L’Anglo-Arabie a vécu une assemblée générale fort mouvementée

L’assemblée générale de l’Association nationale de l’Anglo-Arabe s’est déroulée jeudi dernier à l’hippodrome de Toulouse. Outre la présentation des traditionnels comptes-rendus moral et financier, l’ordre du jour comportait le renouvellement du conseil d’administration. Et au terme du scrutin, certains candidats faisant figure de piliers du stud-book n’ont pas été reconduits. Entre règlement de comptes et volonté d’insuffler du sang neuf, petit récit d’un après-midi animé.



C’est un petit séisme qui a secoué la vie de la race Anglo-arabe, la semaine passée. Éleveur passionné, très impliqué et investi dans la promotion de la race et le maintien de la diversité génétique, Aurélien Lafargue n’a pas été réélu au conseil d’administration de l’Association nationale de l’Anglo-Arabe (ANAA), jeudi dernier lors de l’assemblée générale de l’organisation. “Nous sommes plusieurs à avoir été virés. Quand il y a une élection, on gagne ou on perd. Là, nous avons perdu. C’est le principe de la démocratie. Voilà”, a commenté le Lot-et-Garonnais. “Cela va me permettre de me concentrer sur mes activités personnelles, notamment sur Génétiqu’Anglo.”

À l’origine de cette éviction, un conflit ouvert au sujet de la location à des éleveurs italiens de Carghèse des Landes (AA, Dearling x Fayriland II), un étalon Anglo-arabe de course, propriété du syndicat Génétiqu’Anglo, qui avait récupéré les anciens mâles AA des Haras nationaux après le désengagement de l’État dans l’étalonnage. “Cela ne va pas m’empêcher de poursuivre mon travail au service de la race. Beaucoup ont du mal à accepter ce qui s’est passé. Il y a eu des démissions immédiates, d’autres sont visiblement en cours parmi les éleveurs sport. Il va falloir que certains se posent des questions.” Face à ce “départ” visiblement un peu forcé, on pourrait s’interroger quant à une éventuelle querelle intestine opposant le monde des courses à celui du sport. “La production d’AA se divise en trois: courses, disciplines olympiques et endurance”, explique Aurélien Lafargue. “Ces trois filières ont toujours travaillé ensemble. Je ne veux pas entrer dans la polémique, mais plutôt rester en retrait pour ne pas perdre d’énergie.”

Ayant elle aussi perdu son siège, Hélène Hermann, présidente sortante de la commission élevage, ne mâche pas ses mots. “Cela faisait vingt ans que je m’investissais au sein de l’ANAA”, raconte l’éleveuse à l’affixe Champeix. “Nous formions une bonne équipe, assez soudée, attachée à faire évoluer l’élevage Anglo-arabe. Certains éléments nous ont montré que nous étions sur la bonne voie, comme la surprime aux points PACE des juments en race pure, qui nous a permis de récupérer de très bons sujets autrefois partis au Selle Français, ou encore le Memento de l’élevage. Ces dernières années, les éleveurs avaient beaucoup moins de mal à trouver acquéreur pour leurs poulains, au sevrage ou à trois ans, notamment lors de la Grande Semaine de Pompadour. Nous avons accompli un travail positif.”

Avant même se de présenter à l’assemblée générale, les représentant de la filière sport sentaient qu’il allait se passer quelque chose, comme en témoigne Hélène Hermann. “Nous avons mené une rapide campagne en amont de l’assemblée afin de recueillir des voix”, explique-t-elle. “Nous remettions en question certains aspects de la gestion de l’ANAA, et le mode de gouvernance d’Alain James (président, ndlr). Des points votés et validés en conseil d’administration se retrouvaient bloqués par le président, ce qui devenait difficile.” Cette journée du 3 mars restera gravée dans sa mémoire. “A l’heure de se mettre à table, nous avons vu arriver une vague d’éleveurs d’AA de course qui d’ordinaire ne sont jamais présents aux assemblées générales, menant leur vie dans leur coin et se gérant parfaitement. Nous nous sommes dit: ‘Là, on est mal’.” Et effectivement, quelques heures plus tard, la Creusoise n’a pas recueilli assez de voix pour conserver son siège d’administratrice. “Je me donnais énormément, aussi bien au sein de la commission élevage, qu’à la promotion et aux juges, notamment autour de nos Journées de l’Anglo-Arabe, pour en faire un bel événement valorisant.”



“Pas de guerre entre courses et sports”

De son côté, Alain James, ancien cadre de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE), porté à la présidence de l’ANAA après le décès brutal de Jean-Marie Bernachot, temporise. “Nous avons eu beaucoup de candidats cette année”, indique-t-il. “C’est un signe de succès. Lorsqu’il n’y avait pas d’argent et donc d’actions à l’ANAA, il n’y avait pas de candidats”, lance-t-il en riant. Au total, dix-neuf personnes ont brigué les onze sièges du conseil d’administration. “Le syndicat Anglo Courses est adhérent de l’ANAA et ses membres avaient un gros contentieux avec Aurélien Lafargue et Génétiqu’Anglo. Anglo Courses est venue voter en masse à l’assemblée générale et n’a pas voté pour lui.”

Le vote se déroulant par liste, d’autres candidats apparentés sport ont été les victimes collatérales de la manœuvre, notamment Hélène Hermann et Isabelle Bay. “Mais ce n’est pas dû aux courses”, insiste Alain James, “plutôt au fait que de nouveaux candidats, dont de gros éleveurs comme Camille Baume ou Dominique Théau, ont remplacé des anciens présents depuis longtemps. C’est le ‘problème’ du suffrage universel.” À l’annonce des résultats, Fabienne Minetti, élue sortante, a préféré démissionner immédiatement. “Elle a déclaré ne pas pouvoir rester au sein de la nouvelle équipe”, témoigne Alain James. À entendre les non-réélus, on pourrait déduire que la filière course a pris le pouvoir, ce que nie le président, réélu pour un dernier mandat. “C’est faux! Les éleveurs de course représentent à peu près la moitié des votants des quatre cents membres de l’ANAA, avec un vice-président courses, François Maillot, et Patrick Davezac. Et ils ne se mêlent jamais du sport. Nous travaillons néanmoins ensemble sur certains sujets. Il aurait fallu régler ce conflit avec Aurélien autrement car c’est vraiment dommage qu’il ne fasse plus partie du conseil d’administration. Il y a eu une maladresse, voire une incompréhension, et les éleveurs de course se sont mobilisés contre lui. Maintenant, nous avons besoin d’apaisement et de nous retrousser les manches plutôt que d’entrer dans la polémique car nous devons avancer sur des dossiers importants.”

Éleveur d’Anglo-Arabes de course depuis trois générations, Patrick Davezac est membre de l’ANAA depuis plus de trente ans et occupe le poste de trésorier. “Je suis impliqué dans la filière à plusieurs niveaux: société de course, Anglos Courses, etc.”, précise-t-il. L’affaire Carghèse des Landes semble bien à l’origine du conflit. “Nous avions signifié à Aurélien Lafargue notre intérêt pour la génétique de Carghèse des Landes, car il est l’un des rares présentant 50% de sang Arabe. Puis, lors d’une réunion, nous avons appris que le cheval avait été promis à l’Italie.”Contrairement au sentiment exprimé “à chaud”, les courses n’ont pas opéré une OPA inamicale sur l’ANAA. “C’est dommage pour Aurélien. Je ne pensais sincèrement pas qu’il serait battu”, admet Patrick Davezac.

Au-delà de l’affect, les projets et défis sont nombreux pour les défenseurs de la race, dont les effectifs progressent timidement mais sûrement grâce notamment à des étalons très clairement améliorateurs comme Potter du Manaou, fort apprécié jusqu’en Normandie et promu par Génétiqu’Anglo. “Dans quinze jours, nous nous réunirons afin de nommer les responsables des différents projets et commissions”, annonce Alain James. “L’ANAA a connu des périodes mouvementées par le passé. Vouloir y retourner serait contre-productif. Que tout le monde ne soit pas d’accord, c’est normal et même constructif; le débat contradictoire est utile. La race se porte mieux, les naissances en race pure progressent, avec une hausse de 20 % du nombre de juments saillies. Une vraie dynamique s’est mise en place. Il faut continuer sur cette lancée. Et qui sait, les déçus seront peut-être élus de nouveau la prochaine fois.” D’ici là, outre sauver la race, les membres de l’ANAA auront la difficile mission d’identifier son futur successeur.

Les résultats du scrutin (128 votants): Dominique Théau (105 voix), Jean Catry (97), Raphael Pinthon (89), Xavier de la Raitrie (89), Pascale Caillouet (87, démissionnaire), Patrick Davezac (85), Alain James (78), Fabienne Minetti (78, démissionnaire), Jean-Jacques Micas (76), Dominique Fonseca (64), Camille Baume (57). Julien Baux, représentant des cavaliers, s’est retiré.