Comment préparer un long voyage
Faire voyager des chevaux en toute sérénité et en toute sécurité s’anticipe et se planifie: quel moyen de transport choisir? Comment faire pour que les chevaux chargent et déchargent facilement? Faut-il faire des pauses? Faut-il les couvrir, les protéger? Y a-t-il un protocole de soins à appliquer à l’arrivée? Autant de questions auxquelles GRANDPRIX répond dans ce dossier.
Transporter des chevaux constitue une lourde responsabilité et peut se faire de différentes manières. Encadré par une réglementation, le trajet s’effectue majoritairement par la route. Différents types de véhicules sont ainsi utilisés: vans tractés, petits camions (VL) ou grands camions (PL). Les vans tractés peuvent être d’une à quatre places. “Il faut bien préciser van tracté lorsque l’on parle d’une remorque, car le terme van peut aussi se référer à un petit camion”, explique Sophie Chardron, à la tête des vans Chardron. Ils sont pratiques car peuvent s’atteler à un véhicule utilisé quotidiennement – à condition que celui-ci soit muni d’une boule d’attelage et dispose d’une puissance suffisante. “Il existe de nombreux modèles de vans plus ou moins élaborés et ergonomiques, munis de systèmes garantissant toujours plus de confort et de sécurité aux chevaux, et de nombreux rangements”, explique Marie-Pierre Boury, employée chez Cheval Liberté. “Un conseil: il ne faut pas charger trop de matériel à l’avant de la remorque pour ne pas la déséquilibrer.”
Les petits camions (VL) peuvent transporter deux équidés. Aussi appelés vans, ils sont sécurisants via la position de voyage des chevaux (tête à l’arrière), la procédure d’embarquement (latérale) et leur proximité avec le conducteur, séparé par une paroi. Certains modèles dernier cri rivalisent d’innovation pour optimiser le confort des chevaux comme de leurs accompagnants. Justine Macq, chargée de communication chez Renteo, plateforme dédiée à la location des véhicules Théault, détaille: “Certains des modèles proposés par Théault sont modulables en fonction de la morphologie et du comportement de chaque cheval, avec une position spécifiquement dédiée aux poulinières suitées. Ils sont munis de nombreuses fenêtres ainsi que d’une ventilation qui se commande sur le tableau de bord, de lumières bleues qui sont plus douces pour les yeux des chevaux, disposent de nombreux rangements, et les cabines cinq places sont munies d’une table et de doubles banquettes qui peuvent se transformer en lits superposés.” Les gros camions (PL) transportent jusqu’à douze chevaux. Sophie Chardron précise: “Avec douze chevaux, ces derniers peuvent être trop serrés en fonction de leur gabarit, donc je conseillerais plutôt dix maximum. Ce chiffre peut monter à quinze avec une semi-remorque.” Ces véhicules peuvent en bonus être dotés d’un appartement. En général, les amateurs se contentent toutefois d’un van tracté ou d’un petit camion, les gros camions étant réservés aux cavaliers professionnels ou aux transporteurs.
Le budget est évidemment à prendre en compte. L’achat d’un van tracté est naturellement moins onéreux que celui d’un camion, petit ou grand. Sophie Chardron nuance: “L’achat d’un van tracté est moins cher, mais si l’on rajoute l’acquisition d’un vé- hicule tractant, le budget total est équivalent.” La consommation de carburant n’est pas la même non plus; idem pour le tarif aux péages. À noter qu’un camion PL nécessite de passer aux mines, un contrôle annuel technique spécifique et plus contraignant que le contrôle technique classique.
Ne pas oublier la règlementation et l’assurance
Selon le moyen de transport choisi, les types de permis diffèrent. Ainsi, Jérôme Verdier, responsable des ventes en France chez Fautras, résume: “Si la somme des PTAC (poids total à charge) voiture + van tracté ne dépasse pas 3,5t, pas besoin de permis spécifique; si la somme des PTAC voiture + van tracté est comprise entre 3,5t et 4,2t, la formation B96 suffira; si la somme des PTAC voiture + van tracté dépasse 4,2t, le permis EB est nécessaire. À noter que le PTAC correspond à la case f2 sur votre carte grise, peu importe que le van tracté soit chargé ou à vide; c’est bien le PTAC qui fait foi.” Du côté des camions, pour un véhicule sans remorque dont le PTAC est compris entre 3,5t et 7,5t, le permis C1 est nécessaire. Au-delà de 7,5t, il faut le permis C.
L’assurance n’est pas non plus à négliger. Il est possible de souscrire à une assurance pour van de façon annuelle ou temporaire (de vingt-quatre heures à quatre-vingt-dix jours) indépendamment du véhicule tractant. Il est possible de le garantir au tiers afin de couvrir uniquement les dégâts causés aux autres, ou en tous risques, afin de couvrir également les dommages que le van pourrait subir en cas d’accident responsable, de vol ou d’incendie. Un montant d’indemnisation du matériel transporté est généralement compris, ainsi que l’assistance en cas d’accident. Il faut également vérifier si le produit d’assurance permet d’assurer tous les conducteurs et tous les véhicules tracteurs. En ce cas, il n’y aura pas de répercussions négatives en cas de sinistre, puisque le contrat est uniquement dédié à la remorque, et non à votre véhicule tracteur. Quant aux camions de chevaux, semi-remorques ou bétaillères, ces types de véhicules peuvent être aménagés en camping-car ou contenir de la sellerie, ce qui nécessite un contrat spécifique tenant compte de la valeur présente. À noter que pour les vans et camions, les dommages causés par les chevaux sur les véhicules sont exclus dans la plupart des cas.
Le chargement et le déchargement : une éducation nécessaire
Les chargements et déchargements des chevaux sont des moments délicats, qui peuvent provoquer du stress, voire de l’appréhension chez les équidés. C’est pourquoi il est primordial que le cheval soit (ré)éduqué en la matière. Idéalement, cette éducation doit se faire dès le plus jeune âge, comme un jeu, afin de dédramatiser la situation. On peut même profiter d’une maman qui charge et décharge avec facilité pour faire découvrir l’expérience à son poulain, qui la suivra sans difficulté ni émotions négatives. De même, si plusieurs chevaux voyagent, on peut d’abord embarquer ceux qui montent facilement; les autres, rassurés, suivront. Ensuite, il ne faut les attacher qu’une fois la barre de queue installée.
Pour les individus sujets à la panique, il est possible de leur administrer un apaisant naturel comme des fleurs de Bach. Pour des cas plus sérieux, ne rien donner sans l’avis du vétérinaire, sachant que des calmants peuvent revêtir des effets secondaires ou dopants. “Au cours du trajet, il se peut que le cheval panique et se coince à l’intérieur du véhicule. Il existe des systèmes anti-panique permettant de libérer les barres de poitrail”, explique Marie-Pierre Boury.
À l’arrivée du van, le cheval doit sortir en reculant en ligne droite. Une fois ses éventuelles protections ôtées, il faut vérifier son état général, le faire marcher pour aider à l’élimination des toxines musculaires accumulées, puis boire et se reposer. Pour les trajets de six à douze heures, une journée de repos est conseillée. Au-delà, il faut prévoir un temps de récupération de deux ou trois jours.
Sécurité et bien-être pendant le trajet
La durée de transport ne peut excéder vingt-quatre heures, avec une pause toutes les huit heures – neuf pour les poulains non sevrés. Si ces derniers doivent effectuer un trajet supérieur, il faut avoir respecté une pause d’une heure avant de repartir. Enfin, pour de plus longues distances, des autorisations supplémentaires peuvent être requises (se renseigner auprès de la Direction départementale en charge de la protection des populations).
Pour garantir le bien-être durant le transport, il est indispensable de vérifier l’état général du véhicule avant le départ. “Le système de suspension de nos modèles offre un véritable confort de traction et contribue à la baisse de la consommation de carburant du véhicule tracteur, réduit considérablement les mouvements de caisse, atténue les bruits liés au transport et garantit un confort inégalé”, décrit Marie-Pierre Boury. Aussi, le sol doit être propre et sec. “Pour un long trajet, je dispose un peu de copeaux sur le sol”, illustre Karine Deparis. “Répandre du copeau offre un meilleur confort”, confirme Jérôme Verdier. “Par ailleurs, cela sert d’éponge et empêche le sol de devenir glissant au fur et à mesure que les crottins et l’urine s’accumulent. Qui plus est, concernant cette dernière, le copeau évite les éclaboussures sur les membres. Nous proposons aussi des tapis anti-fatigue, qui permettent au cheval d’arriver plus frais à bon port: ils sont plus profonds, donc les chevaux calent mieux leurs sabots dedans.” Ce à quoi Stéphane Paillard rajoute: “Les sols proposés sur le marché sont de plus en plus souples, ce qui présente l’avantage d’offrir plus de confort au cheval et de limiter le bruit.”
Dans un van tracté, les barres de poitrail et de queue doivent être bien fixées. “Les barres de poitrail et de recul de nos vans sont réglables en hauteur et en profondeur pour s’adapter à la morphologie de chaque cheval transporté”, explique Marie-Pierre Boury. Bonus bienvenu : des coussins de protection, pour plus de confort. Si un cheval voyage seul dans un van tracté deux places, il est possible de décaler en biais le bat-flanc, en positionnant une barre de queue d’un seul tenant. “Le cheval a ainsi plus d’espace en oblique, tout en restant un minimum calé”, confirme Karine Deparis.
Concernant le foin, les avis divergent; certains mettent un point d’honneur à mettre un filet à foin à disposition de chaque cheval. “Je préconise plutôt un sac à foin, moins dangereux car les chevaux ne risquent pas de se coincer les antérieurs dedans”, relève Jérôme Verdier. “Attention à ne pas placer celui-ci trop bas afin que le cheval ne se prenne pas les pieds dedans, et à bien le fixer. D’autres s’y refusent à cause de la poussière (une autre solution consiste à mouiller au préalable le foin proposé aux chevaux).” “Simon Delestre nous a confié qu’il ne proposait jamais de foin à ses chevaux durant un transport”, relate Karine Deparis. Stéphane Paillard ajoute: “De plus en plus de cavaliers optent pour des voyages exempts de foin. Et les vétérinaires semblent aller dans ce sens: un cheval est fait pour manger la tête basse. Lui proposer du foin disposé en hauteur durant de longues heures peut causer des problèmes digestifs et respiratoires.”
Les chevaux doivent être attachés assez court, afin qu’ils ne se blessent pas en bougeant la tête, mais suffisamment long pour qu’ils aient un minimum de liberté de mouvement. Le cas échéant, cela risquerait de compromettre les mécanismes de clearance pulmonaire et de causer une fièvre de transport. Un licol matelassé ou en mouton est par ailleurs recommandé pour plus de confort. “Pour plus de sécurité, certains cavaliers optent pour une double attache en V, surtout pour les jeunes chevaux”, soumet Stéphane Paillard. On ajoutera que si le cheval voyage seul dans un van tracté, il faut le placer à gauche pour plus de stabilité, à cause du dévers des routes à droite. “La position la plus confortable pour les chevaux est en oblique. Cela évite la présence de barres de poitrail, par-dessus lesquelles les chevaux peuvent parfois passer les antérieurs. De plus, face à la route, ils sont aisément balancés de droite à gauche, ce qui n’est pas du tout agréable, alors que ce n’est pas le cas en oblique; ils ont alors plus de place pour écarter leurs postérieurs et ainsi mieux trouver leur équilibre”, explique Jérôme Verdier.
Des précautions différentes en fonction du temps de trajet
Jusqu’à trois heures de transport, il n’y a pas de précaution particulière à prendre vis-à- vis des équidés. Au-delà, il faut impérativement prévoir des arrêts afin de leur proposer de l’eau toutes les quatre à six heures – il faut donc toujours penser à disposer d’un seau! Idéalement, il s’agira d’un seau accompagné d’un bidon plein, ce qui évitera de dépendre du lieu de l’arrêt pour trouver de l’eau. Ces pauses permettront par ailleurs de vérifier l’état général du cheval, aussi bien physique qu’émotionnel. D’ailleurs, nous ne saurions trop conseiller de toujours se munir d’un kit de premiers secours. En cas de doute (sécrétions nasales excessives, refus de manger ou de boire, température rectale élevée), il faut appeler un vétérinaire. Jusqu’à douze heures de transport, il n’est pas nécessaire de sortir les chevaux du véhicule. En revanche, au-delà, ils doivent être sortis et pouvoir se reposer pendant huit heures avant de repartir. Attention, si l’on s’arrête, il ne faut pas sortir les chevaux n’importe où! “Un cheval qui s’échappe peut se blesser et causer des accidents. Mieux vaut le laisser à l’intérieur lors des pauses, sauf s’il s’agit évidemment d’un site équestre dédié. Dans notre gamme, nous disposons d’une option ouverture estivale qui fonctionne comme un haut-vent, permettant au cheval de passer la tête dehors comme s’il était dans un box”, propose Stéphane Paillard. “Il existe de nombreuses écuries qui accueillent des chevaux de passage. Elles sont recensées sur l’application Horse Republic”, explique Marie-Pierre Boury.
D’une façon générale, les chevaux voyagent mieux de nuit et la circulation y est plus fluide, ce qui limite les arrêts et les à-coups. Quoi qu’il en soit, de jour comme de nuit, il faut veiller à adopter une conduite souple et respecter les limitations de vitesse.
En été, il faudra prendre en compte les pics de chaleur et éviter de rouler à ces moments-là. “Il est même officiellement interdit de rouler en cas de canicule au-dessus d’une certaine température, car cela met la santé des chevaux en danger”, enseigne Sophie Chardron. En effet, “par arrêté du 22 juillet 2019, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation restreint le transport d’animaux vertébrés terrestres vivants sur le territoire national durant les épisodes caniculaires. L’arrêté ministériel interdit les déplacements entre 13h00 et 18h00 pour les départements classés en vigilance orange et plus. Des dérogations sont possibles (véhicules avec aménagements spécifiques...). Pour les transports de longue durée, de plus de 8h00, seuls les transports garantissant des conditions de températures inférieures à 30°C sont autorisés.”
Pour garantir la sécurité du cheval, de nombreux articles de protection sont pro- posés sur le marché pour les membres, les jarrets, les genoux et la queue notamment (surtout pour les chevaux qui s’acculent et/ou se frottent). Des cloches peuvent aussi être mises afin de protéger les glomes. Les grands chevaux peuvent également se voir proposer un protège-nuque, ce qui est d’autant plus conseillé si le véhicule est bas. Jérôme Verdier insiste: “Si le cheval n’est pas habitué aux guêtres de transport, ne lui en mettez pas sous prétexte que le voyage, plus long, est plus risqué, car cela pourra le gêner et l’agacer, provoquant d’inutiles mouvements de défense intempestifs.“
Du côté des couvertures, il faut savoir qu’un cheval a toujours plus chaud que d’ordinaire durant un transport. Veillez donc en hiver, s’il est couvert au quotidien, à ne lui mettre qu’une polaire, et laissez-le nu en été. Karine Deparis justifie: “Il faut avoir en tête qu’un cheval se sent bien lorsque la température extérieure est de dix degrés, ce qui peut nous sembler frais. Au cours d’un voyage, le fait d’être confiné durant un temps plus ou moins long dans un espace réduit augmente considérablement la température.” Stéphane Paillard ajoute: “Il est toujours plus facile de fermer les fenêtres si le cheval a froid que de le découvrir en cours de voyage s’il a trop chaud, c’est du bon sens!”
Pour garantir et optimiser le confort et la sécurité des chevaux, les marques dédiées proposent toutes sortes de solutions: caméra de surveillance, systèmes d’insonorisation et de ventilation. “Nos modèles de PL disposent de fenêtres des deux côtés, ainsi que de grandes ouvertures sur l’arrière, le toit et devant. Toutefois, nous déconseillons d’ouvrir côté tête afin de prévenir les courants d’air, qui en plus d’être désagréables peuvent provoquer des conjonctivites”, détaille Stéphane Paillard. “Moi, je suis une inconditionnelle de la caméra et du nanomètre, qui permettent de voyager beaucoup plus sereinement, sans s’inquiéter en permanence!”, avoue Karine Deparis. Jérôme Verdier précise: “En cas d’hésitation, il vaut mieux toujours trop d’air que pas assez!” On notera qu’un cheval voyage toujours mieux accompagné, car cela le rassure. S’il est seul, une astuce consiste à placer un miroir ou une surface réfléchissante en face de lui!
Il est fréquent et normal qu’un cheval perde du poids au cours d’un long voyage, à cause d’une ingestion réduite de nourriture, de déshydratation, du stress, de la transpiration, d’une augmentation des excréments et de l’urine, d’une montée de fièvre... Il peut perdre de 0,45 à 5% de sa masse. En général, il retrouve son poids de forme dans les jours qui suivent. Si ces pertes de poids sont fréquentes et importantes, il est conseillé d’appeler un vétérinaire et de peser le cheval au départ et à l’arrivée.
Le budget, éternel nerf de la guerre
Le fait de transporter des chevaux constitue une dépense financière évidemment non négligeable, qui engendre une consommation de carburant accrue. Avec un van tracté, il faut compter 30% de plus de consommation. Pour les camions, un VL récent consomme environ 10 litres/100, et un PL 25 litres/100. La façon de conduire générera, comme en voiture, plus ou moins de consommation: pour moins polluer, il faut éviter les accélérations brutales et les freinages d’urgence, et utiliser le “couple” du moteur sans tirer sur les rapports. Pour freiner, le frein moteur est le meilleur outil. Quant aux pneus, ils doivent être bien gonflés: un pneu sous-gonflé offre une surface plus importante sur le bitume, peut chauffer et éclater. Il faut donc vérifier la pression du pneu à froid et ne pas hésiter à surgonfler légèrement (de 100 à 300g supplémentaires).
Dernière dépense: les péages. Avec un van, pour un ensemble roulant dont le PTAC est inférieur à 3,5t, le prix du péage passera en classe 2 (contre une classe 1 pour une voiture classique). Avec un van pour un ensemble roulant dont le PTAC est supérieur à 3,5t, le prix du péage se situera en classe 4, de même qu’avec un poids lourd. Les camions VL se situeront en classe 2 ou 3, selon si le PTAC est inférieur ou supérieur à 3,5t. En somme, transporter des chevaux sur une distance moyenne ou longue ne s’improvise pas, et nécessite des précautions supplémentaires que pour un court trajet.
Cet article est paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX.