“La nouvelle génération apporte quelque chose de nouveau et de différent à notre sport”, Carl Hester

Propriétaire, entraîneur, cavalier et désormais commentateur, Carl Hester a de multiples casquettes. S’il n’a pas revêtu sa tenue de compétition à l’occasion des championnats du monde d’Herning, qui se sont tenus au Danemark la semaine passée, le Britannique aux nombreux titres a tout de même vécu l’aventure de l’intérieur en accompagnant son équipe, et plus particulièrement Charlotte Dujardin. Rencontré en terres danoises à cette occasion, le sympathique cavalier est revenu sur son phénomène Imhotep, présent sous la selle de la championne olympique de Londres et Rio de Janeiro, la nouvelle génération du dressage mondial et les Jeux olympiques de Paris 2024.



Vous ne montiez pas lors de ces championnats du monde mais avez eu de quoi vous occuper durant la semaine…  
Effectivement, je n’ai pas eu le temps de m’ennuyer durant ce championnat. J’étais là d’abord en tant que propriétaire d’Imhotep (KWPN, Everdale x Vivaldi) et bien sûr je coachais Charlotte (Dujardin, qui a présenté le hongre, ndlr), Gareth (Hugues, ndlr) ainsi que Richard Davinson. La nouveauté, c’est que j’ai commenté le Grand Prix et le Grand Prix Spécial pour Clipmyhorse (tous les parcours de ces championnats du monde sont à retrouver sur Clipmyhorse.tv, ndlr), ce qui était très intéressant et différent. Ça m’a beaucoup plu. Habituellement, quand je monte, je ne suis pas la définition du bon compétiteur car je suis très nerveux, je ne dors pas, je ne mange pas... J’ai besoin de m’occuper pour penser à autre chose et je ne prends pas le temps de regarder les autres. À Herning, j’ai pu voir tout le monde sans être stressé. Cela m’a permis de déceler certaines fautes liées notamment à la nervosité des cavaliers.   

Comment l’équipe britannique, et en particulier Charlotte Dujardin, font-elles pour être toujours prêts pour les grandes échéances? À ce propos, Isabell Werth a déclaré en conférence de presse qu’elle ne savait pas comment vous faisiez mais qu’à chaque championnat, elle s’attendait toujours à être surprise, qu’en dites-vous?  
Elle a dit ça? (rires, ndlr) Si je dois décortiquer le trio, je dirais que la jument de Gareth Hughes (Classic Briolinca, ndlr), qui a désormais seize ans et effectuait sûrement sa dernière compétition, a suffisamment d’expérience pour ne pas avoir à trop concourir. Elle est capable de donner le meilleur dès la première reprise en championnat. Concernant Imhotep, il a neuf ans et je ne voulais pas que Charlotte le sorte beaucoup car il devait poursuivre l’entraînement. Soit elle participait à deux concours et l’engageait ici, aux championnats du monde, soit elle prenait part à davantage de compétitions mais, dans ce cas, elle ne l’emmenait pas à Herning car je ne voulais pas en plus qu’il fasse un long voyage à son âge.  
Concernant Glamourdale (KWPN, Lord Leatherdale x Negro), le cheval de Charlotte (Fry, ndlr), il n’est également sorti qu’à deux reprises et pourtant tout le monde a eu le temps de voir à quel point il était brillant. Ils ont aussi fait un choix tactique car pour un étalon, concourir, s’entraîner et faire la monte en même temps demande beaucoup d’efforts. Je peux donc tout à fait comprendre pourquoi son entourage a opté pour la même préparation que nous.   

Vous faites peu de concours et essentiellement en Grande-Bretagne, est-ce un choix délibéré?  
Sur le fait de rester en Grande-Bretagne, nous ne pouvons pas nier l’impact du Brexit. Nos chevaux sont désormais obligés d’attendre plusieurs heures sur les quais avant de pouvoir embarquer sans parler du coût pour se déplacer. Mais je considère qu’ils ont avant tout besoin d’être éduqués. Et pour ça, je n’ai pas besoin de les emmener en Europe. Quand j’étais jeune, les gens disaient que pour y arriver, il fallait obligatoirement s’entraîner et faire des concours en Europe. Je n’y ai jamais cru. Il y a toujours eu des personnes très compétentes en Grande-Bretagne et le temps m’a donné raison. Nos cavaliers l’ont encore prouvé lors de ce championnat en ne passant pas loin de l’or.    
J’ai d’ailleurs été agréablement surpris par les notes accordées par les juges. Ils n’ont pas beaucoup vu nos chevaux sur le circuit, pourtant ils ont eu les points qu’ils méritaient. Cela prouve que lorsque nous avons de bons chevaux, le reste suit forcément.   

Qu’avez-vous pensé du niveau de cette édition 2022 ?  
Le niveau était très bon. Si on remonte aux années 80, il y avait trente partants. Cette année, il y en avait quatre-vingt-dix! Je suis ravi pour les Danois car gagner chez soi est important (le Danemark a emporté l'or devant la Grande-Bretagne, deuxième et l'Allemagne, médaillée de bronze, ndlr). Nous avions vu l’impact de notre victoire lors des Jeux olympiques de Londres en 2012. Les gens se sont davantage intéressés à notre sport et ont voulu le pratiquer. Malgré tout, c’est très bien que nous ayons remporté l’or ici en individuel (grâce à Charlotte Fry, sacrée lors du Grand Spécial et du Freestyle, ndlr)!  



“Glamourdale est vraiment spectaculaire et a une prestance que peu de chevaux ont”

Parée d'argent par équipes puis doublement couronnée d'or en individuel, Charlotte Fry a réalisé un championnat exceptionnel avec son Glamourdale.

Parée d'argent par équipes puis doublement couronnée d'or en individuel, Charlotte Fry a réalisé un championnat exceptionnel avec son Glamourdale.

© Scoopdyga

Depuis quelques années nous voyons de nouveaux visages éclore au plus haut niveau, quel est votre avis?  
C’est une très bonne chose mais c’est aussi le sport. Ces jeunes n’arrivent pas là par hasard. Prenons Lottie (Charlotte Fry, ndlr) comme exemple. Lorsqu’elle était jeune, elle manquait de force mais elle a énormément travaillé pour être là où elle en est aujourd’hui. Cathrine (Laudrup-Dufour, ndlr) aussi est un super exemple. C’est une cavalière moderne, qui sait utiliser les réseaux sociaux d’une manière très positive. Nous n’avions pas ça à notre époque et, aujourd’hui, les gens veulent et ont besoin de ces interactions. Cette génération apporte vraiment quelque chose de nouveau et de différent à notre sport et c’est très sain.   

Vous avez monté avec Laura Fry, la mère de Charlotte, et avez également entraîné cette dernière, pouvez-vous en parler davantage?  
Nous avons fait les Jeux olympiques de Barcelone en 1992 ensemble et j’entraînais Laura également. Nous avions à peu près le même âge. Quand elle est tombée malade, elle m’avait demandé si je pouvais faire monter Charlotte, ce que j’avais accepté. Lors de son décès, Charlotte avait quinze ans et a voulu travailler pour moi. Malheureusement, Charlotte (Dujardin, ndlr) était déjà à la maison et je ne pouvais pas m’occuper des deux. Je lui ai donc proposé de partir aux Pays-Bas pour continuer à se former chez Anne van Olst, ce qu’elle a fait.    

Que pensez-vous justement des titres de championne du monde remportés par Charlotte Fry ?  
Elle a magnifiquement monté. Le moment le plus fort a sûrement été quand Cathrine Laudrup-Dufour est sortie de piste pour laisser la place à Lottie. Il s’est passé quelque chose. Glamourdale est vraiment spectaculaire et a une prestance que peu de chevaux ont. Il suffit d’entendre la foule réagir quand il est sur le rectangle. Il procure des émotions. C’est rare d’avoir des chevaux à la fois aussi démonstratifs et précis.  



“Tout le monde nous parle déjà des prochains Jeux olympiques comme si nous étions assurés d’y participer mais il y a de la concurrence et il faudra faire partie des trois meilleurs”

Êtes-vous satisfait de la prestation de l’équipe britannique, deuxième? Et de vos protégés, Charlotte Dujardin et Imhotep?  
Pour l’équipe, nous sommes arrivés avec très peu de recul après seulement deux concours effectués dans la saison. Cependant, nous avons préparé le championnat du mieux que l’on a pu et obtenir une médaille dans ces conditions, c’est vraiment bien.  
Concernant Imhotep, je suis très fier de lui. Je l’ai acheté à deux ans, ma cavalière maison a effectué un énorme travail dessus, elle l’aimait beaucoup. Tout n’a pas été simple car il était délicat et il fallait faire attention car il n’acceptait pas n’importe qui sur son dos. Il a quand même envoyé une personne à l’hôpital! J’ai commencé à le monter à six ans. Je l’ai fait progresser pendant une année et, à partir de ce moment-là, j’ai senti qu’il était prêt pour évoluer avec Charlotte. Alors, quand je le vois aujourd’hui prendre part au championnat du monde, sans être effrayé et en montrant toute sa force, c’est formidable. Bien sûr, il reste encore plein de choses à améliorer mais ce qu’il a fait est déjà énorme. Maintenant, il va rentrer à la maison et aller au pré pour plusieurs mois jusqu’à Noël. Nous le remettrons au travail en début d’année.   

Sur le piaffer, il a une façon impressionnante de passer les postérieurs sous lui…  
C’est inné chez lui mais c’est vrai qu’il a cette façon de s’asseoir sur les hanches qui est assez extraordinaire et il a continué à progresser grâce à l’entraînement. Quand il avait cinq ans, il avait un trot moyen normal, mais en lui faisant travailler le piaffer, cela a amélioré son amplitude. C’est aussi incroyable d’avoir un cheval qui a une telle volonté de travailler et d’apprendre. Tous les jours il donne le meilleur, j’adore ça.  

Pensiez-vous qu’il soit aussi performant si rapidement?  
Avec Charlotte à bord: oui! (rires, ndlr) Il ne faut jamais la sous-estimer. Vous pouvez imaginer comme Imhotep était vert quand elle l’a récupéré et débuté en compétition. Mais elle lui a apporté son aide et son expérience et c’est grâce à elle qu’il en est là aujourd’hui.   

Ça promet pour les années à venir…  
En effet, d’ailleurs j’ai hâte de voir ce que ça donnera chez vous, adorables Français, lors des olympiades à Versailles en 2024 (rires, ndlr)! Plus sérieusement, je vais le remettre au travail l’an prochain et nous verrons. Désormais, le passage de quatre à trois couples complique les choses. Tout le monde nous parle déjà des prochains Jeux olympiques comme si nous étions assurés d’y participer mais il y a de la concurrence et il faudra faire partie des trois meilleurs. Bien sûr que nous voulons y être mais nous verrons bien le moment venu.  

En Imhotep, Charlotte Dujardin a trouvé un nouvel allié de taille!

En Imhotep, Charlotte Dujardin a trouvé un nouvel allié de taille!

© Scoopdyga