“C’est reparti, je peux m’éclater comme jamais avec quatre chevaux de Grands Prix!”, Kevin Staut
Moins habitué aux honneurs pendant plusieurs mois, Kevin Staut est de nouveau en haut de l’affiche depuis le début d’année. Si son changement de système et son installation à Pennedepie n’a pas connu une progression linéaire, le Normand semble plus que jamais sur la bonne lancée et assoiffé de victoires. Le numéro dix mondial se prépare en vue des mondiaux d’Herning, pour lesquels il se laisse plusieurs chances grâce à un piquet fourni. Rencontré jeudi à Rotterdam, le président du Club des cavaliers internationaux de saut d'obstacles (IJRC) s’est livré avec passion.
Comment vous sentez-vous ? Dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Globalement, ça va bien. J’ai des chevaux vraiment intéressants, qui commencent à être prêts. La combinaison de tous ces éléments fait que je peux avoir des espoirs pour cette saison qui a déjà bien débuté. Les saisons sont longues, il peut bien sûr il y avoir des imprévus, mais j’espère continuer sur cette lancée. La base est assez solide par rapport aux années précédentes.
Ce week-end, vous concourez à la fois au Longines Global Champions Tour de Paris et défendez les couleurs de la France au CSIO 5* de Rotterdam. Comment allez-vous vous organiser ?
Je suis arrivé Rotterdam assez tôt hier (mercredi, ndlr) pour monter mes chevaux et passer trois jours complets ici. Je voulais me focaliser avant tout sur la première partie du week-end et la Coupe des nations. Habituellement, nous arrivons le jeudi. Une fois que la Coupe des nations sera passée (la France a finalement figuré au deuxième rang grâce notamment à un double sans-faute de Kevin Staut et Scuderia 1918 Viking d’la Rousserie, ndlr), je me rendrai à Paris. Je prends la route demain soir, une groom s’occupe de Cheppetta (Holst, Chepetto x Cash) et Laura (Rayjasse, ndlr) la travaille tous les matins sur la piste. Cheppetta revient de Sopot (du 9 au 12 juin, ndlr), ce n’est pas comme si elle revenait tout juste à la compétition. Elle commence à avoir une bonne expérience et sa saison est vraiment bien lancée. Sur le papier, ce n’est pas irréalisable (le couple a finalement écopé de seize points dans le Grand Prix, ndlr). Je reviendrai ici dimanche pour le Grand Prix avec Bond (Bond James Bond de Hay, SF, Diamant de Semilly x Kannan, qui a conclu le Grand Prix au sixième rang grâce à un superbe double zéro, ndlr).
Vous risquez donc d’avoir besoin de repos lundi !
Oui, absolument ! Plutôt que de faire un aller-retour en Normandie, je pars directement de Rotterdam à Aix-la-Chapelle, où mes chevaux me rejoindront.
Scuderia 1918 Viking d’la Rousserie vous accompagne ici pour sa deuxième Coupe des nations après un parcours à quatre points et un sans-faute à Sopot. Dans quel état de forme est-il ? Quelles seront ses prochains rendez-vous ?
Lorsqu’il a recommencé la compétition à Vilamoura, il sautait 1,20m ou 1,25m et c’était assez fou d’imaginer courir une Coupe des nations quatre mois plus tard. En reprenant le travail et en concourant régulièrement, toutes ses raideurs liées au fait qu’il n’avait pas sauté pendant dix mois se sont gommées et son corps est redevenu plus fonctionnel beaucoup plus rapidement que ce que nous envisagions. La montée en puissance s’est faite progressivement puisqu’après Vilamoura, il a recommencé à sauter 1,45m à Arezzo, puis son premier Grand Prix à Ramatuelle et la Coupe des nations à Sopot. Concours après concours, il est sur une courbe ascendante (ce qu’il a prouvé le lendemain avec un double zéro dans la Coupe des nations, ndlr) qui laisse penser qu’il peut connaître un pic de forme sous peu.
“Viking a le profil parfait pour les championnats”
Connu pour être particulièrement fougueux, Scuderia 1918 Viking d’la Rousserie semble l’être un peu moins ces derniers mois. Serait-il devenu un peu plus sage ?
Je ne sais pas à quel point sa santé et les efforts physiques exerçaient une influence sur son caractère. Nous savons en tout cas que tout cela est très lié. L’an passé, nous lui avons donné le maximum de repos dès que nous avons compris que l’échéance des Jeux olympiques serait inatteignable. Nous nous sommes dit que nous pouvions faire un trait sur la saison 2021, je ne voulais de toute façon pas le faire concourir en indoor. Le cheval se sent vraiment bien, il a de l’expérience car il avait couru une saison et demie de haut niveau avant d’être blessé. Son mental est incroyable, il a toujours été un grand compétiteur. De temps en temps, il lui arrivait de mettre sa hargne contre moi. Désormais, il utilise tout son influx pour donner le maximum et son caractère a vraiment évolué.
Ne concourra-t-il plus que sur des pistes en sable désormais ?
Cette année en tout cas, il ne courra pas sur de piste en herbe par rapport aux lésions qu’il a eu. Pour lui, l’herbe peut présenter un risque, car en fonction de la météo, nous ne pouvons pas être pleinement certains de pouvoir compter sur un sol homogène. Le but serait de pourquoi pas le refaire concourir sur des terrains en herbe l’an prochain, mais pas cette saison afin d’être certain de l’homogénéité des sols chaque semaine.
Le sentez-vous prêt à affronter un championnat ?
J’ai la chance d’être assez serein car il n’est pas le seul cheval sur lequel je peux miser. J’essaie de prendre concours après concours. Il y a quelques mois, cela ne me semblait pas envisageable, alors que maintenant oui. Compte-tenu de son expérience, de son caractère qui s’améliore, tout laisse penser qu’il serait disponible et volontaire tout au long d’un championnat. Il a un profil parfait pour cela ! Je ne veux toutefois pas mettre de pression particulière autour de lui, j’essaie de suivre un plan qui pourrait correspondre à cette échéance avec plusieurs chevaux. Je verrai ce qui est possible de faire ou non d’ici un mois.
Visconti du Telman semble avoir pris une nouvelle dimension cette année. Elle n’a par exemple écopé que d’une faute sur deux Coupes des nations courues à La Baule et Rome…
Tout à fait ! L’an passé, elle a été la jument qui m’a permis de me maintenir à haut niveau alors que sur le papier elle n’avait pas l’expérience d’affronter une telle saison avec un championnat d’Europe et pas mal de Coupes des nations. Elle a emmagasiné cette expérience, a acquis beaucoup de sérénité par rapport aux moyens dont elle dispose. Sa technique et sa disponibilité se sont aussi améliorés. L’an dernier, elle était encore une très bonne jument avec un cavalier qui courait des épreuves pour tenter de se maintenir. Cette année, il y a une meilleure notion de couple et une confiance réciproque qui se manifeste dans les résultats et la manière est bien meilleure. Que ce soit à La Baule et Rome, elle a été incroyable ! Sa façon de sauter, sa disponibilité et sa régularité des résultats ont été au rendez-vous. Elle a en effet pris une autre dimension !
Qu’a-t-elle amélioré dans sa technique ?
Son amplitude de galop pouvait être difficile à canaliser, ce qui rendait des lignes aux distances courtes ou des combinaisons compliquées. Il pouvait donc m’arriver d’avoir du mal à tout gérer du début à la fin d’une ligne. Visconti a un dos très fort, qui bascule énormément. Cela pouvait créer du déséquilibre à la réception. Avec elle, j’ai essayé de beaucoup travailler ma position sur la phase descendante du saut. Son galop est désormais beaucoup plus proche du sol, avec un début de saut lors duquel elle ne pense pas à basculer trop tôt. Cela créée une fluidité dans le mouvement car elle monte d’abord son garrot puis le reste de son dos. Le geste sportif de la jument s’est nettement amélioré, de même que ma position au planer.
“Une nouvelle coalition très sérieuse s’est créée”
Qu’a représenté la victoire tricolore dans la Coupe des nations de Rome ?
Forcément, nous ne sommes focalisés que sur le résultat de l’équipe et sa cohésion lors de tels rendez-vous. Ce résultat collectif passe bien sûr par des performances individuelles, qui sont probantes et donnent une synergie à tout le groupe. Cette année, quelques couples commencent à être vraiment réguliers et apportent de la sérénité en Coupes des nations. Plutôt que de compter un seul couple très fiable dans une équipe, il suffit d’en avoir deux pour sentir que les deux autres, peut-être moins expérimentés, arrivent à suivre le mouvement et se sentent portés par cette ambiance. Même si j’ai participé aux championnats d’Europe, je n’étais pas tellement influent dans cette équipe ces deux dernières années. J’ai tout de même continué à la suivre car l’équipe de France fait partie de mes racines et représente ce que j’aime. Pour n’importe quelle nation qui se reconstruit, le chemin peut être difficile. Cette année, il y a beaucoup de positif. Avec l’objectif à moyen-long terme de Paris 2024, nous pouvons être efficaces. Je pense que les choses se mettent en place. Entre le moment où un mouvement est initié avec la construction d’une équipe vers un objectif, et celui où les premiers résultats arrivent, il y a un laps de temps. Cela est le cas dans n’importe quel sport, et peut-être encore plus dans le nôtre. Depuis un ou deux ans, il était clair qu’il fallait reconstruire cette équipe car il y a du potentiel avec des cavaliers et des chevaux. Pour cela, il était important de ne pas trop s’éloigner du très haut niveau car notre sport évolue très vite. Il fallait donc continuer à envoyer des cavaliers à l’étranger et dans des grands championnats pour suivre le mouvement. Aujourd’hui, la France a la chance de compter de très bons cavaliers, expérimentés et avec d’excellents systèmes. Plutôt que de compter des systèmes éparpillés, il y a une nouvelle coalition très sérieuse qui s’est créée.
Cheppetta peut-elle être une option pour les mondiaux ?
Je l’avais emmenée à Sopot dans le but de la préparer pour cette échéance. Avec le nouveau règlement, le chef de piste n’a plus l’obligation de proposer une rivière dans le Grand Prix d’un CSIO. La jument est formidable, le seul doute que j’avais était justement sur les rivières. Je l’ai faite sauter sur plusieurs pistes, où elle l’a très bien franchie. Il se trouve qu’à Sopot, elle a signé un double sans-faute mais il n’y avait pas de rivière. Elle va donc aller à Knokke avec cet objectif. Elle a des statistiques incroyables depuis le début d’année et est celle qui a le plus d’expérience. Un peu comme Viking, elle est revenue avec l’envie de se battre sur la piste. J’ai aussi Bond, qui est arrivé il y a peu de temps mais qui est un talent pur. J’essaie aussi de le faire avancer en CSIO, il a déjà couru dans les Grands Prix de La Baule et Rome (le bai a écopé de huit points en Loire-Atlantique et s’est qualifié pour le barrage en Italie, où il a commis une faute au barrage en se classant septième, ndlr). Avoir la chance de pouvoir emmener ces chevaux dans de tels rendez-vous est positif pour toute une écurie et fait avancer les choses. Je n’ai rien contre les autres systèmes, mais je me sens bien lors de ces longs week-ends qui permettent une bonne évolution. Par exemple, la dotation de l’épreuve majeure du premier jour est peut-être moins importante que dans d’autres circuits, mais dans l’optique de préparer plusieurs chevaux en vue d’un championnat, ce planning me plaît. Plein de cavaliers et de nations parviennent à se préparer dans d’autres circuits, notamment des nations qui n’ont pas la possibilité de participer à ces CSIO. Cela ne les rend pas moins performants, mais il est vrai qu’en France, nous avons la culture du CSIO en vue d’un championnat, en partie pour se retrouver dans une autre atmosphère qu’un concours classique. Bien sûr, nous sommes ensemble aussi lors de ces rendez-vous, mais les CSIO créent une autre dynamique. Les mois qui précèdent un championnat important, nous aimons former un groupe et nous réunir régulièrement dans ces concours-là.
La progression de Bond James Bond de Hay serait-elle suffisante pour envisager une telle échéance ?
Un peu dans la même idée que pour Viking, je ne me mets pas de pression avec lui. Suivre ce circuit et créer un programme comme s’il prétendait à cette échéance ne pourra que faire progresser notre couple. Après les championnats du monde, il y a aussi Barcelone ensuite (la finale des Coupes des nations, du 29 septembre au 2 octobre, ndlr), les championnats d’Europe l’an prochain (à Milan, du 29 août au 3 septembre 2023, ndlr). C’est reparti, je peux m’éclater comme jamais avec quatre chevaux de Grands Prix ! Cela fait très longtemps, peut-être depuis la grande époque HDC (le haras des Coudrettes, ndlr) que je n’ai pas eu autant de potentiel dans mes écuries. C’est un plaisir d’aller en concours, pas forcément que pour tenter de participer et me maintenir à niveau, mais aussi pour performer.
La deuxième partie de cet entretien sera publiée demain.