Les sols équestres, tout en souplesse

La souplesse d’un sol procure d’extraordinaires sensations au couple formé par le cavalier et sa monture, si bien qu’il est difficile de s’en passer une fois qu’on y a goûté. Propulsion, absorption des chocs, légèreté... les foulées se font plus faciles, et le cheval est plus vivant et serein. Comment cette fameuse souplesse s’installe-t-elle et s’entretient-elle? En interrogeant plusieurs acteurs du secteur, GRANDPRIX s’est attaché à mieux comprendre ce potentiel caché de nos carrières.



Une trace de fer très marquée indiquera un sol dur.

Une trace de fer très marquée indiquera un sol dur.

© Trevor M/Pixabay

Lappréciation de la souplesse d’un sol est-elle universellement partagée? Rien n’est moins sûr. Certains chevaux aux tendons sensibles vont préférer un sol dur et s’y mouvoir plus facilement. D’autres, sujets à des problèmes articulaires, auront un déplacement plus fluide sur un sol mou, quand d’autres encore sont si légers et équilibrés qu’ils semblent voler quel que soit l’état du terrain. Doivent également être pris en compte le parage, le ferrage, les éventuels problèmes ostéo-articulaires, l’ajustement correct ou non de la selle, ou encore le niveau du cavalier. Nous trouvons-nous alors face à un problème sans fin? 

Mieux comprendre l’impact

“De nos jours, il y a encore trop peu d’éducation concernant la locomotion et la morphologie du cheval”, alerte le docteur vétérinaire Bruno Baup, fondateur de la Clinique du cheval, deuxième centre hospitalier vétérinaire pour équidés (CHVE) de France, à Grenade, à une vingtaine de kilomètres de Toulouse. “Les connaissances actuelles ont permis d’analyser les différentes phases du poser du sabot. On estime que le temps du mouvement est ainsi réparti: 20% pour l’impact, 60 % pour l’appui ou la charge, et 20 % pour le décollage du pied. Le contact initial, c’est-à-dire la phase d’impact, comprend le toucher du sabot puis le mouvement glissé en avant qui correspond à son inertie.” Pour schématiser grossièrement, l’atterrissage exerce une traction sur la partie antérieure du membre et une contrainte en torsion; l’appui correspond à la descente du boulet et à la charge maximale sur le membre; le décollage, quant à lui, sollicite essentiellement l’appareil ligamentaire et le tendon fléchisseur profond. Si les tissus mous du pied et du membre en général ne sont pas capables d’absorber un trop grand impact, ce dernier va alors se répercuter sur les tissus durs. “La génétique sportive moderne a sélectionné des chevaux qui ont une rapidité de frappe. L’épreuve de puissance et de musculation pure qu’était le saut d’obstacles s’est transformée en une épreuve d’élongation, de raccourcissement et de percussions.” 

Les nouvelles techniques d’imagerie médicale IRM et scanner ont permis de mieux cibler et comprendre les problèmes engendrés par un sol à la capacité insuffisante d’absorption des chocs. “Les chevaux d’obstacles peuvent développer des œdèmes osseux et des pathologies ligamentaires distales (dans la région du tiers postérieur du pied, ndlr). Nous sommes maintenant capables de mesurer les vibrations, chocs et amplitudes de flexion/extension subis par l’animal”, continue le spécialiste. Ainsi, les outils logiciels exploitant la cinématique (repères sur le cheval et outils vidéo) et les capteurs accélérométriques (sur les pieds uniquement ou sur le corps du cheval, ainsi que sur celui du cavalier) facilitent-ils la compréhension des mouvements du pied au poser et son incidence sur la totalité du cheval. Une deuxième génération de capteurs dits “de pression”, apposés directement sous les sabots ou sur des tapis de marche identiques à ceux utilisés en médecine humaine, est en cours de développement. Ces données devraient notamment aider à mieux quantifier la phase du glisser du pied à l’atterrissage. 

“Il est important de savoir régulièrement se remettre en question”, poursuit le passionné d’orthopédie et de maréchalerie. “En outre, un cheval encaisse plus souvent qu’on ne le croit et peut être dur à la douleur. Un individu peut malheureusement avoir mal mais rester performant! Et il est navrant qu’on en vienne parfois, comme cela réapparaît dans certaines courses d’endurance, à supprimer la sensibilité des extrémités de chevaux de compétition (par névrectomie, intervention chirurgicale de dernier recours consistant au retrait ou à l’anesthésie chimique de certains nerfs pour supprimer les douleurs du membre, les chevaux concernés étant interdits de compétition en France, ndlr)...” Sans tomber dans la paranoïa, l’heure est donc à la prudence! “Grâce à la maréchalerie, entre autres, et à tout l’appareillage thérapeutique et de physiothérapie actuel, le cheval a heureusement une certaine capacité à guérir si on lui en laisse le temps. Un sol souple et une réduction des chocs répétitifs pourront aider à protéger le cheval des principales pathologies”, conclut le Dr Baup. Les professionnels concernés recentrent donc l’attention sur l’acteur principal de cette équation, à savoir le sol en lui-même et sa capacité à permettre l’impact dans des conditions optimales.



La tenue d'un sol

Herser reste un bon moyen d’obtenir un sol souple, sous réserve d’utiliser les bons outils et réglages.

Herser reste un bon moyen d’obtenir un sol souple, sous réserve d’utiliser les bons outils et réglages.

© Houriez

La souplesse d’un sol sableux s’envisage selon sa granulométrie et sa capacité de saturation en eau. Autrement dit, il s’agit d’évaluer comment sa composition lui permet de stocker suffisamment de liquide pour garantir ses propriétés amortissantes, sans pour autant se dérober sous les pieds des chevaux. À l’inverse, l’absence de tenue est caractéristique des sols argileux, qui se gorgent vite et finissent par former une boue collante incompatible avec tout exercice sportif. “Il faut considérer le sable dans son ensemble”, amorce Florence Bord, gérante de la société éponyme Bord Sol, sise à Chalain-le-Comtal, dans la Loire. “Il est important de connaître la nature du gisement et de rester prudent à l’égard de certaines appellations qui veulent tout et rien dire. Un sable équestre doit être extra-siliceux (de 95 à 99% de sa composition totale, ndlr) car la silice de quartz est un produit qui ne se détériore pas dans le temps et évite l’apparition de poussière, la tendance au compactage et l’al- tération du drainage. Un bon sable équestre doit également comporter un pourcentage de fines (grains de taille minime, ndlr), qui apportent du liant, de l’élasticité et de la tenue. Un mélange de sable doit être équilibré: on ne peut viser la seule souplesse d’un sol, qui deviendrait alors trop profond et inutilisable. En résumé donc, un sol doit être polyvalent, capable de se compacter et de décompacter facilement en fonction de la quantité d’eau à sa disposition et des besoins sportifs du couple cavalier/cheval.” Ceci avant d’ajouter que: “Les gisements de bon sable étant assez rares et chers en France, il est courant de passer par l’ajout d’éléments issus de la pétrochimie (fibres synthétiques, ndlr) pour pallier une déficience de tenue.” 

“Il y a plusieurs sortes de sables polymères (famille de plastique qui inclut également les élastomères, une autre appellation possible, ndlr)”, relève Florent Schreiber, gérant depuis fin 2017 de la société Schreiber Sols équestres, basée à Feldkirch, à une quinzaine de kilomètres de Mulhouse, en Alsace. “Cette solution est proposée depuis les années 2000, mais elle a parfois donné lieu à des dérives qui nuisent aujourd’hui à la crédibilité de ce type d’ajout. Par exemple, le recyclage des câbles électriques en composants pour sols équestres peut avoir pour résultante un taux de cuivre excessif lorsque le composant en question n’est pas lavé et débarrassé de ses impuretés, et se retrouve alors sous les guêtres des chevaux! Il faut obligatoirement choisir un polymère traité, sans danger pour la santé”, insiste-t-il, tout en soulignant les avantages des polymères. “Ils offrent une grande souplesse au sol et peuvent s’utiliser en couche de travail pure ou en ajout à cette dernière. Leur utilisation comme seul matériau pour la couche de travail reste assez marginale et réservée aux écuries qui pratiquent une équitation légère et de loisir, comme les poney-clubs. Leur effet rebondissant est apprécié car il épargne l’effet ventouse que fait subir un sable mou. Néanmoins, sans complément de sable, la frappe et le maintien latéral ne sont pas leurs points forts quand l’équitation devient plus sportive et technique. Dans ce cas, et cela constitue le commun de nos ventes, nous tablons sur un mélange de sable et d’élastomère, avec un pourcentage relatif plus ou moins élevé selon les besoins. L’élastomère reste facilement en surface et procure la sensation de fouler du velours, sans pour autant nécessiter autant d’eau qu’un sol intégralement sableux.” 



Humidité et drainage

Un sol équestre se compose de deux couches principales: la couche de travail, épaisse de quelques centimètres, qui est en contact direct avec les sabots du cheval – et parfois d’un malheureux cavalier... –, quand le fond de forme, en-dessous et plus profond, assure le drainage, c’est-à-dire l’évacuation de l’eau. Il existe à l’heure actuelle trois types de drainage. Dans le cas d’un drainage sur structure fermée, long- temps populaire mais de moins en moins utilisé, l’eau en surplus est évacuée via une pente. Le drainage sur structure ouverte évacue l’eau par percolation et nécessite un arrosage aérien. Majoritaire de nos jours, il est cependant de plus en plus concurrencé par la structure sub-irriguée, qui fonctionne également par percolation mais injecte l’eau par le sous-sol, et non plus par arrosage aérien. Tout l’enjeu est alors de garder la structure en sable suffisamment humide pour être souple... sans en faire trop. 

Malheureusement, les sondes d’humidité les plus performantes sont ordinairement réservées aux professionnels du monde agricole, les matériels plus classiques et abordables étant moins précis. “Utiliser de telles sondes serait une très bonne chose mais on se heurte souvent à des contraintes de manipulation et de temps”, corrobore Florent Schreiber, de Schreiber Sols équestres. En conséquence, l’estimation de l’hygrométrie se fait le plus souvent à l’œil, ou sur la base de repères techniques potentiellement susceptibles de biaiser l’évaluation de la condition réelle d’humidité, et donc de souplesse du sable. D’autant que l’écart de pourcentage d’humidité entre un sable meuble ou non reste finalement relativement limité. “Il est important de revoir régulièrement ses connaissances sur les sols équestres, car ces derniers ont largement évolué au cours des quinze dernières années”, rappelle Francis Clément, à la tête de la société Toubin&Clément, l’une des pionnières et leaders du marché, établie à La Boissière-École, dans les Yvelines. “Aujourd’hui, il est possible de mieux réguler l’humidité d’un sable et donc sa souplesse. Le mieux est d’avancer quelques chiffres pour cela. Ainsi, un sol à 11% d’humidité est impropre à la pratique de l’équitation, et un sol de 17 à 19% d’humidité reste encore trop ferme pour être considéré comme souple. Il peut l’être à partir de 20% d’humidité puis au-delà, quand il est dit saturé.” 

La solution serait-elle simplement d’arroser sa carrière à grande eau pour profiter d’un sol souple? “L’arrosage aérien rend malheureusement la saturation du sol compliquée sur une longue durée car la chaleur et le vent vont l’assécher au fur et à mesure de la journée. En outre, l’évacuation de l’eau par percolation va entraîner avec elle les fines vers le fond de la couche de travail”, continue Francis Clément. “Il est possible de ralentir ce processus par l’ajout de copeaux de polyester qui peuvent absorber jusqu’à 200% de leur poids en eau. En sus de herser le sol avec régularité pour homogénéiser les grains de sable, il existe aussi notre solution AquaRegul de sub-irrigation. Elle fonctionne avec une saturation par capillarité, et s’appuie en outre sur une couche de travail de trente centimètres d’épaisseur, contre les quinze habituels. Les fines ont alors tendance à remonter en surface et, surtout, le taux d’humidité est constamment réglé entre 22 et 24% d’humidité, y compris en profondeur, ce qui en fait un sol très confortable sans pour autant perdre sa réactivité. Les traumatismes des articulations y sont réduits, en particulier lors des descentes de charge occasionnées à la réception d’un obstacle.”



Ondes de choc

Les sols organiques – ici un sol en buis ciselé âgé de quatre ans – font leur entrée dans la catégorie des sols équestres souples.

Les sols organiques – ici un sol en buis ciselé âgé de quatre ans – font leur entrée dans la catégorie des sols équestres souples.

© Fludy Sol/Buxor

Les notions d’impact et d’ondes de choc ressentis par l’animal ne sont pas toujours bien appréhendées par les cavaliers. Pour les comprendre, on peut se remémorer la très désagréable sensation de courir sur du bitume avec une paire de sandales minimalistes, dont la finesse et la rigidité de la semelle transmettent sans intermédiaire toute la rigidité du sol, qui vient alors provoquer de douloureuses vibrations dans les chevilles et les talons. Afin d’accompagner l’eau dans son rôle d’amortisseur, “il est également possible d’ajouter une couche d’absorption sous la couche de travail et le fond de forme”, indique Michel d’Anna, co-gérant de la société Houriez Sols Équestres, domiciliée à Écaillon, dans le Nord, dont le procédé est la spécialité depuis 2007. “Cette couche de dix centimètres agit comme la semelle d’une chaussure. Elle absorbe les ondes de choc, permettant ainsi que les vibrations ne soient plus redistribuées dans les articulations du cheval. Une onde de choc voyage plus qu’on ne le croit. Après avoir traversé la couche de travail puis le fond de forme, elle rencontre ce que l’on appelle le sol clouté, qui a été très compacté pour servir de base à la carrière. Devant cet obstacle infranchissable, l’onde va classiquement faire le chemin inverse et revenir à la surface... sauf si elle se dissout entre temps dans notre couche absorbante opportunément placée à cet effet.” 

Afin de tester les effets absorbants de son sol, Houriez Sols Équestres a fait appel à un vétérinaire spécialiste de la locomotion du cheval, le professeur Kossay Benredouane, intervenant à la clinique vétérinaire du Grand Renaud, au Mans. Le test a été réalisé par le biais de capteurs posés sur un cheval monté par un cavalier de saut d’obstacles de haut niveau. “Le cheval ne présen- tait plus d’irrégularités comparées à celles constatées sur un sol classique. Au fur et à mesure, il s’est senti mieux et a amélioré ses sauts”, explique Michel d’Anna. 

“Les sols multicouches sont très intéressants pour atténuer les retours d’ondes de choc”, appuie Florent Schreiber, de Schreiber Sols Équestres. “Nous rencontrons parfois des réticences et des interrogations sur la possible migration de cette couche amortissante dans le sol, mais il n’en est rien. Pour notre part, nous tablons sur une couche composée d’élastomère placée entre la couche de travail et le fond de forme. Ce composant plastique très souple permet en outre de mieux répartir l’humidité. Il existe également des dalles de drainage, populaires en Allemagne, toujours placées entre la couche de travail et le fond de forme, qui apportent un peu de souplesse et d’humidité. Des dalles connectées, propres à gérer l’humidité, font actuellement l’objet de recherches. L’objectif sera toujours le même: offrir un amorti tout en maximisant au mieux la teneur en eau dans les sols.”



Plus douce sera la séance... et la chute

Si le cheval peut indiquer à son cavalier la bonne souplesse d’un sol, le pilote peut également en ressentir les effets positifs sur lui-même au quotidien. “Effectivement, le cheval n’est pas seul à en tirer des bénéfices. J’ai eu plusieurs retours de cavaliers heureux de sentir leurs douleurs cervicales et lombaires s’amoindrir”, reprend Michel d’Anna, d’Houriez Sols Équestres. “Les effets sont si flagrants et appréciés que les sols intégrant notre couche d’absorption représentent actuellement 80% de nos chantiers. Le surcoût et la durée allongée des travaux restent malheureusement un frein à une large diffusion, mais nous sommes fiers de pouvoir avancer une solution qui apporte de la souplesse sans nuire d’une quelconque façon au couple, y compris sur le plan sportif.”

La souplesse d’un sol sera également appréciée en cas de chute des cavaliers, beaucoup ne portant pas d’airbag au quotidien. “La question du lien entre souplesse du sol et gravité des chutes revient souvent chez nos clients, et à juste titre”, avance Édouard Seynhaeve, co-gérant de la société Environnement Équestre, établie à Fontenay-en-Parisis, dans le Val-d’Oise. “Ce questionnement vient habituellement des structures d’apprentissage, où le risque de chute est plus élevé. Quand les chevaux sont irréguliers, voire boiteux, et que les chutes des cavaliers se transforment en accidents, il n’y a plus à tergiverser: le sol n’est plus souple! Attention à l’habitude des sols trop frappants. L’heure est au mœlleux au quotidien, sans pour autant tomber dans l’excès inverse où le sol est si mou qu’il fatigue et blesse les ten- dons. Nos clients nous rapportent à l’heure actuelle que leur taux d’accident a été divisé par quatre à la suite d’un renouvellement de sol quand ce dernier était pollué, usé, ou n’était plus homogène.”

Estimer la souplesse d’un sol selon ses sens?

Il est courant qu’un cavalier se réfère au bruit mat et claquant produit par un sol considéré comme trop dur quand il galope en terrain varié, notamment sur la plage ou en forêt. Qu’en est-il pour le sable de la carrière? “Le bruit marqué d’une foulée n’est pas un indicateur fiable concernant sa dureté car certains sols humidifiés à 23% produiront encore ce son caractéristique”, nuance Francis Clément, de Toubin & Clément, société travaillant notamment en étroite collaboration avec la professeure Nathalie Crevier-Denoix, considérée comme la plus grande spécialiste de la locomotion équine.“Il est important de quantifier dans un premier temps le taux d’humidité via un capteur, puis de vérifier par ses propres sensations ou des données scientifiques la souplesse d’un sol.”

“On peut apprendre à estimer la souplesse d’un sol de manière visuelle et tactile”, complète Édouard Seynhaeve, de la société Environnement Équestre. “À l’œil, on peut s’aider des traces de sabot: si la fourchette est aussi visible que le fer, c’est un bon point. Si le fer est seul marqué, attention à la dureté. Au contraire, un sol trop mou se voit par les sillons qu’il laisse sur le lieu de passage des chevaux ou encore par la trop grande profondeur des marques de sabot (qui devraient correspondre à deux ou trois centimètres maximum). On peut ensuite vérifier ceci d’un point de vue sensoriel, en marchant soi-même sur la piste en enfonçant bien le talon en premier. La dureté ou la mollesse d’un sol se ressent assez bien, mais il faut tout de même prendre l’habitude d’écouter nos sensations: est-ce que le pas que l’on vient d’effectuer s’est répercuté jusqu’à notre colonne vertébrale ou a-t-on eu, au contraire, la sensation d’avoir alourdi notre foulée, ralentie par un mouvement plus ample et énergivore?»



L’inévitable entrtien

“Un sol équestre se durcit à cause d’un défaut d’entretien, notamment la pollution des crottins mal ou non enlevés (ce qui modifie la tension superficielle de l’eau avec le sable et perturbe l’équilibre des frottements. Une eau polluée et/ou croupie peut avoir le même effet, ndlr)”, analyse Édouard Seynhaeve, d’Environnement Équestre. “L’arrosage et le hersage entrent également en ligne de compte. Le hersage est plus complexe qu’on ne le croit. Il représente une part entière de l’entretien d’un sol sportif et ne doit pas faire penser à l’élaboration d’un jardin japonais, certes flatteur à l’œil, mais pas du tout efficace! Un hersage sur une carrière classique de 40x20m doit se faire en une vingtaine de minutes, par exemple. Sans compter, en amont, le temps des réglages de profondeur de la herse ainsi que son attache à un tracteur.” 

L’entretien d’un sol équestre par action mécanique s’envisage selon plusieurs facteurs: la taille de la carrière, le type de sol, ainsi que la puissance et la largeur du véhicule tracteur. La barre est utilisée pour compacter un sable pur et le lisser, tandis que le rouleau avec peignes est davantage destiné à compacter et réorganiser un sol fibré. Lorsque l’on cherche la souplesse d’un sol, on se tourne plutôt vers la herse. Cette dernière supprime la cohésion des grains des sables agglomérés pour aérer le sable et le rendre plus profond. Mais attention à ne pas céder à la tentation de herser trop en profondeur, au risque d’atteindre le fond de forme! Et à être vigilant! Car c’est aussi à l’occasion du hersage que l’on peut être alerté par un manque de profondeur de la couche de travail, plus courant qu’on ne le pense. Si l’épaisseur initiale – de douze à quinze centimètres – n’est plus effective, la résonance des ondes de choc sera plus forte et le sable moins confortable, en dépit de son hersage.

Quant au dessin du hersage, il est assez variable selon les habitudes de chacun, le type de sable et la mobilité du véhicule tracteur, entre autres. Mais il est préférable de croiser ses passages en huit de chiffre, par exemple, pour garder une homogénéité sur toute la surface. En règle générale, chaque constructeur, de par la composition spécifique de son sol, saura dispenser des conseils personnalisés en matière d’entretien, que cela soit pour le remettre simplement en état et supprimer trous et bosses, l’aérer en le griffant plus ou moins profondément, le rendre plus frappant en le refermant, etc. “Un mauvais hersage va nuire à la conservation d’un bon sol, quelle que soit sa qualité de base. Une herse est un engin coûteux et souvent accompagné d’un mode d’emploi conséquent. En se référant à la fois à son constructeur et au concepteur du sol, l’utilisateur optimise ses chances d’exercer ensuite un hersage parfait”, conclut Florent Schreiber, de l’entreprise éponyme. 

Présent et futur des sols équestres 

“Le secteur des sols équestres a malheureusement subi une certaine pénurie et une hausse des prix”, commente Arnaud Malgras, gérant de la société Equiplus Sols Équestres, installée à Noisseville, en Moselle. “Le bois, en particulier, pose problème. La crise sanitaire de la Covid-19 a longtemps bloqué les usines, si bien que du retard s’est accumulé et qu’il faut désormais effectuer une commande vraiment très en avance pour respecter les délais établis avec un client. L’approvisionnement en sable, par contre, n’a pas posé de problème à Equiplus car nous avons une solide relation avec notre carrière d’extraction. Néanmoins, les prix des énergies ont augmenté, ce qui s’est répercuté sur les prix de production puis de transport. Il y a également eu une inflation sur les produits plastiques (tuyaux de drainage, d’arrosage, etc.), pouvant atteindre 15 à 45% pour certains produits. Dans un premier temps, nous avons amorti la hausse des coûts pour respecter les contrats signés. Mais malheureusement, il nous a ensuite fallu ajuster nos prix sur ceux du marché. Nous espérons que les prix vont se régulariser et baisser, car pouvoir apporter du confort aux chevaux reste primordial.” 

Si cet article s’est principalement fon- dé sur les sols équestres en sable et ses variantes avec fibres et amortissants synthétiques, d’autres solutions existent en parallèle. En particulier, les sols organiques proposés notamment par Eliot Innov Sol, à vingt-cinq kilomètres de Rennes, en Bretagne. Depuis quelques années, les copeaux de bois se retrouvent sur les pistes, y compris celles d’entraînement de course. Ces copeaux sont à différencier de la sciure de bois, déchet de scierie, et du bois raméal fragmenté (BRF), un mélange non composté de résidus de broyage de rameaux de bois frais, incluant leur écorce. Riche en lignine, le BRF est amené à se dégrader rapidement, ce qui en fait un excellent apport nutritionnel pour les sols de prairie mais un mauvais allié des sols de travail.

Les sols équestres en bois, aussi appelés sols forestiers, comportent plutôt des copeaux de bois écorcés d’essences dures – type buis ou chêne –, généralement non mélangées, ce qui leur confère une meilleure longévité. “Les pistes en sable ont depuis longtemps fait leurs preuves, notamment pour le saut d’obstacles. Mais il est également intéressant de se tourner vers d’autres matériaux quand il est question d’aller chercher de la souplesse. Je pense pour cela à un sol équestre en buis, encore récent sur le marché”, relève Pierre Fluzat, fondateur de la jeune entreprise Fludy Sol, établie à Coust, dans le Cher, à une quarantaine de kilomètres de Montluçon, qui collabore notamment avec le sol équestre Buxor. “Le sol en buis est un sol organique constitué de bois de buis ciselé en différentes granulométries. Il est conseillé pour le travail sur le plat et les petites hauteurs d’obstacles (qui peuvent tout de même aller jusqu’à 1,40m, ndlr). C’est un sol extraordinaire car il est souple, confortable et réactif! Il faut cependant être un peu patient car il s’améliore avec le temps, notamment pour former en surface une couche d’humus bien homogène. Nous avons des retours très positifs de la part de nos utilisateurs, toutes disciplines confondues, reining compris. Les impacts sont très réduits et cela se ressent immédiatement. Néanmoins, si votre sol est destiné à accueillir des concours de jumping, le sable sera plus indiqué. Pour ma part, je considère le sol en buis comme un sol équestre d’avenir, qui répondra aux besoins d’un large panel de cavaliers et de chevaux en avançant une très grande souplesse.”

Cet article est paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX.