“Concourir à haut niveau est notre rêve à tous et ce qui nous fait nous lever le matin”, Alix Ragot

Membre de l’équipe de France victorieuse de la Coupe des nations du CSIO 3* d’Uggerhalne, fin mai au Danemark, Alix Ragot fait partie des “nouvelles têtes” qui endossent fièrement la veste bleue cette année. Porté par un nouvel encadrement fédéral ayant à cœur de lancer de nouveaux couples dans le grand bain, l’Eurélien vit de belles heures avec son gris Coldplay EJ. Gérant d’une écurie familiale, l’élevage de Pégase, il espère pouvoir atteindre le plus haut niveau avec certains produits de son ancien crack, Thaïs de Pégase. À l’occasion de Compiègne Classic, le week-end dernier, le sympathique trentenaire s’est prêté au jeu des questions-réponses.



À Compiègne, Alix Ragot a réalisé l'une de ses premières compétitions avec Gracieuse de Laume.

À Compiègne, Alix Ragot a réalisé l'une de ses premières compétitions avec Gracieuse de Laume.

© Cecile Sablayrolles

Comment se passe votre week-end pour le moment?

En termes d’organisation, il n’y a rien à dire et le site est magnifique. Les températures sont un peu excessives mais les horaires des épreuves ont été adaptées, ce qui est bien. Me concernant, aujourd’hui a été une journée sans (entretien réalisé samedi soir, après une journée marquée par douze points dans la qualificative à 1,50m et une élimination à 1,40m, ndlr). J’étais peut-être moins en forme mais mes chevaux ont tout de même bien sauté. La journée d’hier a été meilleure mais mon cheval de Grand Prix, Coldplay EJ (OC, Zilverstar T x Kashmir van’t Schuttersho), s’est fait un peu mal. Il s’est déferré et ouvert le pied donc il n’était pas très à l’aise. Du coup, il a commis quelques petites fautes (le couple est sorti de piste avec douze points de la qualificative à 1,50m, ndlr). Rien de grave mais je ne veux pas prendre de risque en le faisant sauter à nouveau.

Quels chevaux avez-vous emmené et avec quels objectifs?

J’ai emmené Coldplay, qui a donc réalisé une petite contre-performance. J’aimerais aller le plus loin possible avec lui, même si je sais qu’il sera vendu un jour, comme tous les chevaux de mon écurie. J’ai également Diaz de Ush (SF, Kapitol d’Argonne x Quincy), une jument de neuf ans qui a encore besoin d’apprendre et qui est très sensible. Je dois prendre mon temps avec elle. Et j’ai Expression’Quill (SF, Un Dollar de Blondel x Gipsy de St Martin), une jument de huit ans qui a déjà réussi de très belles choses cette année jusqu’à 1,45m. Enfin, je suis venu avec Gracieuse de Laume (SF, Utrillo vd Heffinck), une jument de six ans que je viens d’acheter avec une de mes propriétaires. Naturellement, elle est là pour prendre du métier. Sans oublier Forest d’Aurel (SF, Kannan x Limbo), sept ans, qui enchaîne les sans-faute.

Comment avez-vous rencontré Coldplay?

J’avais acheté une jument que j’ai par la suite revendue. J’ai récupéré Coldplay, qu’un de mes propriétaires a acheté. J’ai toujours cru en lui. Il n’a jamais eu la meilleure technique ni été le plus académique, mais c’est un cheval qui veut toujours faire plaisir à son cavalier. J’ai toujours eu un très bon sentiment en selle et, en plus, je partage cette histoire avec un ami donc c’est assez chouette, même si je sais qu’il sera vendu un jour.  

Vous avez participé au CSIO 3* d’ Uggerhalne avec lui, gagnant la Coupe des nations, où vous avez bouclé deux tours à quatre points, avant de vous classer huitième du Grand Prix. C’était votre troisième sélection en CSIO. Quel a été votre sentiment? Jusqu’où pensez-vous pouvoir aller avec lui?

C’était super, j’étais avec une équipe très sympa. Gagner la Coupe, c’était génial. Mes coéquipiers ont été exemplaires (signant trois doubles sans-faute, ndlr). Coldplay avait déjà sauté des Grands Prix CSI 4* l’an dernier de belle manière donc c’est assez difficile à dire. Cette année, il a réalisé pas mal de sans-faute même s’il a mis un peu de temps à se remettre en route au début. Outre sa contre-performance d’hier, il ne loupe pas grand-chose, donc nous verrons.

Pensez-vous qu’il puisse vous ouvrir les portes des CSI 5*?

Je ne sais pas, nous espérons toujours avoir cette chance. Si l’occasion se présente un jour, je n’hésiterai pas une seconde. Je pense que tout le monde rêve d’aller à Aix-la-Chapelle, par exemple, mais je suis réaliste. Le chemin est long.  



“De nombreux couples ne seraient pas sortis de l’ombre sans la série Longines EEF”

Cette année, on voit beaucoup de nouveaux couples émerger en CSIO et les équipes sont très diversifiées. Qu’en pensez-vous?

C’est une très bonne chose. Je peux me prendre en exemple, ayant profité du remaniement de l’encadrement (le départ de Thierry Pomel, ancien sélectionneur national, remplacé par Henk Nooren, ndlr) et de la porte qu’on m’a ouverte. C’est vraiment bien aussi de la part de Longines de s’impliquer dans la série des Coupes des nations créée par la Fédération équestre européenne (EEF). Ils ont beaucoup étudié le projet et en ont fait quelque chose de vraiment construit en programmant, par exemple, une demi-finale à Deauville (qui a lieu ce week-end dans le cadre du Sotheby’s International Realty CSIO Deauville, ndlr). C’est une bonne chose pour toutes les nations, qui peuvent ainsi lancer de nouveaux duos. De nombreux couples ou cavaliers ne seraient pas sortis de l’ombre sans ce circuit, qui donne sa chance à de nombreuses personnes.

Chacun pense ce qu’il veut, mais une Coupe des nations n’est pas un Grand Prix du dimanche. C’est une épreuve vraiment particulière, dans laquelle il y a beaucoup d’adrénaline. Celles dont nous parlons sont forcément un peu moins difficiles que celles des CSIO 5* mais cela n’empêche pas les différents pays d’envoyer de très bonnes équipes. Quand je vois celles qui étaient présentes au Danemark ou même à Gorla Minore (la semaine dernière, ndlr), je me dis que de très bons couples ont été sélectionnés, notamment dans l’équipe britannique.

Cette année, à quel point cette série a-t-elle été importante pour vous?

Honnêtement, je ne pensais même pas participer à une Coupe cette année. J’ai dessiné mon programme de concours de mon côté. Après la Chasse du championnat de France Pro Élite, Édouard Coupérie (le sélectionneur adjoint national, ndlr) est venu me demander si je voulais aller à Uggerhalne. J’ai évidemment accepté, et avec grand plaisir. Je sais qu’il y a énormément de cavaliers meilleurs que moi. J’essaye toujours de faire de mon mieux sans pour autant aller contre mes chevaux. S’ils sont prêts, j’y vais; sinon, j’attends.  

Outre Coldplay, pensez-vous avoir d’autres chevaux prêts pour ce niveau?

Coldplay est évidemment le plus apte à sauter ces épreuves. J’ai vendu beaucoup de chevaux cette année donc j’en ai un peu moins dans mon écurie. J’ai principalement des jeunes qui arrivent, dont Gold Sky de Pégase (SF, Herzensdieb), six ans. C’est un fils de mon étalon Thaïs de Pégase (SF, Calvaro x Emir Platière). Il est né à la maison. Je crois vraiment qu’il pourra atteindre de très belles épreuves.



“Gold Sky n’est pas à vendre”

Alix Ragot fonde de grands espoirs en Gold Sky de Pégase, ici à Bonneval en 2020.

Alix Ragot fonde de grands espoirs en Gold Sky de Pégase, ici à Bonneval en 2020.

© Agence Ecary

L’an dernier, vous avez remporté le championnat de France des chevaux de cinq ans avec Gold Sky de Pégase. Comptez-vous majoritairement sur des chevaux de votre élevage pour la suite de votre carrière?

Obtenir de tels résultats avec un cheval qu’on a fait naître et qu’on a formé est toujours satisfaisant, mais la base de notre métier reste le commerce. J’ai déjà vendu la moitié de ce cheval pour tenter de le garder encore quelques saisons. Aujourd’hui, il n’est pas à vendre. Si je peux espérer concourir à haut niveau avec un cheval, c’est avec lui alors je vais essayer de le conserver. C’est notre rêve à tous et ce qui nous fait nous lever le matin. Je me trompe peut-être – il est toujours difficile de se projeter – mais quand je compare ses qualités et mes sensations sous la selle avec celles de son père, que j’ai monté à haut niveau, elles me semblent encore meilleures. Ce sont les mêmes: grande intelligence, respect, envie. Si je monte bien, je suis sans faute. Mes poulains ne sont pas tous issus de Thaïs, mais nous en avons deux ou trois par an, et il semble très bien produire.  

Est-il le seul que vous comptez garder? Comptez-vous sur d’autres produits de Thaïs?

Je ne sais pas. Nous en avons vendu beaucoup cette année donc j’essaie désormais d’en garder quelques-uns. J’ai de super propriétaires qui me suivent, mais ils doivent également y trouver un intérêt et faire tourner la boutique. Nous achetons et revendons beaucoup. Il n’est pas exclu que nous trouvions un cheval demain et que nous nous disions: “Celui-là, on le garde pour le sport”. Pour autant, je dois pérenniser ma structure et la vente reste le but à atteindre. Actuellement, j’ai un quatre ans qui s’annonce très bon ainsi que Happy Day O’Moulin (SF, Thaïs de Pégase x For Pleasure), cinq ans, qui est un peu tardif mais également très prometteur. J’ai malheureusement vendu les autres.  

Comment gérez-vous, justement, votre structure?

Je ne suis pas seul, mon père m’aide beaucoup. C’est une écurie très familiale. D’ailleurs, c’est lui qui m’a mis à cheval. Il a toujours rêvé d’être cavalier mais il monte seulement un peu à la maison. Mes parents ne sont pas du tout professionnels à la base. C’était leur loisir, ce qui est sympa. C’est grâce à eux que j’en suis là, car ils ont réussi à créer quelque chose qui n’était pas à la portée de tous et je leur en suis très reconnaissant. Par exemple, ils ont toujours refusé de vendre Thaïs pour que j’ai la chance d’accéder à certaines épreuves. Nous avons forcément envie de faire plus et mieux, mais ce que nous avons accompli est déjà incroyable.  

Ne craignez-vous pas, par trop de commerce, de mettre de côté votre carrière à haut niveau?

Non, j’ai eu la chance d’avoir en permanence un cheval capable de sauter au moins 1,45m ou 1,50m. Ce n’est pas du CSI 5* mais cela me permet de rester dans le coup. Parfois, quand j’ai moins de chevaux ou quand je connais une mauvaise journée comme aujourd’hui, je déprime un peu et me dis que je ne suis peut-être bon qu’à monter des jeunes, mais c’est la vie de tous les cavaliers. Nous sommes tous passés par là et ce ne sera pas la dernière fois. Cela fait partie de notre métier aussi.  Je vais essayer de construire quelque chose autour de Gold Sky et on verra bien ce qu’il se passera ensuite. Les cavaliers qui sont constamment en CSI 5* ont la classe. Ils n’ont rien à prouver et gèrent de vrais systèmes. On ne peut qu’apprendre d’eux et s’inspirer pour faire évoluer notre structure. Tant mieux si j’y parviens. Sinon, je serai déjà heureux d’être parvenu jusque-là.   

Comment imaginez-vous tout cela évoluer ces prochaines années?

Dans l’idéal, j’aimerais ne pas avoir énormément de chevaux, entre quinze et vingt comme actuellement. Je souhaiterais embaucher un cavalier de jeunes chevaux pour former ceux âgés de quatre et cinq ans, voire six ans. Évidemment, j’aimerais tenter de tutoyer le haut niveau. Enfin, je souhaite développer le commerce à l’échelle internationale. Je n’ai pas un très grand réseau, mais j’aimerais avoir des contacts aux États-Unis et un peu partout pour simplifier la commercialisation, même si j’ai la chance d’être aidé par plein d’amis, dont Axel van Colen.