“Concourir à très haut niveau représente un réel accomplissement personnel”, Gaspard Maksud

Âgé de vingt-huit ans, Gaspard Maksud est installé en Grande-Bretagne, où il est à la tête de sa propre structure. Ce week-end, le complétiste est au départ du CCI 4*-L organisé à l’hippodrome de Verrie, à Saumur, aux rênes de Zaragoza, quatrième du CCI 4*-S de Burnham Market il y a deux semaines. Le Français espère ensuite mener sa complice, âgée seulement de neuf ans, dans les CCI 5*-L, véritables mythes du concours complet.



Pouvez-vous nous parler de votre parcours équestre et de la façon dont vous vous êtes intéressé à l’équitation?

J’ai commencé l’équitation à l’âge de onze ans, puisqu’avant je pratiquais le rugby. Quand j’ai réalisé que j’étais aussi gros que le ballon, j’ai considéré qu’il était temps pour moi de changer de sport! Au tout début, un collègue de travail de ma mère m’a proposé de monter ses chevaux. J’ai donc pratiqué ce sport sans prise de tête, avant de me mettre petit à petit aux concours Club puis Amateur en saut d’obstacles. Ce n’est qu’après que j’ai débuté le concours complet. La jument que je montais (Johanna du Camp, SF, Turgeon, Ps x Night And Day, Ps, ndlr) aimait bien cela et moi aussi, donc nous avons continué en participant aux tournées et championnats des As (le couple a notamment remporté le championnat de France des As dans la catégorie Cadets en 2009, ndlr) et au circuit Juniors. Même si elle n’était pas la plus guerrière, elle m’a très bien appris le métier. 

Un jour, pendant un concours au haras de Jardy, Cédric Lyard (cavalier français champion olympique de concours complet par équipes à Athènes en 2004, ndlr) m’a interpellé et m’a demandé si cela m’intéresserait de venir monter chez lui. Sur le coup, j’étais un peu bouche bée, mais je lui ai répondu un grand oui et c’est comme cela que mon aventure a commencé. Tout se passait bien chez lui, mais je voulais partir à l’étranger pour perfectionner mon anglais et il m’a donc donné le contact d’Andrew Nicholson, (qui fait figure de légende du concours complet et compte notamment à son palmarès trois médailles collectives aux Jeux olympiques et deux aux Jeux Équestres Mondiaux, où il a également obtenu le bronze en individuel en 2010, ndlr) qu’il connaissait très bien. Après l’avoir rencontré à Saumur et avoir obtenu un BTS Productions animales, je suis ainsi parti en Angleterre perfectionner mon anglais et mon équitation chez cette figure des sports équestres pendant un an.

Comment s’est déroulée votre année au sein des écuries d’Andrew Nicholson?

Chez lui, je faisais les trottings, les galops, et je m’occupais également de détendre les chevaux qu’il allait ensuite monter. J’ai pris toutes les opportunités que j’avais de passer du temps à cheval avec lui afin qu’il voit que j’étais un bosseur. Quand Andrew voit qu’une personne veut vraiment apprendre, il l’aide un peu plus ; c’est le deal, en quelque sorte. Au bout d’un an passé là-bas, je trouvais que je n’avais pas assez progressé en anglais étant donné que nous étions quatre Français chez lui. De plus, il aurait été compliqué pour moi de monter plus de chevaux en restant là-bas. J’ai donc contacté Sam Griffiths (l’Australien a notamment remporté le bronze par équipes et terminé quatrième en individuel aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro en 2016, ndlr) dans la foulée car je savais qu’il cherchait un cavalier, l’un de mes amis venant de laisser sa place. À l’époque où je suis arrivé chez Sam, il venait de subir une opération et je montais donc beaucoup de chevaux. Puis, j’en ai eu moins car il s’est rapidement remis en selle, et je faisais de nouveau le même travail que chez Andrew. J’ai donc décidé de partir au bout de quelques mois. 



“Il est essentiel de maîtriser toute la formation des chevaux pour évoluer ensuite à haut niveau”

Quel tournant a alors pris votre carrière?

Après un coup de téléphone et un essai, j’ai obtenu un nouvel emploi chez un éleveur, toujours en Angleterre. Il y avait beaucoup de travail chez cet homme, car il fallait s’occuper des écuries le matin tout en montant dix à quinze chevaux par jour. Je peux vous assurer que je dormais bien le soir mais cela me permettait de monter beaucoup et d’être en concours durant toute la saison, que ce soit en saut d’obstacles ou en complet. Au bout d’un an, j’ai décidé de m’installer à mon compte. J’ai alors loué des boxes pour accueillir des propriétaires de chevaux. Financièrement, ce n’était pas facile au début, et j’ai donc repris un emploi à mi-temps dans les courses le matin pour arrondir les fins de mois, pendant un an et demi. Cela a d’ailleurs été très bénéfique pour mon équitation. 

Comment votre système est-il organisé à l’heure actuelle? 

Cela fait maintenant six ans que je suis installé et j’ai actuellement douze chevaux aux écuries, avec un groom à temps plein. En parallèle, je donne également des cours et je monte quelques chevaux dans d’autres écuries pour vivre convenablement. De toute façon, quand on crée sa structure, je pense qu’il faut une dizaine d’années pour s’établir et avoir un business qui tourne bien. Je pense être sur la bonne voie et j’espère que cela va continuer.

Mes chevaux arrivent souvent non débourrés chez moi car j’aime les faire à ma main et je considère qu’il est essentiel de maîtriser toute leur formation pour évoluer ensuite à haut niveau avec eux. À l’âge de quatre ans, ils ne travaillent pas beaucoup et découvrent juste les concours de saut d’obstacles, le cross, et un peu le dressage. L’année d’après, ils reviennent assez tard du pré et sortent en compétition jusqu’au championnat des cinq ans, qui se tient en octobre. Une fois âgés de six ans, je pense que les chevaux sont plus matures physiquement et mentalement; ils peuvent alors travailler plus. J’ai donc tendance à les faire monter en niveau assez rapidement. Avec ce système, j’essaye aujourd’hui de continuer de trouver des propriétaires qui me confient des chevaux et de faire progresser ceux qui sont déjà dans mon écurie afin que d’ici quatre à cinq ans, j’aie un piquet de cinq ou six montures pour tourner au niveau 4*.

 



“Pourquoi pas rêver, par la suite, d’une sélection en équipe de France?”

Pouvez-vous nous parler un peu de votre jument de tête, Zaragoza (AES, Cevin x Saracen Hill, Ps)?

Zaragoza est arrivée chez moi à l’âge de quatre ans, débourrée et prête à commencer à travailler. Elle est très dans le sang, ce qui rend le test de dressage un peu compliqué quelques fois, mais c’est une très bonne sauteuse, très droite sur le cross et surtout très rapide. Nous avons participé à quelques concours ensemble lorsqu’elle avait quatre et cinq ans, mais c’est à six ans qu’elle nous a révélé tout son talent. À l’âge de sept ans, elle a terminé deuxième du championnat d’Angleterre des chevaux de sa génération et l’année dernière, à 8 ans, elle est arrivée dixième du championnat du monde des huit et neuf ans à Blenheim, qui est d’un niveau CCI 4*-S.

Quels sont vos objectifs avec elle?

À l’heure actuelle, les propriétaires ne souhaitent pas du tout la vendre; leur rêve et de voir leur cheval courir le CCI 5*L de Badminton. Je dois avouer qu’avoir des propriétaires comme eux est un luxe pour moi. Ils sont passionnés par le sport, le concours complet est une tradition pour eux. En Angleterre, le but de la plupart des propriétaires n’est pas de gagner de l’argent – ce que l’on peut parfois reprocher aux Français – mais bien de vivre de grandes émotions sportives.  

Après le CCI 4*-L de Saumur, mon but est donc d’emmener Zaragoza en CCI 5*-L et de devenir compétitif à ce niveau-là. Cela me satisfera également, car pouvoir disputer des épreuves de très haut niveau est un réel accomplissement personnel. Enfin, pourquoi pas rêver, par la suite, d’une sélection en équipe de France? Si l’on m’appelle demain pour la rejoindre, j’en serai bien sûr ravi et je ferai de mon mieux, car disputer un championnat est une chose spéciale et je ne l’ai encore jamais fait. Le fait que je sois basé en Angleterre n’est à mon avis pas une barrière, car d’autres Français ont déjà été sélectionnés alors qu’ils étaient installés là-bas.

Ce week-end, vous concourez pour la première fois en CCI 4*-L avec Zaragoza, votre cheval de tête actuel. Quels sont vos objectifs?

Les objectifs de cette course sont multiples. Tout d’abord, cela va permettre à cette jeune jument de prendre de l’expérience à ce niveau. Dans un second temps, si tout se passe bien, ce concours peut nous permettre de cocher une case de plus en quête d’une qualification pour les CCI 5*-L. Enfin, cela va me permettre de me mesurer aux autres cavaliers français et de voir où j’en suis vis-à-vis de la concurrence.