“J’aimerais lancer Edison en Coupe du monde, d’autant que notre Libre plaît”, Laurence Vanommeslaghe

Laurence Vanommeslaghe est l’une des cavalières de dressage en forme à mi-parcours de cette année 2022 marquant une forme de retour à la réalité dans le monde équestre. Après une série de belles performances réalisées cet hiver à Wellington, en Floride, la Belge a enchaîné avec de nouveaux classements obtenus en CDI 4* en Europe, fin avril à Hagen et surtout début juin à Wiesbaden. Cinquième du Grand Prix Spécial sur Havalon (71,745%), elle a obtenu une très prometteuse deuxième place dans la Reprise Libre en Musique, en selle sur Edison (77,57%). Habituée du Gand National, la jeune quinquagénaire, établie dans les Yvelines, est engagée ce week-end dans le prestigieux CDI 4* d’Aix-la-Chapelle.



Comment avez-vous vécu votre premier hiver passé en Floride, où vous avez pris part au Global Dressage Festival?

Wellington est apparu comme une belle opportunité pour moi. Edison, mon cheval de tête, s’était blessé au tout début de l’été 2021, juste avant le CDIO 5* de Rotterdam, donc la saison s’était arrêtée bien vite. Une fois qu’il a été rétabli, partir aux États-Unis m’a permis de lui faire prendre de l’expérience. Nos notes ont été bonnes, surtout lors des Libres. Ma reprise en musique moderne et dynamique a beaucoup plu là-bas. D’ailleurs, le public américain soutient volontiers et de façon démonstrative les couples qui lui plaisent, ce qui procure un superbe sentiment. Le score obtenu lors de notre première Libre (79,115%), au terme d’une reprise très émotionnelle et finalement assez inattendue, le 10 février, nous a permis de gagner l’épreuve et d’être invités pour le CDI 5* programmé deux semaines plus tard, ce à quoi je ne m’attendais pas du tout. Et cette fois, j’ai battu mon record personnel avec 79,43% et une deuxième place! J’ai vécu de très beaux moments là-bas.

Comment expliquez-vous ces moyennes élevées?

Techniquement, je suis une très grosse bosseuse. Je m’intéresse beaucoup aux points faibles soulignés par les juges et j’essaie de les améliorer. En l’occurrence, j’ai axé sur la modification d’une attitude un peu trop fermée, donc je fais énormément d’efforts pour pouvoir monter Edison dans un cadre plus ouvert devant, le monter essentiellement sur ma rêne de filet. Je dois aussi impérativement veiller à éviter les fautes et à me caler moi. Quand j’y parviens, c’est payant. À la maison, j’ai aussi changé ma façon de monter. À Wellington, j’ai pu m’entraîner d’une façon différente, avec énormément de bases, en n’enchaînant presque jamais les mouvements, de façon à ce qu’Edison, qui est très grand, très fort et très puissant, respecte encore mieux mes demandes. Quant à Havalon, il a quinze ans maintenant. Avec lui, j’essaie essentiellement d’éliminer les exercices très fautifs. Les points, avec lui, montent quand je réussis un Grand Prix sans faute.

Au-delà des résultats, que vous a apporté ce séjour américain?

Ce fut une expérience énorme. Cela a permis d’observer un mode de vie très différent du nôtre. Le contraste est édifiant. J’ai côtoyé un environnement où tout est différent, y compris l’organisation des concours et les installations équestres. Il y a un vrai confort, dans le sens où l’on vit et travaille tout près du terrain de concours, qui est toujours le même. Cela permet de présenter des reprises de tout niveau presque tous les jours de la semaine, autant qu’on le souhaite, afin de prendre de l’expérience sans trop fatiguer les chevaux. Parfois, je me suis retrouvée face à des difficultés dans la pratique et la logistique qu’il faut apprendre à résoudre. En parallèle, j’ai vécu un entraînement très différent puisque j’ai travaillé sur place avec Christoph Koschel (médaillé de bronze avec l’équipe allemande aux Jeux équestres mondiaux de Lexington en 2010 puis d’argent aux Européens de Rotterdam l’année suivante, ndlr) qui passe ses hivers en Floride.



“Je suis aussi complètement abasourdie par Charlotte Fry”

Quels sont vos espoirs à court, moyen et long terme ?

Avec Edison, l’objectif est de réussir à le monter dans une attitude plus ouverte, qu’il soit plus léger aux aides, et de présenter le Grand Prix sans faute dans cette attitude. Nous avons une belle marge de progression. À Wiesbaden, nous avons eu une moyenne de 71,5% avec deux grosses fautes sur des mouvements notés au coefficient 2, donc je pense pouvoir gagner des points. À long terme, j’espère caler cette qualité et répéter les sans-faute. J’aimerais réussir de beaux concours cette saison. À moyen terme, j’envisage des participations en Coupe du monde, d’autant que notre Libre plaît et que je n’ai encore jamais pris part à ce circuit. À long terme. j’ai déjà participé aux Mondiaux et aux Européens (en 2014 à Caen et 2015 à Aix-la-Chapelle sur Avec Plaisir, ndlr), mais encore jamais aux JO, alors pourquoi pas un jour.

Avec Havalon, je suis davantage sur la réserve vu son âge. Si je pouvais le stabiliser dans une belle régularité et continuer à concourir dans de bonnes conditions, je serais déjà très satisfaite.

Que peut espérer l’équipe de Belgique cet été aux championnats du monde de Herning?

L’équipe de Belgique vise évidemment les championnats du monde. L’objectif est très certainement de se qualifier pour les Jeux olympiques de Paris 2024. Il y a deux possibilités pour cela: finir parmi les six meilleures nations aux championnats du monde, ou bien parmi les trois meilleures nations non encore qualifiées aux championnats d’Europe de 2023. Cet objectif paraît tout à fait envisageable. 

En individuel, que pouvez-vous espérer?

Il y a toujours beaucoup de pression dans les épreuves par équipes. J’aimerais parvenir à m’en libérer. Mon objectif est aussi de prendre part à de belles compétitions en évacuant un maximum de stress. Mon souhait, cette année, est de réaliser de jolis Grands Prix, sans faute, avec Edison, de monter au classement mondial, de m’illustrer en Coupes de monde, avec, en ligne de mire, peut-être une qualification pour la finale, qui aura lieu aux États-Unis (à Omaha, dans le Nebraska, ndlr). Il n’est pas impossible que je retourne à Wellington l’hiver prochain. Du coup, je serais à pied d’œuvre.

Qui vous inspire le plus dans ce sport?

Je suis absolument fascinée par Isabell Werth, cavalière qui a formé et présenté tant de chevaux au niveau Grand Prix, et qui a su évoluer. Et en ce moment, je suis aussi complètement abasourdie par Charlotte Fry, une jeune fille dont les Grand Prix sont magnifiques. Je suis toujours très surprise de la voir, toute fine, monter de grands étalons à la très grosse locomotion. Elle les monte avec une énergie et une technique que j’admire, car elle ne peut techniquement pas utiliser la force.

Quels sont les points forts et points faibles de vos chevaux?

Edison est hyper talentueux. Il a un dos d’une grande souplesse et peut très facilement se rassembler. Le revers est qu’il doit rester sous lui. Il a un très bon mental et n’est pas très émotif ou distrait face aux conditions extérieures. De plus, il a un grand cœur. Je dois juste rester vigilante, car il peut devenir très fort en une fraction de seconde. Il n’est donc pas vraiment simple.

Havalon est beaucoup plus léger. Il a un très bon galop naturel et il est fait en montant. Il a peut-être moins de potentiel qu’Edison en termes de locomotion, mais celle-ci peut moins se dégrader. Il est plus facile à monter. En concours, il supporte mal l’agitation et peut se contracter puis passer au-dessus de la main, ce qui est parfois assez compliqué. 

Quelles sont vos propres forces et faiblesses?

Je suis difficilement positive, rarement satisfaite. J’aimerais faire preuve de plus de sang-froid et de concentration, surtout avec Edison car je me mets beaucoup la pression. Je suis très rigoureuse et tenace au quotidien. Je suis déterminée, sur le long cours et je parviens assez bien à gérer les situations de crise.

De quelle relève disposez-vous?

Je n’en ai pas pour l’instant. Je suis en recherche active. Je vais d’ailleurs aller en essayer, mais je reste une amateur. Je voudrais monter trois ou quatre chevaux par jour au maximum, pas plus. Je n’entends pas vivre de ma pratique équestre.