L’équicoaching, une activité de plus en plus professionnalisée

À travers l’équicoaching, le cheval, miroir des émotions humaines, devient un collaborateur permettant aux entreprises d’améliorer les capacités de gestion de leurs collaborateurs, et notamment de développer leurs capacités douces. De plus en plus viable économiquement, et portée par les besoins identifiés durant la crise sanitaire, cette activité se professionnalise. Comment les structures en pointe forment-elles les équicoaches humains et équins?



Si l’équicoaching se démocratise petit à petit, cette activité n’est plus tout à fait nouvelle. Certaines structures existent depuis plus de dix ans, comme l’Académie Équicoaching, fondée par Arnaud Camus. “À cette époque, il était vraiment difficile de vendre ce projet à des entreprises parce que c’était un concept totalement nouveau. Avec l’angle de la formation professionnelle et de la formation en management reconnue par l’État et éligible au compte personnel de formation (CPF), nous avons obtenu une crédibilité suffisante pour pouvoir nous développer.” 

L’équicoaching est désormais prisé par les entreprises parce que le cheval, employé comme médiateur, est capable de révéler et d’analyser un comportement humain en quelques secondes. “À l’état naturel, le cheval fonctionne en miroir de l’autre, renvoyant à la personne ses propres émotions et manières d’agir. L’équicoaching permet de mettre en lumière les ressources et les points fragilités d’une personne pour lui permettre de progresser et d’avancer”, témoigne Anne Le Junter, fondatrice d’ALJ coaching. “La réussite de tel ou tel exercice nous importe peu. Ce qui nous intéresse, c’est ce qui s’est passé, la communication qui s’est créée dans le groupe, la posture utilisée… C’est un exercice qui marque les gens parce que c’est sensoriel, intuitif et ludique. Il y a un vrai relâchement émotionnel qui ne peut pas se produire dans une salle devant un PowerPoint”, explique Céline Cicuto, fondatrice d’Equo-coaching. “En début de séance, c’est la rencontre de deux individus. On demande au groupe de classer les chevaux dans leur ordre de préférence afin de faire jouer leur instinct”, raconte Boris Ehrgott, dont la structure, Les chevaux de la Martinière, est née il y a moins d’un an. “Et si quelqu’un se sent effectivement proche d’un cheval, c’est parce que la nature ou la psychologie du cheval leur correspond ou répond à des besoins ou des manques. Tout cela, nous le décryptons. Nous essayons vraiment de pousser au choc cognitif. Nous sommes là pour leur faire vivre une expérience collective dont ils se souviendront toute leur vie.” 



“On ne s’invente pas équicoach”, Stéphanie Grenard

Dans le monde de l’équicoaching, il n’existe pas encore de diplôme officiel reconnu par l’État, et chaque structure choisit librement ses intervenants. À l’Académie Équicoaching, il y a trois types de formateurs, chacun avec une spécificité particulière. “Il y a d’abord des formateurs qui viennent du sport de haut niveau, comme Karim Laghouag, des grands champions qui ont la faculté de faire comprendre et d’expliquer ce qu’est la rigueur de la performance au plus haut niveau, et comment ils ont fait pour arriver à ce niveau-là”, explique Arnaud Camus. “Ensuite, nous avons des psychologues, diplômés d’écoles reconnues par l’État et issus du monde du cheval, qui arrivent à amener un décodage du cheval par rapport à la personne. Enfin, nous avons des manageurs d’entreprises, qui ont la capacité de faire l’analogie avec ce que le cheval enseigne par rapport aux entreprises.”  

Pour sa part, Céline Cicuto, a suivi une formation au sein de la Haute école de coaching afin de pouvoir apporter des débriefings encore plus poussés. “On ne forme pas nos prestataires à de l’équi-coaching. Si on veut travailler avec des gens, on travaille avec des équicoaches qui sont déjà en place pour tout ce qui est lié au travail avec le cheval.” Comme le souligne Stéphanie Grenard, fondatrice de SLE Consulting, “on ne s’invente pas équicoach. Aujourd’hui ce sont des équicoaches qui forment à l’équicoaching. Il existe quelques structures spécialisées dans cette formation mais ce n’est pas un diplôme certifiant. Il pourrait être utile de créer un véritable diplôme, dans le sens où cela validerait cette activité comme un réel métier.” Alors que certains responsables demandent obligatoirement cette formation pour intégrer un groupe de formateurs, d’autres préfèrent se concentrer sur les compétences de chacun. “Je ne crois pas en une formation à l’équicoaching”, affirme Arnaud Camus. “Pour être pertinente, elle devrait former pendant de longues années à la psychologie, au management et à l’analyse des chevaux.”  

Séance d'Equicoaching - Equo coaching

Séance d'Equicoaching - Equo coaching

© Jessica Rodrigues



“Il n’y a pas vraiment de critères de sélection des chevaux”, Boris Ehrgott

Du côté des chevaux, on ne distingue pas vraiment de critères de sélection spécifique à cette activité. “Évidemment, on ne prend pas d’entiers ou de jeunes chevaux. On demande surtout aux chevaux d’être sans danger, qu’ils soient habitués, curieux et respectueux de l’homme”, résume Céline Cicuto. “Nous essayons de choisir des structures où les chevaux peuvent vivre dehors au maximum. Sinon, nous travaillons avec des chevaux de tout type: race, âge, activité. Nous aimons cette variété. Chacun a sa personnalité, comme un humain”, raconte Céline van den Driessche, responsable pédagogique d’Implitude. 

Les chevaux choisis ont une vie en dehors de l’équicoaching. Selon les spécialistes, aucune formation n’existe ni n’est nécessaire pour eux. “Nous nous intéressons à l’instinct et à comment le cheval, peut naturellement vous décoder”, témoigne Arnaud Camus. “Il n’y a pas de dressage spécifique, on ne veut pas que le cheval manifeste une réponse déjà conditionnée à un stimulus”, ajoute Céline van den Driessche. “Nous voulons juste des chevaux en bonne santé, qui mangent bien et ont ce côté challengeant sans être dangereux.” Cependant, comme l’explique Anne Le Junter, “l’équicoach a un rôle fondamental dans le choix du cheval qu’il va opérer pour son client. Il doit avoir identifié les problématiques de l’entreprise et il sait que dans telle ou telle situation, il va proposer un cheval qui mettant en lumière les ressources et limites qu’il va falloir confronter. Son rôle est de faire particulièrement attention et à la sécurité physique et à la sécurité émotionnelle. On peut pousser les gens dans leur retranchement mais jamais jusqu’au bout.” 

La plupart de ces structures sont encore jeunes. Et la crise sanitaire a en quelque sorte encouragé leur développement actuel. “Le besoin de se reconnecter à soi, aux autres, de créer du lien, de se retrouver, de change les choses… Toutes ses problématiques et ce besoin de sens ont été un accélérateur des prestations que nous proposons”, ajouté Céline van den Driessche. Laurent Levrard, directeur des ressources humaines pour la région Sud Île-de-France chez Suez, partagé son expérience, vécue il y a un an avec la structure Horses and Coaching: “C’était une décision de l’entreprise et de l’ensemble des managers de suivre cette prestation-là. J’étais favorable dès le départ à cette expérience et elle m’a énormément marqué. Le premier exercice consistait à faire bouger le cheval. Il y a un parallèle énorme entre diriger des gens et faire bouger ce cheval. L’animateur nous avait dit que nous allions en apprendre plus sur nous-même que sur le cheval en question. Lorsque vous êtes à la bonne distance pour qu’il capte l’information, vous obtenez ce que vous souhaitez. C’est un vrai questionnement sur la bonne proportion dans nos gestes. Comme quand on dirige une équipe, si le geste est trop puissant et trop fort tout de suite, on ne peut plus monter en puissance en cas de crise. Ce que m’a dit le formateur était totalement juste, alors quand quelque chose se révèle dans un tel contexte, l’avantage est qu’on le retient et qu’on arrive à modifier son comportement. C’est comme si vous aviez un miroir devant vous: le cheval vous sert de miroir. Il vous dit qui vous êtes et comment vous êtes. Ce n’est absolument pas sur lui que vous allez apprendre mais sur vous grâce à lui.” 

On l’aura compris, l’équicoaching a le vent en poupe, et tous les éléments semblent réunis pour que cette activité continue à se professionnaliser.