“Je suis heureuse, je vis ma passion et j’espère que cela va continuer”, Marie Demonte

Ce week-end, Marie Demonte avait choisi les pistes de l’Hubside Jumping pour disputer son premier CSI 5* de la saison, et a d’ailleurs terminé treizième de l’épreuve reine du concours avec Las Vegas van de Padenborre. Malgré un début de saison écourté à la suite de fractures de la clavicule et de l’omoplate, la très souriante cavalière de trente-neuf ans est donc de retour au très haut niveau. Déjà titulaire d’un beau palmarès, elle confie son ambition d’endosser à nouveau la veste de l’équipe de France.



Vous êtes à l’Hubside Jumping depuis la semaine dernière (entretien réalisé le samedi 16 avril). Comment cela se déroule-t-il pour vous?

Très bien! C’est une remise en route pour mes chevaux et moi puisque je me suis cassé la clavicule et l’omoplate il y a six semaines. Jusqu’à présent, ma saison de compétition n’avait pas vraiment commencé; certains chevaux n’avaient fait que trois parcours! Je suis venue ici, à Grimaud, sans avoir ressauté à la maison. Olivier (Robert, ndlr) mon ex-mari, est venu entraîner mes chevaux pour me dépanner. Participer au CSI 5* de l’Hubside Jumping était un pari concernant la douleur que je ressens dans mon épaule. En revanche, nous sommes bien entourés ici, il y a une bonne masseuse pour les chevaux et les humains. Elle m’a bien suivie le week-end dernier et ça s’est plutôt bien passé. Actuellement, tout va bien!

Plus globalement, quel bilan tirez-vous de votre début de saison? 

J’ai fait deux semaines à Oliva où j’ai remis en route les jeunes chevaux et Las Vegas VD Padenborre (BWP, Calvaro F.C. x Diamant de Semilly), que j’ai engagé sur des parcours à 1,40m, gentiment. Nous avons fait des tours de travail ce qui m’a permis de débuter des sept ans que j’ai dans les écuries pour les valoriser. J’ai également emmené en compétition l’étalon Émir du Chanu (SF, Air Jordan x Papillon Rouge), champion de France des sept ans (à Fontainebleau, en septembre, ndlr) qui avait fait une pause de quatre mois avant de reprendre en Espagne. Par la suite, je suis allée à Royan avec un autre lot de chevaux, et j’y ai remis en route Drisse du Phare (SF, Newton de Kreisker x Olala de Buissy), qui a pris la quatrième place du Grand Prix CSI 2*(en réalisant un double sans-faute, ndlr). Tout était bien parti, mais avant de me rendre à Vejer de la Frontera, je suis tombée à la maison et je me suis blessée. Nous avons donc repris ici. Pour ce début de saison, je suis très contente de Manchester (BWP, Quidam de Revel x Codex) qui a réalisé de belles performances le week-end dernier (le mâle a terminé cinquième en réalisant un double sans-faute dans une épreuve à 1,50m, ndlr). Cette semaine, il était à nouveau huitième le premier jour (dans une épreuve à 1,45m du CSI 5*, ndlr). Par choix stratégiques avec Fontainebleau (qui organise le Master Pro et un CSI 4* la semaine prochaine, ndlr), puisqu’il va concourir dans le championnat, on a décidé de le laisser tranquille. C’est Las Vegas qui va sauter le Grand Prix CSI 5* demain.



“Las Vegas Vd Padenborre est un cheval en qui nous avons toujours fondé beaucoup d’espoir”

Marie Demonte croit en Las Vegas vd Padenborre.

Marie Demonte croit en Las Vegas vd Padenborre.

© Sportfot

Quelles sont vos ambitions avec Las Vegas Vd Padenborre (BWP, Calvaro F.C. x Diamant de Semilly) cette année? Est-il toujours votre cheval de tête?

Tout d’abord, j’espère faire une bonne performance dans le Grand Prix du CSI 5*, ici à Grimaud (dans lequel le couple s’est qualifié pour le barrage et a finalement terminé treizième, ndlr). Il avait très bien sauté à Aix-la-Chapelle sur l’herbe (ne prenant que quatre points de pénalité dans une épreuve à 1,60m, ndlr). Il va également sauter le CSI 4* de Fontainebleau tout en visant le CSIO 5* de La Baule. Cette année, nous avons deux lots de chevaux, ce qui nous permet de répartir les sept, huit et neuf ans qui vont accompagner Las Vegas et Manchester dans les beaux concours, comme ici. Je fais huit heures de route pour me rendre à l’Hubside Jumping et pour y trouver un vrai confort dans la qualité des pistes et des obstacles. Il y a deux ans avec le confinement j’ai beaucoup concouru ici avec Vega de la Roche (désormais sous la selle du Mexicain Federico Fernandez, ndlr). Et puis, une fois sur les autres terrains de concours, les chevaux ont été très performants. Sincèrement, je trouve que c’est la meilleure des formations.

Quel regard portez-vous sur son évolution?

C’est un cheval en qui nous avons toujours fondé beaucoup d’espoirs. À huit ans, il avait déjà sauté à l’Hubside les petits Grands Prix à 1,45m sans faute. À neuf ans, il y a eu la pandémie de Covid-19 mais il était derrière Vega en étant plutôt performant. En revanche, l’année dernière, nous avons eu un petit problème respiratoire sur plusieurs chevaux que nous avons dû traiter. Fin juin, je l’ai ramené ici et il a eu une ascension formidable jusqu’au mois de septembre. Nous lui avons ensuite accordé une pause, il n’a pas fait de circuit indoor. Bien qu’il y ai eu peu de concours, il a pris part à de belles échéances telles que le CSI 5* de Chantilly ou le CHIO d’Aix-la-Chapelle. Cette année, il a réalisé quatre parcours à Oliva et j’ai pu sauter le Grand Prix du Grand National de Barbaste, où il a fini sixième. Il a ensuite simplement resauté une épreuve jeudi. Nous ne sommes pas encore tout à fait lancés dans notre saison mais je suis confiante et je crois en lui.

Pouvez-vous nous parler de Manchester et Maxwell van Hd, qui ont tous les deux dix ans cette année et gravissent également les échelons?

À l’écurie, nous appelons Manchester “la Formule 1”, car c’est le cheval le plus rapide de que je monte. À neuf ans, l’année dernière, il a plutôt fait sensation en gagnant une épreuve à 1,55m avec barrage disputée lors d’un CSI 5* ici, à Grimaud. C’est un cheval qui n’avait pas d’expérience jusqu’à huit ans. Il est aussi allé à Aix-la-Chapelle, il a pas mal concouru l’an passé. Ainsi, c’était bien qu’il se repose quelques mois durant la trêve hivernale. Il a repris à Royan en ne sautant que des épreuves à 1,30m et 1,40m, sans pression. Depuis que nous sommes arrivés ici, il n’a pas touché une barre; j’ai commis une erreur dans le Grand Prix CSI 3* la semaine dernière puisqu’avec mon épaule blessée récemment, j’ai perdu ma rêne et j’ai dû passer à côté du dernier obstacle. Ce week-end, il a encore réalisé des parcours magnifiques. C’est vraiment un cheval spécial. Il a cette rapidité en lui et est très sensible, je ne le monte jamais avec une paire d’éperons pour sauter les épreuves les plus hautes. Je pense qu’il va être apte à concourir au plus haut niveau, et j’ambitionne lui faire disputer son premier Grand Prix de niveau CSI 5* à l’Hubside Jumping, fin mai ou début juin.
Maxwell est tout à fait différent. C’est un cheval qui appartient à un ami (Nicolas Marticorena, ndlr). Il l’a acheté lorsqu’il était encore un poulain, il vivait au pré. Il est un peu plus rustique et n’a commencé le vrai sport qu’en en août dernier. Il a donc beaucoup de retard, mais il apprend très vite et a de gros moyens. Il est double sans-faute la semaine dernière dans le Grand Prix du CSI 2*. Hier, il a disputé sa première épreuve à 1,50m, où il commet une petite faute en allant un peu vite dans la seconde phase du parcours. Aujourd’hui, il participera à l’épreuve à barrage (cotée à 1,50m elle aussi, dont il a finalement pris la vingt-cinquième place avec sept points au compteur, ndlr). Je pense qu’il s’agit d’un cheval qui va pouvoir faire les CSI 4* cette année.

En ce début de saison, Emir du Chanu enchaîne les bonnes performances. Qu’envisagez-vous avec ce cheval et quel potentiel a-t-il selon vous? 

À huit ans, c’est une année cachée. Il va suivre les autres pour voir les beaux concours sans forcer sur son potentiel. C’est un cheval doué, tout est facile pour lui. Bien sûr, nous avons envie d’aller sauter une 1,50m puis les épreuves les plus hautes les mois suivants, mais nous avons vraiment un plan tourné vers l’avenir avec ce cheval. Cette année, nous allons surtout l’engager dans des épreuves à 1,40 et 1,45m pour qu’il conserve toujours le moral sans aller puiser dans ses réserves. Nous lui laisserons de bonnes pauses pour récupérer, afin qu’il soit prêt à faire du 5* à neuf ans.



“J’espère également pouvoir retourner en équipe de France”

Drisse du Phare est très chère au coeur de sa cavalière.

Drisse du Phare est très chère au coeur de sa cavalière.

© Sportfot

Sur quels autres chevaux pouvez-vous compter?    

J’ai une jument qui est très spéciale pour moi, Drisse du Phare (SF, Newton de Kreisker x Olala de Buissy). Elle a neuf ans et avait été très performante l’année précédente dans les CSI 2* ici. Je l’avais même emmenée au CSI de Vilamoura (en novembre dernier, ndlr) où elle a été très performante en réalisant plusieurs parcours sans faute sur 1,40m. Elle est également allée à Aix-la-Chapelle où elle s’est classée dans une épreuve à 1,45m (terminant huitième, ndlr). Elle fait beaucoup de sans-faute et je la porte vraiment dans mon cœur. Je pense qu’elle va pouvoir sauter des beaux Grands Prix cette année à neuf ans. Puis, il y a mon cheval Destin d’Euskadi (SF, Diamant de Semilly x Dollar du Mûrier) qui s’est classé dans les épreuves comptant pour le classement mondial Longines à Oliva (terminant septième dans une épreuve à 1,45m dans un CSI 3*, ndlr), puis à Royan (terminant cinquième d’une épreuve à 1,45m d’un CSI 2*, ndlr). À la suite de mes fractures, je l’ai prêté à Olivier, et il a gagné le petit Grand Prix à 1,45m à Barbaste avec lui. Il s’entend bien avec Olivier et je pense que dans quinze jours, on les verra ensemble dans le CSI 5* de Grimaud puisqu’il lui manque un cheval et que je ne viendrai pas. Parfois, en s’échangeant les chevaux, nous les faisons progresser. Selon moi, dans un an, c’est un cheval qui pourra sauter de beaux Grands Prix. Pour cette saison, j’ai aussi des chevaux de clients à sortir.

 Quel est votre programme de compétition pour les semaines à venir? 

C’est vrai qu’après une fracture et ce n’est pas facile à dire. Nous avons besoin de ce feeling et de sentir la forme des chevaux. Nous avons dans notre programme Fontainebleau (qui se tiendra la semaine prochaine, ndlr), un concours à la maison à Barbaste et ensuite nous repartirons sur les CSI 2 et 3* organisés ici, à l’Hubside Jumping, puis au CSI 4* de Bourg-en-Bresse. Enfin, je pense revenir ici en mai faire du CSI 4 et 5* pour faire progresser mes chevaux. Si nous obtenons une sélection pour La Baule, nous sauterons le Grand Prix. Le format de l’Hubside nous permet d’emmener six chevaux, ce qui permet d’en faire avancer beaucoup, car nous avons également du temps, notamment pour les travailler le matin. Pour leur progression, c’est vraiment l’idéal.

 On vous voit de plus en plus au niveau CSI 5*, vos bonnes performances vous ont-elles permis de gagner en assurance à ce niveau-là?

Oui. J’ai fait couru premier CSI 5* ici il y a deux ans avec Vega de la Roche. J’avais déjà participé à des Coupes des nations, mais ce n’est pas pareil. C’est quand même le summum, on saute des parcours encore plus hauts et encore plus larges que ce que nous avions pu voir auparavant. Il y avait un peu d’appréhension, je me demandais si nous allons être capable face aux autres cavaliers qui sont tellement doués. J’ai pu travailler avec les meilleurs. J’ai par exemple reçu des conseils de la part de Michel Robert cette semaine. De même, demander des avis aux divers cavaliers nous fait progresser et gagner en assurance. Évidemment, quand on prend des points au classement mondial Longines, c’est aussi plus facile d’accéder aux concours. Désormais, j’arrive à rentrer dans des CSI 3 et 4* par par le système de la Fédération équestre internationale, donc cela m’assure de pouvoir aller en concours. Maintenant, il faut rester à ce niveau-là pour faire progresser les autres chevaux, et j’espère également pouvoir retourner en équipe de France.



“Pour les Jeux olympiques, on dit qu’il faut des chevaux spéciaux, et Emir du Chanu a ce petit truc en plus”

À plus long terme, quels sont vos objectifs?

Pour le long terme, c’est le haut niveau. C’est un rêve d’enfant pour lequel on sacrifie beaucoup. Je pense que le chemin le plus dur a été parcouru. J’ai des propriétaires fidèles, avec qui on regarde dans la même direction, une équipe en place qui est très solide à la maison composée d’une super cavalière de dressage, Élodie Loiseau, et une très bonne cavalière maison, Carmen, qui m’a été recommandée par le manager des écuries de Grimaud puisqu’elle était à la recherche d’un travail. Elle gère l’écurie et c’est une personne en qui j’ai confiance. Il y a aussi Florent Cazale Debat, qui est l’ancien cavalier de Simon Delestre et loue une autre partie de l’écurie où je suis à Barbaste. C’est très bien, car il monte pour moi des jeunes chevaux mais aussi certains qui sont plus mûrs, à la maison et comme en compétition, ce qui me permet d’avancer comme je le fais avec Olivier lorsque nous nous échangeons des chevaux. Tout est structuré. Nous avons également un groupe WhatsApp où tout le monde vit les performances des uns et des autres, ce qui est très motivant. Évidemment, en tant que cavaliers, nous rêvons tous des Jeux olympiques, mais en tout cas, j’espère accéder au plus haut niveau et y rester.

En vue de Paris 2024, vous pensez à Emir du Chanu? 

Bien sûr. C’est le plus doué. On dit qu’il faut des chevaux spéciaux et il a ce petit truc en plus. L’avenir nous dira s’il fait partie des chevaux de ce calibre-là!

Que peut-on vous souhaiter pour les mois à venir?

De ne pas me blesser à nouveau! (rires) Je suis heureuse, je vis ma passion et j’espère que cela va continuer. Nous avons pris le chemin du très haut niveau depuis trois ans, avec notamment l’écurie du Herrin qui me fournit des chevaux. En monter des différents donne de l’assurance et permet de trouver des solutions plus vite avec chacun. J’espère arriver à bien effectuer mon travail.

Le premier tour de l’élection présidentielle française a désormais rendu son verdict. Dans quelle mesure la scène politique vous intéresse-t-elle? Avez-vous suivi ce scrutin de près?

Oui, nous sommes bien sûr intéressés par cette élection. C’est marrant puisque le matin, mon fils de onze ans regarde LCI avec les yeux et les oreilles bien ouverts. Il pose beaucoup de questions, du style “Maman, tu-penses quoi d’Éric Zemmour?” (rires) En plus, nous avons vécu la guerre en Ukraine lorsque nous étions au concours de Royan, et lorsque l’on a des enfants, on est obligé de bien leur expliquer les choses. Ce sont des problèmes très touchants. De plus, je pense que l’on est capable de vivre sans le gaz russe. Il faudrait plus d'incitations à trouver d’autres énergies, et s’orienter là-dessus pour moins dépendre de ces pays-là. Nous sommes dans le pays des Droits de l’Homme, alors nous n’allons pas les attaquer, et nous sommes capables de fabriquer des énergies. À côté de chez moi, Xavier Trouilhet est en train de monter une usine où le fumier permet de fabriquer ces énergies-là. Je pense que l’on devrait plus développer cette partie-là et ne pas enrichir les pays comme la Russie.

Champion de France des sept ans, Emir du Chanu est l'espoir de Marie Demonte en vue des Jeux olympiques de Paris 2024.

Champion de France des sept ans, Emir du Chanu est l'espoir de Marie Demonte en vue des Jeux olympiques de Paris 2024.

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