“Le Jumping International de Reims est une compétition mythique qui va disparaître du monde équestre”, Didier Gondé

Après deux années blanches en raison de la pandémie de Covid-19, le Jumping international de Reims au label trois étoiles, programmé du 26 mai au 6 juin au Parc de Champagne, dans la Marne, est une nouvelle fois annulé. Fondé en 1929, l’événement historique est victime de la conjoncture actuelle selon laquelle les cavaliers français semblent se désintéresser des concours sur herbe. Didier Gondé, président de la Société Hippique de Reims, organisatrice de l'événement, a confié à GRANDPRIX sa déception et la potentielle suppression du jumping pour les années à venir.



Après deux années blanches en raison de la pandémie de Covid-19, le Jumping International de Reims est une nouvelle fois annulé pour son édition 2022. Que s’est-il passé?

Cent-vingt chevaux étaient engagés du côté des étrangers. Je pensais en avoir autant côté français afin d’en obtenir au minimum deux cent quarante. Finalement, seulement quarante chevaux français étaient engagés sur les trois labels. Ainsi, nous n’avions que cent soixante chevaux pour faire le CSI 3*, 1* et jeunes chevaux. Dès le départ, c’était une perte financière de 80 000 euros. 

Pourquoi selon vous?

J’ai l’impression qu’au vu de la conjoncture qui tend à s’accroître depuis avril, les Français boudent complètement tout ce qui est concours en herbe. Nous avons les références avec ce qu’il s’est passé au Touquet (CSI 2* qui s’est tenu du 5 au 8 mai, ndlr), j’étais président du jury à cette occasion et il n’y avait pas beaucoup d’engagés, même constat à Hardelot (CSI3* qui s’est déroulé du 28 avril au 1er mai, ndlr) et à Maubeuge (CSI 3* qui a eu lieu du 28 avril au 1er mai également, ndlr). Je pense que ce sera la même chose pour Béthune (CSI 2* programmé du 3 au 6 juin, ndlr). Il y a vraiment une désaffection des cavaliers français pour tourner sur l’herbe.

Comment expliquez-vous ce désintéressement aux pistes en herbe de la part des cavaliers? 

Ce n’est pas d’aujourd’hui mais je pense que ça a été accentué par l’effet Covid. Pendant deux ans, tous ces terrains-là étaient fermés puisqu’il n’y avait pas la possibilité de concourir dessus. Ainsi, les cavaliers ont couru sur les terrains en sable et s’y sont habitués. Les étrangers, eux, ne se posent pas la question mais nos cavaliers français n’aiment pas l’herbe. 



“On baisse tous les bras les uns après les autres devant le mutisme de beaucoup de personnes”

Quel regard portez-vous sur la modernisation des pistes, à Fontainebleau notamment avec le passage du Petit Parquet en sable, à Compiègne etc.. ? 

Ces grandes structures vont dans le sens des cavaliers. En revanche, lorsqu’on discute avec des vétérinaires, ils nous disent que l’on réduit la durée de concours des chevaux en concourant sur le sable. Je suis juge, je sais que concourir sur le sable c’est bien aussi. Les chevaux frappent mieux mais la réception est très dure et ils se fatiguent beaucoup plus. Dans le temps, on concourrait sur des pistes en herbe avec des chevaux non ferrés. Maintenant, les cavaliers veulent mettre des fers, des crampons etc. Les terrains en sable permettent de concourir dessus qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige mais je pense que c’est au détriment du bien-être du cheval. Beaucoup craignent de glisser, mais lorsqu’on discute avec des cavaliers étrangers tels que des Belges ou des Allemands, ils ne regardent pas tout ça. Désormais, les concours sur sable se ressemblent tous avec les mêmes obstacles. Pour moi, ces concours peuvent être très bien organisés mais n’auront pas l’aura ou l’âme que peuvent avoir les concours sur herbe hormis s’il s’agit de CSI 5* avec des structures énormes. En revanche, sur des concours de niveau CSI 2* ou 3*, bien qu’ils ajoutent des plantes, cela ne permet pas d’obtenir l’âme que dégage un terrain en herbe et qui permet de donner une autre image de l’équitation pour le grand public. De plus, nous ne sommes pas tellement aidés par les autres. Chacun fait son concours de son côté et personne n’a la réaction de monter une association pour essayer de défendre les concours en herbe. Je pense qu’on baisse tous les bras les uns après les autres devant le mutisme de beaucoup de personnes à ce niveau-là.  

Quid de l’avenir de cet événement historique? 

C’était un événement historique. L’année prochaine la même problématique se posera. Il est hors de question de mettre du sable sur ce terrain mythique qui est classé. À moins de changer de lieu, mais ça ne sera plus le concours international du Parc de Champagne. Hélas, on s’en va vers la fin de plusieurs événements qui vont disparaître au profit des structures dites professionnelles qui organisent des concours toutes les semaines. Pour eux, si un concours ne fonctionne pas comme ils l’auraient souhaité, ils peuvent se rattraper sur le deuxième. Le jour où ces grands concours arrêteront, on n’aura plus que des concours d’une semaine ou d’un week-end qui seront là pour pallier et faire travailler les chevaux. C’est dommage mais c’est la conjoncture actuelle. On ne peut pas aller contre. Les cavaliers se réveilleront peut-être dans quelques années mais il sera trop tard. 

Quand est-il pour le concours rémois?    

Je n’ai gardé que le concours Club et Poney qui sera délocalisé au centre équestre de Reims de manière à ce qu’il ne soit pas pénalisé par les internationaux. On va faire quelque chose de bien à nos clubs régionaux pour qu’ils gardent un bon souvenir de l’organisation de la société hippique de Reims qui, je pense, sera sa dernière organisation depuis 1929. C’est une compétition mythique qui va disparaître du monde équestre. On est associatif alors on ne peut pas prendre de risque financier. Ce sont des personnes qui prennent les risques et qui assument. On assumera les pertes financières de notre côté.