits. Nous avons commencé avec une jument que ma mère montait il y a longtemps, et que je n’ai même pas connue. Cela nous a donné des chevaux pour sauter 1,35m, ce qui me correspondait à l’époque. Au fur et à mesure, nous avons évolué. Nous avons actuellement une poulinière avec laquelle j’ai participé à des épreuves à 1,45m et des chevaux de quatre ans qui ont l’air prometteurs. Nous avons une vingtaine de chevaux en tout. Pour cela, nous avons plusieurs salariés dont Vincent Lecolier, un cavalier qui travaille à mes côtés. Il débourre et monte les jeunes à partir de quatre ans. J’ai également une autre cavalière, un apprenti, une groom et un palefrenier. Nous avons un bon système qui nous permet de bien travailler.
Suivez-vous la campagne présidentielle? Voterez-vous?
Je ne sais pas si je pourrai choisir un candidat. En tout cas, je sais surtout qui ne pas choisir : Éric Zemmour ou Marine Le Pen, non merci! (rires) À vrai dire, je ne suis pas très branchée politique. À mon avis, le président actuel sera réélu, ce qui fera des heureux et des mécontents. De toute façon, il ne peut pas satisfaire tout le monde!